Le Hamas retire son personnel de Syrie – par JOSHUA MITNICK
Traduit de l’anglais par SouriaHouria
Le Hamas a ordonné le départ de presque tous les employés de son siège de Damas d’ici la semaine prochaine, suite à la pression de la Turquie et du Qatar, deux alliés régionaux qui tentent d’isoler le président syrien Bachar al-Assad après une vague de répression de huit mois sur les manifestations anti régime, selon un responsable du Hamas.
Cette croisée des chemins du groupe militant islamique avec M. Assad marque le dernier coup porté à son régime. Damas héberge le Hamas depuis que le groupe palestinien a été chassé de Jordanie à la fin des années 1990.
Quitter la Syrie éloigne aussi le Hamas de l’Iran, un allié du président Assad qui a fourni aux militants palestiniens argent, entrainement et matériel militaires. Ces derniers mois, Téhéran a exhorté le Hamas à ne pas s’installer ailleurs, a déclaré le responsable.
Le Hamas installera de nouveaux sièges au Caire et au Qatar afin de remplacer ses opérations en Syrie, a ajouté le responsable. Parallèlement, le leader du Hamas Khaled Meshal a prévu de rencontrer le roi Abullah II de Jordanie pour discuter de l’amélioration de sa présence dans le royaume.
On s’attend à ce que le déplacement de la Syrie vers l’Egypte modère le comportement du Hamas tout en réduisant la capacité de Téhéran à menacer d’affrontements avec Israël, a déclaré Meir Javedanfar, un expert de l’Iran basé en Israël, qui a analysé ce mouvement comme «un revers stratégique majeur» pour l’Iran.
Depuis des mois, des responsables du Hamas ont cherché à dépeindre l’organisation comme neutre dans le conflit syrien. Mais des progrès récents dans le rapprochement du Hamas avec l’Egypte et la Jordanie ont encouragé les militants à accélérer leur départ après des mois de préparations dans le calme – une opération baptisée «sortie en douceur » par les membres.
Le responsable de la sécurité du Hamas a déclaré que 90 % du personnel sera dispersé dans les villes autour de la région, laissant derrrière lui une présence symbolique à Damas.
Ces derniers mois, le Hamas a été privé lui-même des atouts de la Syrie, y compris les activités d’investissement, l’immobilier et les dépôts bancaires, a déclaré l’officiel du Hamas.
Après la décision de la Ligue Arabe d’appliquer des sanctions contre Damas le mois dernier, les leaders du Hamas ont été avertis par Ankara et Doha.
« Le Qatar et la Turquie nous ont vivement recommandé de quitter la Syrie immédiatement » a déclaré un un responsable en chef de la sécurité du Hamas qui a déménagé de Damas vers Gaza. « Ils ont dit : N’avez-vous pas honte? Ça suffit. Vous devez partir. »
Pendant ce temps, des douzaines de corps étaient jetés dans les rues de Homs, en Syrie, au cœur de l’insurrection, comme un signe de l’intensification de l’effusion de sang communautaire.
Jusqu’à 50 personnes ont été tuées lundi, mais les détails n’ont été connus que mardi par des rapports d’attaques de représailles opposant la communauté alaouite aux sunnites.
La découverte à Homs est survenue alors que les Etats-Unis accentuaient mardi leur pression sur le régime d’Assad pour qu’il mette un terme à sa répression sur les manifestations anti-gouvernementales. La secrétaire d’Etat américaine Hillary Rodham Clinton a rencontré à Genève des figures de l’opposition syrienne et Washington a déclaré qu’il renvoyait son ambassadeur à Damas.
Mark Toner, porte-parole du département d’Etat américain, a confié que l’ambassadeur américain Robert Ford retournait en Syrie pour «poursuivre le travail qu’il faisait auparavant – à savoir, transmettre le message des Etats-Unis au peuple de Syrie, fournir des rapports fiables sur la situation sur le terrain et discuter avec le spectre complet de la société syrienne sur la manière de mettre fin à l’effusion de sang et de réaliser une transition politique pacifique, » a déclaré M. Toner.
La critique turque de la conduite de son voisin syrien a été de plus en plus sévère, avec l’appel du premier ministre Recep Erdogan à la démission de M. Assad. Le Qatar a quant à lui dirigé les efforts de la Ligue arabe pour punir la Syrie. Alors que la Turquie a fait pression pour une fin du blocus israélien de Gaza contrôlée par le Hamas, le Qatar a fourni un soutien financier.
Les responsables du Hamas n’ont pas souhaité faire de commentaire. Un responsable du Hamas, Salah al-Arouri, cité dans le journal israélien Haaretz, a nié les rumeurs d’une décision de quitter Damas et a qualifié d’ « excellents » les liens du groupe avec le gouvernement.
Des observateurs arabes ont lié l’accord du Hammas en octobre à un échange de prisonniers avec Israël et à une rencontre au sommet en novembre avec son rival, le président Mahmoud Abbas, à un désir d’améliorer sa crédibilité envers le gouvernement Egyptien en prévision d’un départ de Syrie.
Les analystes considèrent que le Hamas devrait être mieux accueilli au Caire après la chute du président égyptien Hosni Mubarak; et en prévision d’un Parlement dominé par des partis de la Confrérie des Frères Musulmans.
Outre la pression extérieure, la présence du Hamas à Damas a mis l’organisation en conflit avec sa propre base dans les territoires palestiniens, ainsi qu’avec les filières islamistes à l’intérieur de la Syrie, où la branche locale des Frères musulmans mène l’un des principaux groupes d’opposants au régime.
Par ailleurs, des ecclésiastique affiliés au Hamas prononcent régulièrement des sermons dans les mosquées de Gaza blâmant le gouvernement syrien pour le bilan de 4000 morts dans l’insurrection et prédisant l’effondrement à terme du régime.
Lorsque les prisonniers récemment libérés du Hamas sont arrivé à Damas en novembre, après avoir été expulsés des territoires palestiniens, dans le cadre d’un échange avec Israël, ils ont remercié le peuple syrien plutôt que de mentionner le gouvernement. L’omission était révélatrice, a déclaré Mkhaimar Abusada, professeur de sciences politiques à l’Université Al Azhar de la ville de Gaza,
« C’est un signe que [le Hamas] est mécontent », a-t-il dit. « D’après moi le Hamas est dans une très mauvaise position en conservant son siège à Damas. »
Pendant ce temps, le chef du Hamas Khaled Mechaal a fait des voyages répétés au Caire, et un vice-président, Moussa Abou Marzook, est attendu pour mener l’opération là-bas, a déclaré Gershon Baskin, un activiste pacifiste israélien qui a échangé des messages avec le Hamas au cours des négociations menant à l’échange de Gilad Shalit.