Le divorce est consommé entre Kofi Annan et le Conseil national syrien par Benjamin Barthe

Article  •  Publié sur Souria Houria le 15 juillet 2012

Le Conseil national syrien (CNS) ne veut plus entendre parler de Kofi Annan. En réaction au massacre de Treimsa, une localité des environs de Hama, où plus de 200 personnes auraient été tués jeudi 12 juillet dans une attaque des forces pro-gouvernementales, la principale plateforme d’opposition au régime du président Bachar Al-Assad a décidé de couper tout contact avec l’émissaire des Nations Unies et de la ligue arabe. Dans un communiqué diffusé vendredi soir, le CNS affirme avoir « perdu confiance » dans sa mission,  » qui a été tué par les massacres et des propositions irréalistes, qui ne pourraient que profiter au régime et luipermettre de gagner du temps ». En conséquence, le CNS  » déclare qu’il cesse toute coopération avec la mission Annan et appelle la Ligue arabe et les Nations unies à mettre un terme à cette mission ».

La rupture était en germe depuis la rencontre entre Bachar Al-Assad et Kofi Annan, lundi, à Damas. La photo officielle, montrant les deux hommes en train dedeviser, tranquillement assis de part et d’autre d’une petite table en bois, a faitbouillir le sang de nombreux opposants. D’autant que le diplomate ghanéen évoquait alors la nécessité d’impliquer l’Iran dans la résolution de la crise, un anathème pour la plupart des rebelles, persuadés que Téhéran, allié de longue date de la Syrie, n’a aucun intérêt à voir tomber Bachar Al-Assad.

L'émissaire des Nations Unies et de la ligue arabe, Kofi Annan, et le président syrien, Bachar Al-Assad, à Damas, le 9 juillet. | AP/Anonymous

A l’issue de la discussion de Damas, qu’il avait qualifié de « franche et constructive », M. Annan avait par ailleurs déclaré : « Nous nous sommes mis d’accord sur une approche que je vais partager avec l’opposition armée ». Une formule anodine en apparence, mais difficile à avaler pour les partisans de la révolution syrienne, qui ont eu le sentiment d’être mis sur le même plan que leur bourreau. Sur les réseaux sociaux, M. Annan a été aussitôt voué aux gémonies. Un tweet de @Syria7ra le qualifiait d’ « envoyé russo-iranien chargé de la protection de Bachar ». Un autre proposait que le mot d’ordre de la prochaine manifestation hebdomadaire du vendredi soit « Annan rentre chez toi ». SurFacebook, un militant de Homs se gaussait : « Ainsi, les hommes armés vontrendre les armes, et son Excellence le tueur des martyrs (Bachar) va leurpardonner, ils vont négocier et vivre heureux sous le même toit ».

« FARCE »

Attentif à ne pas se couper de la base de la révolution, le CNS a-t-il jugé plus opportun d’officialiser le divorce avec M. Annan ? En fait, ses relations avec l’ancien secrétaire général des Nations unies, nommé médiateur en février, n’ont jamais été simples. Bien que le CNS ait officiellement soutenu son plan de sortie de crise – qui prévoit la mise en place d’un cessez-le-feu supervisé par des casques bleus et l’ouverture d’un très vague « processus politique » entre l’opposition et le régime – ses cadres n’ont jamais fait mystère de leur peu d’enthousiasme pour ce texte, à qui ils reprochent de ne pas appeler explicitement à la mise à l’écart de Bachar Al-Assad. D’emblée des membres du CNS ont ditredouter que la tactique des petits pas et des ambiguïtés constructives privilégiée par M. Annan ne fasse le jeu du régime, déjà expert en manœuvres dilatoires. L’incapacité de la communauté internationale à faire respecter le cessez-le-feu proclamé à la mi-avril et notamment le refus de Moscou d’exercer la moindre pression en ce sens sur Damas ont donné raison en grande partie au CNS.

La méfiance entre M. Annan et les opposants s’est accrue à la fin juin, à l’issue de la réunion du Groupe d’action sur la Syrie, patronnée par le diplomate ghanéen, à Genève. Les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies, accompagnés de la Turquie et de pays représentants, s’y sont mis d’accord sur un scénario pour la transition politique. Leur texte appelait à la formation d’un gouvernement qui « pourra inclure des membres du gouvernement actuel et de l’opposition et d’autres groupes et devra être formé sur la base d’un consentement mutuel ».

Sous la pression de la Russie, allié de Damas, le sort réservé à Bachar Al-Assad avait dû être passé sous silence et l’arrêt de la violence n’avait pas pu être présenté comme un préalable à l’ouverture du dialogue. Ni contraintes, ni date butoir n’étaient spécifiés. « Trop vague », avait réagi Bassma Kodmani, la responsable des relations extérieures du CNS. Mais le terme de « farce », utilisé sur sa page Facebook par l’ancien président du conseil, Burhan Ghalioun, résumait beaucoup mieux la colère éprouvé par les opposants devant ce compromis boiteux.

Source : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/14/le-divorce-est-consomme-entre-kofi-annan-et-le-conseil-national-syrien_1733792_3218.html

Date : 14/07/2012