Le president syrien peut-il survivre? Par Laura Smith-Spark
Traduit de l’anglais par SouriaHouria
(CNN) — Le président syrien Bachar al-Assad semble plus isolé chaque jour qui passe, tandis que son régime poursuit depuis huit mois une répression sanglante sur les manifestations pro-démocratie.
Ses voisins arabes ont manifesté leur mécontentement à son encontre cette semaine en suspendant la Syrie de la Ligue Arabe, un coup cinglant pour une nation qui se considère comme étant au cœur des affaires arabes. Le roi Abdallah de Jordanie est allé plus loin, affirmant à la BBC qu’à la place d’Assad il démissionnerait, une appréciation extraordinairement brutale qui a suivi les appels de l’Occident au départ d’Assad.
Quant à la Turquie, autrefois un allié et un partenaire commercial importants, elle a menacé de couper l’approvisionnement en électricité de la Syrie, tandis que l’Union européenne s’est prononcée cette semaine pour étendre les sanctions contre davantage de membres du cercle d’al-Assad.
Cette semaine, le conflit à l’intérieur de la Syrie est entré dans une nouvelle phase lorsque les déserteurs de l’armée ont attaqué des cibles pro-gouvernementales. Cela a encore plus accentué la pression – les propos du ministre des affaires étrangères selon lesquels les attaques contre des immeubles du gouvernement ressemblaient à une « guerre civile » ayant été repris largement.
Al-Assad peut-il alors se cramponner au pouvoir ? Ou deviendra-t-il le quatrième dirigeant expulsé de force du pouvoir dans le Printemps Arabe, marchant dans les pas des dirigeants évincés d’Egypte, de Libye et de Tunisie.
Les analystes affirment que les chances sont contre le président syrien.
Steven A. Cook, collègue expert de Hasib J. Sabbagh pour les études sur le Moyen-Orient au Conseil des relations étrangères, affirme qu’il est difficile de prédire ce qui peut advenir ensuite pour al-Assad – mais la pression est sur lui.
« Le type de soutien traditionnel extérieur dont il bénéficiait est clairement en train de s’effondrer », a dit Cook. « Ses perspectives cette semaine sont pires qu’elles ne l’étaient la semaine dernière ».
Emile Hokayem, membre expert de la sécurité régionale au bureau de l’Institut International pour des Études Stratégiques de Bahreïn, pense qu’il est hautement improbable qu’al-Assad puisse s’accrocher au pouvoir.
Trois facteurs principaux seront en mesure de contribuer à la chute du président syrien après 11 ans de pouvoir, affirme-t-il.
Le premier est qu’il a perdu sa légitimité aux yeux de son propre peuple. « Il est difficile de savoir comment il pourrait retrouver sa légitimité après le meurtre de près de 4000 de ses compatriotes », dit Hokayem. Les Nations Unies situent le nombre de victimes à plus de 3500 depuis le début des manifestations.
Le deuxième concerne l’économie, alors que les sanctions imposées par l’Occident et la Turquie commencent à produire leurs effets. Cela compte, dit Hokayem, parce qu’al-Assad devrait lutter pour conserver le soutien des élites d’affaire urbaines de Damas et d’Alep si l’économie s’effondrait.
Le troisième facteur est celui de la sécurité, malgré la mobilisation de l’armée par Assad. A la différence des précédentes contestations du régime d’al-Assad, « cette fois-ci c’est le peuple syrien qui la mène et le changement de régime est très clairement leur but, ils n’accepteront rien de moins », dit Hokayem.
Shashank Joshi, chercheur associé du Royal United Services Institute et des études de sécurité (RUSI), doute également qu’Assad survive – mais affirme que ce qui pourrait suivre est loin d’être clair.
La décision de la Ligue Arabe de suspendre la Syrie, après que Damas a échoué à respecter un plan de paix qui avait été négocié plus tôt avec 22 nations de la Ligue, est le signe d’un changement d’opinion qui aurait été considéré comme hautement improbable il n’y a ne serais-ce qu’un mois, dit-il.
L’armée du régime est également de plus en plus éparpillée tandis que ceux qui la combattent prennent pied au Liban et en Turquie, dit-il.
