La révolution syrienne trois ans après « Entretien avec François BURGAT » par Omar Al Assaad

Article  •  Publié sur Souria Houria le 17 juillet 2014

Photo_عمر الأسعد

La révolution syrienne trois ans après « Entretien avec François BURGAT »

Traduit de l’arabe par Léa Plee

Dans le cadre de la série des ses activités régulières, l’association Souria Houria a reçu lors dans son colloque mensuel du dimanche premier juin 2014, l’écrivain et chercheur français François BURGAT, un parmi les meilleurs chercheurs qui s’intéressent à l’histoire du monde arabe contemporain ; et qui a occupé plusieurs postes dans des instituts de réflexion et de recherches dont celui de directeur de l’institut français du Proche-Orient entre les années 2008 et 2013.

Le colloque est dirigé par l’écrivain et éditeur syrien Farouk Mardam Bey, qui passe en revue le titre du colloque « le soulèvement syrien trois ans après » à la lumière de l’ouvrage écrit et rassemblé par BURGAT et intitulé « Pas de printemps pour la Syrie », ouvrage qui comprend 28 articles d’un certain nombre d’écrivains et journalistes parmi les fins connaisseurs des problèmes du Moyen-Orient et que BURGAT a rassemblés et rédigés en rajoutant un ensemble d’entretiens/témoignages réalisés avec des activistes et des journalistes, ainsi que la traduction de quelques chansons qui chantent la révolution et ses emblèmes dans une tentative pour donner une certaine image de la révolution syrienne et de ses aspirations.

Mardam Bey entame ses questions en partant du titre de l’ouvrage « Pas de printemps pour la Syrie » tout en s’interrogeant « pour quoi pas de printemps pour la Syrie ? » pour savoir l’avis de l’auteur et la signification de ce titre. Burgat affirme que le choix de ce titre contribue à établir que la situation en Syrie est différente de celle des autres pays du printemps arabe et ce, vu la position de la Syrie au sein du territoire du « Moyen Orient », sa structure aussi bien que sa constitution démographique, tous totalement différents de ceux des autres pays du printemps arabe ; constitution démographique qui fait partie des caractéristiques que le régime exploite depuis le premier instant dans sa confrontation avec la révolution, en propageant l’idée selon laquelle il protège les minorités, appuyant ses allégations suite à l’apparition du salafisme jihadiste qui aujourd’hui menace la révolution, et évoquant les relations solides qui existent entre le régime et les éléments de ces organisations particulières, d’autant que bon nombre de noms de leurs chefs étaient jetés dans ses prisons ; de plus, la large connaissance que le régime possède, dans la manière de traiter avec ces organisation à travers une longue relation, qui avait unifié le régime et les organisations jihadistes facilitant par là, le passage de celles-ci en Irak après 2003 et au Liban.

Par ailleurs et passant en revue la spécificité de la situation syrienne sur la carte régionale du Moyen-Orient, Burgat fait état des pressions que le régime exerce sur les Etats de la région, dans une tentative pour exporter sa crise à l’extérieur et ce, en exploitant les relations qu’il entretient avec certaines organisations kurdes en Turquie et certains groupes au sein de la communauté alaouite qui lui ont exprimé leur appui et leur soutien.

Burgat fait digression pour présenter également une image de la situation de l’opposition syrienne démantelée, notamment après l’entrée des organisations jihadistes dans le conflit existant avec le régime Assad. A cet effet, Burgat affirme que les tentatives pour soutenir et collaborer avec la Syrie se sont heurtées à la forme avec laquelle l’opposition s’est données d’elle-même ainsi que de la situation en Syrie, qui a généré un effet négatif dans l’opinion publique mondiale vis-à-vis de la révolution des Syriens.

Ensuite, Burgat présente une analyse de la situation des organisations jihadistes d’autant qu’il est l’auteur de deux précédents ouvrages portant sur le problème de l’islamisme, et dont l’un est basé sur la pensée de l’organisation Al Qaïda. De fait, Burgat commence par mettre au clair l’image des organisations jihadistes au vu des dernières informations analytiques récurrentes, sur la situation de ces organisations en Syrie. A cet égard, il affirme que sur la scène syrienne d’aujourd’hui, de grands noms de chefs jihadistes et islamistes ont été libérés des prisons du régime d’Assad lors la révolution et ce, afin de leur laisser toute liberté pour pratiquer leurs activités jihadistes et par voie de conséquence, lui donner les bonnes raisons pour les confronter avec violence sous le slogan de la lutte contre le terrorisme. Sur ce point, Burgat ne cache pas sa conviction de l’existence de liens de sécurité entre certaines organisations jihadistes et certaines sphères de Renseignements régionales ou rattachées au régime syrien ; à cet effet, Burgat fait référence au rôle joué par les jihadistes qui arrivent aujourd’hui en provenance de l’Europe jusqu’à la Syrie ; de fait, il essaye d’exposer les raisons qui incitent un citoyen européen à rejoindre les jihadistes, et que Burgat reporte à une crise identitaire et à une marginalisation que ces derniers rencontrent dans leurs nouvelles sociétés, d’autant qu’ils sont dans leur majorité écrasante, des immigrés ou bien des enfants d’immigrés qui sont arrivés en Europe.

