La Syrie gâche la victoire iranienne – par Sadegh Zibakalam

Article  •  Publié sur Souria Houria le 31 octobre 2011

(Dimanche 30 octobre 2011)

 

Traduit de l’anglais par SouriaHouria


« Si le printemps arabe était interprété comme une simple lutte sociale pour la réforme politique et la démocratie, alors il n’apporterait aucun bénéfice idéologique aux dirigeants de l’Iran islamique contre leur ennemi. La dimension idéologique de la lutte contre l’Occident est si cruciale pour les leaders islamiques qu’ils ont même interprété les manifestations actuelles contre les mesures de rigueur économiques dans plusieurs pays de l’ouest, dont les mouvements d’occupation de Wall Street, comme des signes évidents de l’effondrement de la civilisation occidentale. »

Partout dans le Moyen-Orient et dans le monde en général, il y a eu un intense débat durant les neuf derniers mois à propos de l’origine, des implications et du futur du « Printemps arabe », tel qu’il est communément appelé. Partout dans la région, des universitaires, les journalistes et des analystes essayent d’examiner les divers aspects et les dimensions de cette avalanche d’événements inattendue et déconcertante. Partout, c’est-à-dire à l’exception de l’Iran islamique.

Il n’y a aucune surprise face au printemps arabe en Iran. Les dirigeants iraniens aussi bien que les médias d’État voient le soulèvement arabe sans ambiguïté. Leur approche de ces événements importants est très simple et très claire.

Pour commencer, les dirigeants iraniens voient le printemps arabe non comme un mouvement socio-politique qui aspire à démocratiser les sociétés arabes mais plutôt comme ce qu’ils appellent un éveil islamique. L’un après l’autre, les dirigeants iraniens font l’éloge de ce resplendissant éveil islamique.

On pourrait penser qu’il s’agit d’un simple choix de mot – que, étant donné les sentiments religieux intenses que beaucoup de leaders iraniens possèdent, ils préfèrent simplement appeler le printemps arabe un éveil islamique. Mais ceci est beaucoup plus qu’une simple étiquette. Non seulement ils ont changé le nom, mais plus important encore les dirigeants ont également modifié toute la teneur du mouvement.

Ainsi, “cet éblouissant éveil islamique” aurait été influencé et inspiré par les idées radicales et révolutionnaires islamiques développées par la Révolution islamique iranienne de 1979. C’est à dire l’anti-Occident, l’anti-Amérique et, par-dessus tout, l’anti-Israël. Les arabes, selon les dirigeants et les médias iraniens, étaient contre l’Egypte d’Hosni Mubarak, la Tunisie de Zine El Abidine Ben Ali et le reste des leaders arabes non pas tellement parce qu’ils étaient des dictateurs impitoyables mais plutôt parce qu’ils étaient avant tout pro-occidentaux et entretenaient de bonnes relations avec l’Etat juif.

Le fait que Mubarak ait eu de bonnes relations avec Israël et l’ait reconnu compte bien davantage aux yeux des dirigeants iraniens que son style de gouvernement autocratique. Les bonnes relations de Mubarak avec Washington ont causé davantage de ressentiment chez le peuple égyptien que le fait qu’il ait enfermé ses opposants en prison ou échoué à tenir des élections libres.

La couverture médiatique générale du printemps arabe en Iran est si déformée que si vous n’aviez aucun accès à des médias alternatifs, vous seriez enclins à croire que les Arabes ne cherchent pas des changements démocratiques, mais veulent plutôt rompre les relations avec Israël et les Etats-Unis. Il n’y a pas de références aux réformes politiques demandées par les arabes, à leur opposition aux poursuites politiques, à la détention d’opposants politiques et à la censure de la presse, ni à une foule d’autres exigences telles que l’état de droit et les élections libres.

C’est dans ce contexte que l’attaque contre l’ambassade israélienne au Caire a bénéficié d’une couverture médiatique massive en Iran, comme si l’immense révolte arabe n’avait que cet objet.

N’importe quel commentaire d’islamiste hostile ou menaçant envers l’Occident, les Etats-Unis ou Israël bénéficie d’une large couverture médiatique, tandis que des commentaires des plus libéraux et séculaires, tels que les islamistes modérés qui ne recherchent pas la confrontation avec l’Occident ni la destruction de l’Etat d’Israël, échouent à attirer la moindre attention en Iran, quelle que puisse être l’importance du commentateur.

Il existe une seconde approche sous-jacente qui modèle l’interprétation iranienne de la question. Beaucoup de dirigeants iraniens perçoivent le régime islamique comme étant inscrit dans une lutte idéologique permanente contre « l’Occident décadent ». Le superbe éveil islamique est vu comme une indication évidente de la supériorité morale de l’Islam et comme un coup porté à son rival. Etant donné que ces leaders arabes, luttant désespérément pour leur propre survie, sont des alliés stratégiques de l’Occident, leur disparition est vue comme la défaite de l’Occident.

Si le printemps arabe était interprété comme une simple lutte sociale pour la réforme politique et la démocratie, alors il n’apporterait aucun bénéfice idéologique aux dirigeants de l’Iran islamique contre leur ennemi. La dimension idéologique de la lutte contre l’Occident est si cruciale pour les leaders islamiques qu’ils ont même interprété les manifestations actuelles contre les mesures de rigueur économiques dans plusieurs pays de l’ouest, dont les mouvements d’occupation de Wall Street, comme des signes évidents de l’effondrement de la civilisation occidentale.

Mais ici nous nous trouvons face au dilemme posé à l’Iran par la Syrie. Le printemps arabe tout entier qui aurait dû constituer une victoire morale de l’Iran islamique sur l’Occident ne tenait pas compte, hélas, du facteur syrien, qui n’entre pas du tout dans la grande théorie du réveil islamique. Avec beaucoup de difficultés, les dirigeants iraniens se sont finalement débrouillés pour dépeindre le régime libyen sous Mouammar Kadhafi comme un protégé de l’Occident. Désigner Kadhafi comme une marionnette occidentale était la seule façon de pouvoir dépeindre la révolte arabe comme un éveil islamique contre l’Occident. Mais Bashar Assad ne pouvait raisonnablement pas être dépeint comme un allié de l’Occident.

Malgré les intentions et les objectifs, le soulèvement en Syrie perce un large trou dans théorie de l’éveil islamique. Au début, les leaders iraniens ainsi que les médias d’État ont simplement ignoré des événements en Syrie. Mais lorsque des auteurs iraniens indépendants ont soulevé la question de la répression brutale sur le peuple syrien, les dirigeants se sont trouvés dans l’obligation de commenter la crise en Syrie. Ils ont simplement soutenu que « la nature de la révolte et des protestations en Syrie est différente de celle du reste du monde arabe. Alors que la révolte des autres pays arabes est authentique, en Syrie ce sont des agents israéliens et américains qui catalysent l’agitation contre le régime héroïque et révolutionnaire. »

 

source: http://usa.mediamonitors.net/content/view/full/91084