La Turquie pourrait aussi choisir d’intervenir plus directement, peut-être en créant une zone-tampon le long de sa frontière avec la Syrie ou en fournissant des armes aux rebelles, dit-il.
A ce moment-là, le basculement dans la guerre civile constituerait un scénario aussi probable qu’un changement net au sommet du régime.
Néanmoins, Joshi a mis en garde contre l’idée qu’une emprise de 46 ans sur le pouvoir pourra se desserrer immédiatement, soulignant l’exemple de l’ancien dictateur d’Irak, Saddam Hussein.
En 1991, dit-il, Hussein venait de perdre une guerre majeure, avait deux zones d’exclusion aérienne, des sanctions de l’ONU et un embargo pétrolier imposé à son pays, était confronté à un énorme soulèvement chiite dans le sud, et subissait un isolement diplomatique extrême.
« Et pourtant il a survécu pendant 12 ans » dit Joshi. « Les régimes qui sont habitués à être isolés, qui ont l’habitude d’être soumis à des sanctions et à la pression, peuvent être extrêmement résistants ».
Joshi souligne également que si al-Assad pourrait bien être contraint de quitter le pouvoir, cela ne signifie pas nécessairement que le régime tombera avec lui.
Selon Joshi, « Bashar al-Assad n’est pas aussi bien ancré que l’était son père, le défunt président Hafez al-Assad, qui a régné avec une poigne de fer pendant trois décennies – et il est possible que d’autres membres de sa secte alaouite au pouvoir puissent décider de se jeter dans la bataille aux côtés de son frère Maher, un commandant de l’armée, ou avec des éléments de l’armée à la place.
« Ils pourraient même décider de se débarrasser de Bashar pour se sauver eux-mêmes, et de présenter cela comme une concession, ou un compromis », dit-il.
Il cite l’exemple de l’Egypte, où le soulèvement du Printemps Arabe a beau avoir contraint le président Hosni Moubarak à quitter le pouvoir, le commandement militaire ne l’a cependant pas encore transmis à un gouvernement démocratiquement élu.
Salman Shaikh, directeur du Brookings Center de Doha, prédit également qu’al-Assad pourrait finalement partir – mais que son régime va s’accrocher aussi longtemps que possible, la Syrie suivant l’exemple de la Libye plutôt que celui de la Tunisie, où le président déchu Zine al-Abidine Ben Ali a fui vers l’Arabie Saoudite.
Shaikh voit « les ingrédients d’une coalition très puissante » alignée contre al-Assad, unissant les nations arabes, la Turquie, les Etats-Unis et l’Europe, qui pourrait prendre des sanctions « tout à fait énergiquement ».
Et al-Assad a peu d’amis vers qui se tourner pour demander de l’aide.
Une question-clef est de savoir combien de temps la Syrie pourra encore compter sur le soutien de la Russie, un allié historique et un important fournisseur d’armes vers Damas.
Moscou, qui a vendu pour 3,8 milliards de dollars d’armes à la Syrie l’année dernière – 10 % de ses ventes d’armes au total, « constitue une bouée de sauvetage» pour al-Assad pour le moment, a déclaré Cheikh, en grande partie lorsqu’elle retarde l’action internationale.
Si Moscou s’oppose aux efforts pour que le Conseil de sécurité des Nations Unies impose des sanctions à la Syrie, comme prévu, les efforts internationaux pour présenter une position unifiée – comme dans le cadre de l’action de l’OTAN pour protéger les civils en Libye – seront contrecarrés.
« La même action peut être perçue comme une juste guerre ou comme un acte d’agression impérialiste selon que la Russie permettra ou non à une résolution de l’ONU d’être votée », dit Joshi.
Jeudi, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne remettront un projet de résolution à l’ONU condamnant les actions du gouvernement syrien, a déclaré mercredi à CNN un porte-parole diplomatique allemand à New York. Les diplomates des pays arabes envisagent de co-parrainer cette résolution.
Cette semaine, la tentative d’un groupe d’opposition syrien de persuader les autorités russes de changer leur position et d’exiger le départ d’al-Assad semblent n’avoir abouti à rien, Moscou réitérant au lieu de cela son appel à un dialogue pacifique pour résoudre la situation.
La Chine a aussi un passif d’opposition à l’action de l’ONU mais semble pour le moment se couvrir, probablement dans l’intérêt de la stabilité de la région, a ajouté Joshi.
