L’Armée de l’islam dans l’attente du feu vert pour lancer la bataille de Damas – par Antony Samrani

Article  •  Publié sur Souria Houria le 4 septembre 2015

Alors que son fief de la Ghouta est pilonné par le régime syrien, le groupe salafiste est dans une position des plus délicates.

Deux ans après l’attaque au gaz sarin dans la Ghouta orientale – banlieue de Damas –, le régime syrien a effectué une série de raids aériens contre Douma, principal fief de la Ghouta, dont le plus meurtrier a visé le marché de la ville le dimanche 16 août. Qu’est-ce qui a motivé cette nouvelle offensive du régime en pleine période de reprise des négociations diplomatiques ?

Interrogé par Reuters, un responsable militaire syrien explique que les raids visaient les quartiers généraux de l’Armée de l’islam (Jaych al-islam), un groupe rebelle armé qui contrôle cette région. La nouvelle offensive du régime intervient en tout cas au lendemain d’une attaque de ce groupe contre les troupes loyalistes à Harasta. Principalement constitué de salafistes libérés par le régime en juin 2011, l’Armée de l’islam s’inscrit dans une logique nationale, au contraire d’autres groupes salafistes jihadistes – comme l’État islamique (EI) qui prône un jihad déterritorialisé.

Selon Ziad Majed, politologue libanais et professeur des études du Moyen-Orient à l’Université américaine de Paris, le groupe serait composé d’environ 10 000 combattants et serait essentiellement présent dans la Ghouta. « Financé par l’Arabie saoudite, le Qatar et certains hommes d’affaires syriens – qui financent dans le même temps le régime – le groupe est dirigé par Zahran Allouche, l’homme qui veut mener la bataille de Damas. Ce dernier a de bonnes relations avec certains cheikhs et hommes d’affaires de Damas et il continue de préparer ces troupes en vue de la grande bataille contre Damas », explique M. Majed.

Appui à double tranchant
Le mouvement armé chercherait donc à se présenter comme une alternative crédible au régime, en tissant des liens non seulement avec les autres groupes rebelles, mais aussi avec les partisans du régime. « L’Armée de l’islam coopère avec le Front al-Nosra, branche d’el-Qaëda en Syrie, tant que ce dernier n’est pas important dans la Ghouta. Mais il a liquidé tous les autres groupes rebelles qui pouvaient concurrencer son autorité dans cette région », précise M. Majed. En combattant à la fois les troupes du régime – même s’il le fait de façon sporadique – et les jihadistes de l’EI – le groupe a notamment posté une vidéo montrant l’exécution de 18 jihadistes de l’EI en combinaison orange – l’Armée de l’islam peut compter sur les appuis de certains puissances régionales, comme l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. Mais cet appui est à double tranchant : M. Allouche ne lancera pas de grande offensive contre Damas tant qu’il n’aura pas reçu le feu vert de ses parrains. Comment peut-il alors réagir aux bombardements du régime sans risquer de tout perdre ?

Briser le siège imposé dans la Ghouta, ce qui signifierait mener de rudes combats contre l’armée syrienne et ses alliés ? Lancer des obus à partir d’une zone à proximité de Damas, ce qu’il fait déjà de façon épisodique ? Ou ne pas s’engager dans un mouvement de grande envergure et prendre ainsi le risque de se couper complètement de sa base sociale ?
Alors qu’il attend son heure depuis le début de la guerre en Syrie, M. Allouche doit désormais faire des choix majeurs. C’est peut-être maintenant que son avenir se joue.

source : http://www.lorientlejour.com/article/941030/larmee-de-lislam-dans-lattente-du-feu-vert-pour-lancer-la-bataille-de-damas.html

date : 26/08/2015