Le pain, une denrée devenue essentielle en Syrie – AFP
Publié le 29/03/2012 à 21:17
« Le coût de la vie m’empêche d’acheter fruits et légumes. Nous nous nourrissons uniquement de céréales et de pain »: avec l’envolée des prix depuis le début de la contestation il y a un an, le pain est devenu une denrée essentielle pour Khalil comme pour tous les Syriens, qui peinent à se la procurer.
« Le pain est devenu un élément principal dans nos repas à cause de la hausse prodigieuse des autres denrées alimentaires », explique à l’AFP Oum Jihad.
« Nous avons remplacé le riz, dont le prix a doublé, par le pain », se plaint cette mère de famille sexagénaire.
Le taux d’inflation a atteint 15% entre juin et décembre 2011 en Syrie, selon le bureau Central des Statistiques.
Les autorités syriennes attribuent la hausse des prix aux sanctions économiques imposées par les Etats-Unis, l’Union européenne et des pays arabes en raison de la répression menée par le régime pour venir à bout de la révolte populaire qui a éclaté en Syrie mi-mars 2011.
Oum Jihad compte les acheteurs dans la longue file d’attente devant une boulangerie du quartier historique de Roukneddine à Damas. « Il faut attendre longtemps notre tour. J’alterne avec mon mari ».
« Il se met en rang dans la file consacrée aux hommes et celui dont le tour arrive en premier achète le pain ».
Devant une autre boulangerie à Baramké, un quartier populaire de la capitale, des dizaines de personnes attendent également leur tour, l’air exaspéré.
« L’affluence est au comble le matin tôt avant que les gens ne partent au travail, et les veilles du week-end », explique Ibrahim.
« La production atteint trois mille tonnes par jour, alors que nous produisions normalement 2.142 tonnes », a indiqué le directeur général de la Compagnie publique des boulangeries électriques, Osmane Hamed, cité par l’agence officielle Sana.
A Kanaker, dans la province de Damas, Khalil, un concierge de 48 ans, patiente jusqu’à une heure et demi pour acheter son pain quotidien.
« Le coût de la vie m’empêche d’acheter fruits et légumes. Nous nous nourrissons uniquement de céréales et de pain », explique Khalil, père de cinq enfants.
« Nous avons besoin de plus de quatre kilos de pain par jour », indique-t-il, déplorant que les trois boulangeries du village n’ouvrent pas en même temps.
Il est obligé de se lever à cinq heures du matin pour acheter le pain avant d’aller au travail.
Pour Chamseddine al-Khatib, boulanger à Deraa, dans le sud de la Syrie, le pays traverse « une crise générale du pain ». Il l’attribue à la hausse des prix des matières premières, la farine ayant augmenté de 200%, et à l’absence de main d’oeuvre, les ouvriers ayant des difficultés pour circuler d’une région à l’autre en raison de la multiplication des barrages de contrôle.
Les plus fortunés n’hésitent pas à acheter du pain plus cher, appelé pain touristique, pour éviter les files d’attentes qui peuvent durer « une à deux heures », indique le boulanger.
Un kilo et demi de pain traditionnel coûte 15 livres syriennes (20 centimes d’euros, un quart de dollar), alors que le pain touristique est vendu 35 SYP (45 centimes d’euros).
« Le taboulé est devenu un plat réservé aux fêtes. Les choses ont beaucoup changé, la situation est mauvaise, je ne peux plus subvenir aux besoins de ma famille », se lamente Khalil, évoquant les coûts élevés de l’électricité, du gaz et des transports.
L’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a exprimé récemment son inquiétude concernant la sécurité alimentaire de 1,4 million de Syriens.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a estimé en 2010 qu’environ 1,4 million de personnes souffraient d’insécurité alimentaire en Syrie, dans des régions qui sont depuis devenues « des zones de conflit, telles que Homs, Hama, la périphérie de Damas, Deraa et Idleb », a indiqué la FAO dans un communiqué.
« Notre inquiétude est qu’elles sont maintenant devenues plus vulnérables », a souligné la FAO.