Le maintien de Bachar al-Assad est-il la condition nécessaire à une perspective de paix ? par Farouk Mardam Bey
Face à Daech, incarnant le mal absolu, Bachar al-Assad est présenté comme un moindre mal, et on affirme qu’il ne peut exister une solution politique sans un accord avec lui et son régime.
Pourquoi devrions-nous choisir entre deux barbaries, celle de Bachar et celle des différentes formations djihadistes ? Et pourquoi la première, responsable de centaines de milliers de morts, de terribles destructions et de déplacement de la moitié de la population syrienne, serait-elle un moindre mal ? Et, surtout, selon quelle logique peut-on croire que le maintien de Bachar serait l’une des conditions de la paix ?
Nul besoin d’insister sur le nécessaire rejet moral, immédiat, d’une telle issue, au moins pour en finir avec l’impunité dont a joui le régime des Assad depuis plus de quarante-cinq ans. Mais il est chimérique aussi, sur le plan politique, quels que soient les calculs cyniques des maîtres du jeu, d’imaginer le rétablissement d’un minimum de paix civile tant que le clan Assad est au pouvoir.
Il est certes évident, en raison du soutien iranien et russe, massif et multiforme, apporté à Bachar, en raison aussi de la mansuétude américaine à son égard et de la prise en otage d’une partie non négligeable de la population par différentes forces djihadistes, que les objectifs pour lesquels les Syriens se sont soulevés en mars 2011, et y compris l’arrêt définitif des combats, ne peuvent être atteints qu’au prix d’une période de transition politique. Période nécessairement longue, étant donné l’ampleur du désastre et la somme des rancunes nourries notamment durant les cinq dernières années. Et qui devrait être placée sous un contrôle international efficace et n’exclure aucune force politique ou sociale en présence, y compris celles qui sont favorables au régime. Mais il est non moins évident si ses dirigeants les plus représentatifs, en particulier Bachar, restent en place, qu’elle ne fera que reproduire ce régime quasi intégralement, donc lui permettre de poursuivre la guerre sous d’autres formes et raviver les haines et les méfiances communautaires, avec tous les moyens militaires, policiers et financiers dont ils disposent.
Moralement et politiquement inacceptable, le maintien au pouvoir de Bachar et de son petit clan familial prolongera indéfiniment le malheur du peuple syrien et ne manquera pas, à l’échelle régionale, de provoquer des guerres en chaînes, et davantage de massacres et de nettoyages ethniques et confessionnels.