Le figaro : Festival «Syrien n’est fait» à Paris : fête de l’art, pas la guerre
«Syrien n’est fait» à Paris : fête de l’art, pas la guerre
Par Thomas Romanacce
Publié le 14/08/2017 à 19:21
NOUS Y ÉTIONS – Les Grands Voisins, un grand espace situé dans le XIVe arrondissement de la capitale, a accueilli du 9 au 13 août un festival d’art engagé sur ce pays du Proche-Orient ravagé par six ans de conflit. Objectif : changer de regard sur le pays, montrer l’espoir, le renouveau.
Toujours en perpétuelle transformation, Les Grands Voisins, l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul qui a vu naître des milliers de Parisiens, a montré un autre visage de la Syrie. Cet espace, maintenant dédié à l’économie solidaire, a accueilli la deuxième édition du festival d’art engagé «Syrien n’est fait». L’événement voulait créer un dialogue culturel et renverser l’image «stéréotypée» que l’on a de ce peuple et de ce pays ravagé depuis 2011 par une guerre civile.
Les Grands Voisins, c’est un centre d’hébergement qui accueille 600 personnes. Mais pas seulement: s’y croisent aussi des artistes, des flâneurs, des curieux qui ont pu, du 9 au 13 août, admirer et participer à des expositions de photographies, des séances de films, des récits de fables, des pièces de théâtre et même à des concerts.
Samedi 12 août, alors que les rayons du soleil peinent à percer les nuages, quelques parisiens irréductibles de la capitale au mois d’août, mais aussi beaucoup de touristes de tous âges s’aventurent dans de petites salles, pour découvrir des œuvres de photographes syriens. Assem Hamsho, Ahmed Naji ou encore Manar Bilal ont capturé avec leurs objectifs «un regard sur la Syrie», des villes éventrées, des paysages désertiques. Entre révolution, guerre et créativité, leurs images laissent songeurs, émeuvent. Les artistes jouent sur l’esthétique.
Certaines photographies se révèlent crues, mais toujours empreintes de dignité comme celle qui montre une petite fille seule devant un immeuble en ruine, qu’on imagine être son ancienne habitation. Aux Grands Voisins, cette série côtoie des photos en noir et blanc de l’exposition «Creative Memory», peut-être plus abstraites, mais fortes en symboles telle cette chaîne qui semble aller tout droit vers nous. La présentation regroupe autant d’images d’archives que d’actualité.
Avec un casque sur la tête, on plonge dans la peau d’un syrien vivant l’enfer d’Alep
Ce samedi-là, dans un autre atelier, ceux qui ont le cœur bien accroché tentent l’expérience de la réalité virtuelle. Avec un casque sur la tête, on plonge dans la peau d’un syrien vivant l’enfer d’Alep. Une expérience déroutante et prenante qui laisse à bout de souffle, enfermant le visiteur dans un univers filmé à 360°. Il n’y a aucun endroit pour détourner le regard, aucun endroit pour être à l’abri.
Après ces émotions fortes, on s’assoit, bercé par la voix de l’actrice Zoë Besmond de Senneville. Elle anime à ce moment-là une séance de lectures de la pièce Sourya de l’artiste Maria Oudaimah. On découvre, on imagine la vie d’une jeune femme franco-syrienne. Au gré de la guerre, cette dernière nous emporte dans son torrent d’aventures où se mêlent la religion, les amours, la recherche identitaire, la politique et surtout, le manque d’un père exilé en France.
Mais il ne s’agit pas d’être ici accablé. Le festival «Syrien n’est fait» se veut festif: spécialités syriennes et contes orientaux apaisent. Dimanche 13 août, ils sont quelques-uns à danser sur le béton au rythme endiablé de concerts qui s’enchaînent. Du jazz à l’électro en passant par la techno et le hip-hop, «Syrien n’est fait» promeut aussi des musiciens syriens méconnus mais talentueux comme DJ Sama ou le joueur d’oud (luth oriental) Wael Alkak.