Ces derniers jours, l’Iran a fait des déclarations fermes de soutien à al-Assad, selon Shaikh du Brookings Center de Doha, mais Téhéran peut toujours se montrer finalement pragmatique et chercher à nouer des liens avec l’opposition syrienne.
Selon les analystes, le plus grand danger à venir est peut-être que, qu’al-Assad s’en aille ou non, la Syrie est au bord de la guerre civile, alors que des membres de l’opposition comme l’armée libre syrienne commencent à s’armer pour combattre les forces pro-gouvernentales.
Une telle violence diminue les chances d’une résolution pacifique de la révolte et d’un changement en douceur vers la démocratie – et cela conduira sans aucun doute à une plus grande perte de vies.
« Nous entrons dans une nouvelle phase maintenant dans la situation syrienne », dit Shaikh. « Nous constatons une plus grande militarisation. »
« Je pense que la fenêtre pour une transition ordonnée est fermée et maintenant, il s’agira d’un mélange de pressions internationales et de quelque soutien que ce soit, même à ceux qui combattent le régime. »
« Le jeu principal d’un avenir prévisible se concentrera sur la protection des civils, et sur des mesures pour garantir cela, comme nous l’avons vu dans le cas libyen. »
Joe Sterling de CNN a contribué à ce reportage.
source: http://edition.cnn.com/2011/11/18/world/meast/syria-assad-power/?hpt=wo_c1
Can Syria’s president survive? By Laura Smith-Spark
Publié le 18 novembre 2011 par Redac_MM
(CNN) — Syria’s President Bashar al-Assad looks more isolated with each passing day as his regime continues a bloody eight-month crackdown on pro-democracy protests.
His Arab neighbors signaled their displeasure with him this week by suspending Syria from the Arab League, a stinging blow for a nation that sees itself at the heart of Arab concerns. Jordan’s King Abdullah went a step further, telling the BBC he would step down if he were al-Assad, an unusually blunt assessment that followed Western calls for al-Assad to go.
And Turkey, formerly an important ally and trading partner, threatened to cut off electricity supplies to Syria as the European Union moved this week to extend sanctions against more members of al-Assad’s circle.
This week, the conflict inside Syria entered a new era when army defectors attacked pro-government targets. That ratcheted up the pressure even more — the Russian foreign minister was widely quoted as saying attacks on government buildings in Syria resembled « civil war. »
So can al-Assad cling to power? Or will he become the fourth leader forced from office in the Arab Spring, following in the footsteps of ousted leaders of Egypt, Libya and Tunisia?
Analysts say that the odds are stacked against Syria’s president.
Steven A. Cook, Hasib J. Sabbagh senior fellow for Middle Eastern studies at the Council on Foreign Relations, said it is hard to predict what might come next for al-Assad — but the pressure is on.
« The kind of traditional support he had externally is clearly crumbling, » Cook said. « His prospects this week are worse than they were last week. »
Emile Hokayem, senior fellow for regional security at the Bahrain office of the International Institute for Strategic Studies, thinks it highly unlikely al-Assad will hang on to power.
Three main factors will likely contribute to the downfall of Syria’s president after 11 years in power, he said.
One is that he has lost legitimacy in the eyes of his own people. « It’s hard to see how he would recover his legitimacy after killing almost 4,000 of his countrymen, » said Hokayem. The United Nations puts the toll of deaths at well over 3,500 since protests began.
Second is the economy, as sanctions imposed by the West and Turkey start to bite. This matters, said Hokayem, because al-Assad may struggle to keep the support of the country’s urban and business elites in Damascus and Aleppo if the economy is failing.
The third factor is security, despite al-Assad’s mobilization of the military. Unlike previous challenges to the al-Assad regime, « this time it’s the Syrian people leading it and very clearly regime change is their goal and they are not going to accept anything less, » Hokayem said.
Shashank Joshi, an associate fellow at the Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI), also doubts al-Assad will survive — but says it is far from clear what might follow.
The Arab League’s decision to suspend Syria, after Damascus failed to abide by a peace deal that had been brokered earlier with the 22-nation league, signals a shift in views that would have looked extremely unlikely even a month ago, he says.
