La population syrienne doute de l’efficacité des sanctions – par Douglas Hamilton
BEYROUTH (Reuters) – Contactés par téléphone, des Syriens redoutent que les sanctions économiques imposées pour mettre fin à la répression des manifestations contre le régime de Bachar al Assad soient trop longues à se mettre en place et n’affectent pas le gouvernement, mais la population.
La Ligue arabe a approuvé dimanche un gel des avoirs de l’Etat syrien, l’interruption des transactions avec la banque centrale de Syrie et l’arrêt des investissements dans ce pays. En vertu de ces sanctions, les responsables syriens n’auront plus le droit de se rendre dans d’autres pays arabes.
Les gouvernements de l’Union européenne ont quant à eux décidé lundi d’imposer de nouvelles sanctions financières et commerciales à Damas.
Des rassemblements approuvés par les autorités ont été organisés pour dénoncer « l’ingérence étrangère ». La télévision d’Etat a montré des milliers de manifestants brandissant des portraits du président Assad et le drapeau syrien.
? La plupart des médias étrangers n’ont pas accès au pays.
Joints au téléphone, des habitants ont déclaré à Reuters qu’ils ne pensaient pas que les sanctions déboucheront sur un règlement rapide de la crise.
« Cela affectera le régime sur le long terme mais ce sera aussi l’occasion pour le régime et des négociants cupides de voler davantage », estime Nasrine, un journaliste de 25 ans. « Nous voulons une solution immédiate pour arrêter le massacre, pas des sanctions. »
« TOUT DEVIENDRA PLUS CHER »
La Ligue arabe comme l’Union européenne soulignent que leurs sanctions sont soigneusement ciblées pour éviter que la population n’en soit la première victime, mais ces interlocuteurs en doutent.
« Ce sont des sanctions contre le peuple, pas contre le système », déclare Ramy, un comptable âgé de 27 ans. « C’est vrai que la Ligue arabe essaie de protéger les citoyens syriens, mais quand il y a des pressions sur le gouvernement, le gouvernement les fait peser sur la population. »
Rana, une étudiante de 22 ans, estime cependant qu’il faut laisser une chance à cette option.
« C’est la seule solution pacifique », dit-elle. « Peut-être que le régime acceptera d’arrêter de tuer son peuple (…). Il n’y a pas de révolution sans sacrifice. »
« Mais la Ligue arabe est lente et j’ai parfois l’impression qu’elle n’est pas déterminée à soutenir le peuple syrien », ajoute-t-elle.
Rim, une mère de deux enfants âgée de 40 ans, n’a « que deux mots » à dire à propos de l’initiative de l’organisation du Caire. « Nous voulons arrêter le bain de sang, pas des sanctions. Les sanctions augmenteront le vol. Tout est cher et tout deviendra de plus en plus cher. »
Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid al Moualem a estimé que les sanctions arabes contre la banque centrale syrienne équivalaient à une « déclaration de guerre économique » mais Wael, un épicier, père de quatre enfants, s’en amuse.
« Bien sûr que le régime sortira intact de cette crise, parce qu’il se fiche fondamentalement des intérêts de nombreux Arabes en Syrie. »
Jean-Stéphane Brosse pour le service français