Burgat explique également son propre point de vue sur les différences qui existent entre les deux organisations jihadistes les plus dominantes aujourd’hui sur la scène syrienne, à savoir « l’Etat islamique en Irak et au pays de Cham » Daech et « le Front Al Nosra », affirmant que Daech comprend au-delà de 78 nationalités au sein de ses rangs ; et que la différence essentielle qui la distingue de Al Nosra

est le fait qu’elle comprend des éléments jihadistes à majorité non syriens et elle confirme la priorité de restaurer l’Etat Islamique pour en faire un objectif préalable à la chute du régime. Burgat affirme la possibilité de l’existence de transgressions de sécurité dans le corps de cette dernière organisation plus qu’il en existe dans l’organisation Al Nosra. Burgat classe les différences de par la nature des opérations que les deux organisations mettent à exécution ainsi que le timing de leur déclaration et la forme de leur coexistence géographique et la nature de leurs engagements aussi bien dans le cadre de la carte syrienne, qu’avec les forces qui les soutiennent et les alimentent en dehors de cette carte.

A cet égard, Burgat tente de mettre en exergue l’ensemble des points parmi lesquels figure la relation qui existe entre les organisations avec les partis laïcs et l’expérience politique des islamistes en Syrie, appuyant son idée par des témoignages historiques relatifs aux évènements de Hama en 1982 et tentant d’avancer des exemples parallèles aussi bien positivement que négativement après les deux expériences de l’Egypte qui s’est terminée par la chute du pouvoir des frères musulmans dans ce pays, au moment où le mouvement Annahda avec le commandement de Rached Al-Ghanouchi a réussi à franchir des étapes importantes dans sa crise en Tunisie. Burgat appelle ce qu’il nomme « le club du « 3 pour cent » élitiste libéral laïc » à la nécessité de se rencontrer avec des islamistes, indiquant l’importance de la coalition entre la laïcité modérée et l’islamisme modéré afin de provoquer un changement profond et pérenne vu que l’Islam sera un passage obligatoire dans l’étape pour se libérer de toute persécution et se constituer un truisme identitaire dans la région.

Par la suite, Burgat répond à un ensemble de questions posées par le public et centrées sur le rôle turc au travers de la révolution syrienne ; et au vu de l’expérience que ce dernier Etat possède dans la région, sur l’étendue de l’influence qu’il pourra exercer ; ainsi que sur la responsabilité des Syriens d’une manière générale ; et sur l’influence que les partis et les rassemblements laïcs exercent sur la révolution ; et les relations que ces derniers entretiennent avec les forces islamiques actuellement présentes sur la scène, d’autant que certaines parmi ces forces n’abandonnent pas le principe de la gouvernance.

Sur ce point, Burgat précise qu’il est normal que l’intérêt que porte la Turquie au problème syrien soit profond, d’autant qu’il agit sur la situation intérieure de ce pays aussi bien sur le plan politique que démographique voire même économique et autres. Burgat fait également allusion d’une part, aux campagnes de violences et d’arrestations arbitraires menées à l’encontre des forces démocratiques et

laïques sur la scène syrienne, et d’autre part, à l’absentéisme qu’a commis le régime à l’encontre d’un grand groupe d’activistes et d’opposants comptés parmi les rangs des Démocrates. De fait, Burgat insiste sur l’importance de l’ouverture de canaux de liens entre laïcs et islamistes, chose qui a réussi à s’établir dans les différents pays du printemps arabe. A cet effet, Burgat fait état des communiqués que les Frères Musulmans ont diffusés en Syrie et qui font allusion à une acceptation d’un Etat civil et d’une pratique de la Démocratie.

A titre indicatif, ces colloques organisés par l’organisation Souria Houria sont mensuels et sont dirigés par l’écrivain et éditeur syrien Farouk Mardam Bey ; le premier colloque a reçu la journaliste syrienne Hala Kodmani, la romancière syrienne Rosa Yassine Hassan et l’écrivain libanais Ziyad Majed. Le troisième colloque sera tenu dimanche le 29 juin 2014.

version en arabe : الأحد 1 حزيران 2014 – لقاء سوريا حرية – عمر الأسعد