The regime’s military is also increasingly over-extended as those fighting against it find footholds in Lebanese and Turkish soil, he said.
Turkey might also choose to intervene more directly, perhaps by creating a buffer zone along its long border with Syria or providing weapons to the rebels, he said.
At this point, descent into civil war could be as likely a scenario as a clean change of regime at the top, he said.
Nonetheless, Joshi cautioned against thinking the 46-year-old’s grip on power will be loosened immediately, pointing to the example of Iraq’s former dictator, Saddam Hussein.
In 1991, he said, Hussein had just lost a major war, had two no-fly zones, U.N. sanctions and an oil embargo imposed on his country, was facing an enormous Shia uprising in the south, and endured overwhelming diplomatic isolation.
« And yet he survived for 12 years, » Joshi said. « Regimes that are used to being isolated, that are used to being under sanctions and under pressure, can be extremely resilient. »
Joshi also points out that while al-Assad may well be forced out, that doesn’t necessarily mean the regime will fall with him.
Bashar al-Assad is not as well entrenched as was his father, the late President Hafez al-Assad, who ruled with an iron fist for three decades — and it’s possible other members of his ruling Alawite sect might decide to throw their hat in with his brother Maher, an army commander, or parts of the military instead, Joshi said.
« They might even decide to get rid of Bashar al-Assad to save themselves, and portray it as a concession, or compromise, » he said.
He cites the example of Egypt, where the Arab Spring uprising may have forced President Hosni Mubarak from power in February but the military leadership has not yet handed over power to a democratically elected government.
Salman Shaikh, director of the Brookings Doha Center, also predicts that al-Assad will eventually go — but that his regime will cling on for as long as possible, with Syria following the example of Libya rather than that of Tunisia, where ousted President Zine al-Abidine Ben Ali fled to Saudi Arabia.
Shaikh sees « the makings of a very powerful coalition » lined up against al-Assad, uniting the Arab nations, Turkey, the United States and Europe, which could move « quite forcefully » to sanctions.
And al-Assad has few friends to whom he can turn for help.
One key question is how long Syria can still count on the support of Russia, a historic ally and a major arms supplier to Damascus.
Moscow, which sold $3.8 billion of weapons to Syria last year — 10% of its total arms sales, is « giving a lifeline » to al-Assad at the moment, said Shaikh, largely by delaying international action.
If Moscow opposes efforts to impose U.N. Security Council sanctions on Syria, as anticipated, international efforts to present a unified stance — as on NATO action to protect civilians in Libya — will be thwarted.
« The same action can be viewed as a just war or an act of imperial aggression depending on whether Russia allows a U.N. resolution to be passed, » Joshi said.
Germany, France and Britain will hand in a draft U.N. resolution Thursday condemning the Syrian government’s actions, a German diplomatic spokesman in New York told CNN on Wednesday. Diplomats from Arab countries are considering co-sponsoring the resolution.
An attempt this week by a Syrian opposition group to persuade Russian officials to shift their position and demand al-Assad’s resignation appears to have gone nowhere, with Moscow instead reiterating a call for peaceful dialogue to resolve the situation.
China also has a history of opposing U.N action but appears at the moment to be hedging its bets on Syria, probably in the interests of stability in the region, Joshi added.
Iran has in the past few days given a strong statement of support for al-Assad, Shaikh of the Brookings Doha Center said, but Tehran may still in the end be pragmatic and seek to build ties with the Syrian opposition.
Perhaps the biggest danger ahead, the analysts say, is that whether al-Assad goes or not, Syria is teetering on the brink of civil war, as opposition elements such as the Free Syrian army turn to arms to combat pro-government forces.
Such violence lessens the chance of a peaceful resolution to the uprising and smooth shift to democracy — and will undoubtedly lead to greater loss of life.
« We are entering into a new phase now in the Syrian situation, » said Shaikh. « We are seeing a greater militarization.
« I think the window for an orderly transition is over and now it will be a mixture of international pressure and whatever support is given to these protesters and even those fighting against the regime.
« The main game for the foreseeable future will focus on the protection of civilians, and measures to ensure that, as we saw in the Libyan case. »
CNN’s Joe Sterling contributed to this report.
source: http://edition.cnn.com/2011/11/18/world/meast/syria-assad-power/?hpt=wo_c1