La tour Eiffel aux couleurs de la révolution syrienne – par Jean Comte
Comme tous les soirs, la terrasse du Trocadéro est remplie de touristes et de passants, venus admirer la tour Eiffel. Sauf que, en cette soirée du 15 mars, ils ne sont pas seuls : entre 300 et 400 manifestants sont aussi présents, brandissant des drapeaux aux couleurs de la révolution syrienne et appelant au départ du président Assad.
En ce troisième anniversaire du début du soulèvement, 14 ONG françaises (dont AmnestyInternational, la Fédération internationale des droits de l’homme, Médecins du monde, etc.) ont projeté le message « #AvecLesSyriens », sur le premier étage de la tour Eiffel, en grandes lettres blanches, pour interpeller flâneurs et touristes. Une série de soirées semblables ont été organisée partout dans le monde.
« C’est une expression de solidarité avec le peuple syrien, et aussi une façon de rappeler à tout le monde ce qui se passe là-bas », explique Ayman Al-Aswad, un militant syrien réfugié en France. « Avec l’actualité, en Ukraine ou ailleurs, les gens ont tendance à oublierce qui se passe en Syrie », complète Nadine Hanich, une retraitée militante d’Amnesty International. « Alors, il faut faire des piqûres de rappel, comme aujourd’hui, pour continuer àmobiliser l’opinion. »
« EST-CE UNE DATE SPÉCIALE ? »
Du côté des passants venus admirer la tour Eiffel, le message « #AvecLesSyriens » étonne ou laisse indifférent. « On ne l’avait pas vu, vous venez de nous le faire remarquer ! », s’exclame un couple néerlandais en riant. « On ne sait pas ce que c’est, on n’est pas venus pour ça », tranche un groupe de jeunes filles anglophones, visiblement fâchées d’êtreinterrompues en pleine séance de photographie devant le monument.
Réaction similaire chez Vanessa et Elodie, deux lycéennes parisiennes peu enclines àapprofondir le sujet : « Si c’est important, on verra ça sur Facebook ».
Non loin d’eux, Merve Türken et Mikail Kilinc, un couple d’étudiants allemands, montre plus d’intérêt. « C’est une bonne idée d’inscrire ça sur la tour Eiffel, ça permet de toucher les touristes » jugent-ils. « Mais pourquoi l’avoir mis aujourd’hui ? Est-ce une date spéciale ? »
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« Cela m’a interpellé, je me suis demandé ce que c’était », reconnaît Simon, un Roumain installé à Paris. Lui et les trois amis qui l’accompagnent iront « peut-être sur Twitter, pourvoir à quoi correspond le hashtag. » Mais ils ne peuvent s’empêcher de s’interroger : « Si c’est sur la tour Eiffel, ça veut dire que que la mairie de Paris soutient officiellement les révolutionnaires syriens ? »
« VISIBILITÉ »
Benoit Mardelle, musicien de profession, a surtout noté qu’il s’agissait d’un hashtag (#), permettant de référencer des message sur Twitter : « C’est intéressant, vu l’importance desréseaux sociaux dans les révolutions arabes », note-t-il. S’il juge l’initiative pertinente, il a néanmoins peur qu’elle soit un peu réductrice : « Il s’agit d’un problème géopolitiquecomplexe, comment peut-on le résumer en un seul hashtag ? »
Un scepticisme qui contraste avec l’enthousiasme de Mohamed et de Rhizlane Mourkhir. Tous deux d’origine marocaine, ils se disent « heureux de la visibilité que [cette action] donne au conflit syrien ». Seul bémol, pour Rhizlane, sa médiatisation insuffisante. « On n’en a pas parlé dans les médias, c’est vraiment dommage… »
Vers 21 heures, les manifestants commencent à se disperser. Quelques dizaines, groupés en face de la tour Eiffel, continuent à scander des slogans anti-Assad. Non loin d’eux, un couple d’adolescents discute. « C’est pour la Syrie, cette illumination ? – Oui, il y a une guerre, là-bas. Et je crois que ça fait déjà quelques années… »
date : 16/03/2014