La Syrie, théâtre d’une guerre par procuration – par Régis Soubrouillard de Marianne
Pour la seconde fois en un mois, le conflit syrien a débordé au Liban. De plus en plus les symptômes d’un débordement du conflit apparaissent, qui font craindre une transposition des conflits régionaux sur le territoire syrien mais aussi le risque d’une polarisation religieuse des affrontements.
L’annonce par les dirigeants de la Chine et de la Russie, principaux alliés du régime de Damas, de « vouloir coordonner leurs actions dans le dossier syrien afin de faire appliquer le plan de paix de l’ONU » avait suscité quelques espoirs d’un assouplissement de leurs positions diplomatiques. Des espoirs rapidement douchés.
Le conflit syrien reste une impasse. Impasse politique et stratégique : le Royaume-Uni et la France ne sont pas prêts à se mettre en première ligne dans un conflit qui serait d’une toute autre complexité que le conflit Libyen. Et à la veille d’une échéance électorale, Obama ne veut surtout pas d’un nouvel Afghanistan, à l’issue tout aussi hasardeuse.
Philosophe et juriste chercheur à la faculté de droit de McGill Universit, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer explique dans une tribune au Monde combien, contrairement aux affirmations récentes d’un nouveau philosophe qui s’improvise régulièrement cinéaste –ou l’inverse- , « le précédent libyen n’est pas pertinent » : « En Libye, l’opposition était forte et contrôlait une partie du territoire, l’armée régulière était faible et le risque d’embrasement régional quasi nul. En Syrie, c’est le contraire : l’opposition est courageuse mais faible et, à moins de prendre Alep, elle ne contrôle pas une partie du territoire qui lui permettrait de se ravitailler ; l’armée régulière, équipée par les Russes, est forte et la situation du pays, au coeur d’une poudrière géopolitique, rend le risque d’embrasement régional très élevé. Si nous n’intervenons pas en Syrie comme nous l’avons fait en Libye, ce n’est pas seulement pour des raisons légalistes (absence d’autorisation du Conseil de sécurité), mais surtout pour ces raisons prudentielles ».
Des affrontements par procuration
Ce week-end, la ville septentrionale de Tripoli (Liban) a été, une nouvelle fois, le théâtre d’affrontements sanglants entre partisans et adversaires du président syrien Bachar Al Assad. Les combats opposaient des hommes armés du quartier très défavorisé de Bab el-Tebbaneh, majoritairement sunnite et hostile au régime syrien de Bachar al-Assad, à des miliciens de Jabal Mohsen, quartier alaouite soutenant ce régime.
Ces combats ont fait quatorze morts et des dizaines de blessés. Un bilan qui démontre que le conflit syrien a bien contaminé le nord du Liban.
Pour l’International Crisis Group (ICG), ces quartiers de Tripoli servent « de zone d’affrontement par procuration. Des acteurs extérieurs y ont transposé leurs querelles, soutenant les combattants locaux dans une lutte moins coûteuse et plus facilement gérable que ne pouvait l’être une guerre ouverte dans la capitale libanaise ».
Si le calme est revenu, selon le journal libanais l’Orient Le Jour, Tripoli « reste une ville fantôme en dépit du déploiement de l’armée et des Forces de sécurité intérieure dans les deux quartiers ennemis de Bab el-Tebbaneh et de Jabal Mohsen ».
Le spectre d’une guerre régionale ?
Des milices irakiennes, notamment des membres de l’armée du Mahdi, une milice islamiste chiite irakienne, seraient par ailleurs présentes aux côtés des forces de sécurités gouvernementales alors que des milices sunnites auraient rejoint les insurgés. Sans compter le soutien financier des monarchies du Golfe, parmi lesquelles le Qatar et l’Arabie Saoudite.
Autant de symptômes d’une transposition des conflits régionaux sur le territoire syrien mais aussi d’une polarisation religieuse des affrontements et des risques d’une contagion régionale déjà avancée, qu’avait anticipé Kofi Annan qui n’avait pas caché ses inquiétudes : « Le spectre d’une guerre généralisée, avec une dimension confessionnelle alarmante, grandit de jour en jour » .