Le sort de Bachar Al Assad en Syrie nécessite-t-il d’arrêter et de torturer des enfants ? par Ignace Leverrier
Agé de 16 ans, le jeune Ahmed Ismaël Al Aqqad a été enlevé le 20 Novembre 2012, durant une rafle menée par les services de sécurité dans le quartier du Midan où il réside à Damas. Nombre d’autres enfants mineurs et de jeunes gens ont aussi été appréhendés à cette occasion. Ils sont enfermés à la Branche Palestine, l’un des centres de détention les plus abominables du pays. Il est réputé pour la cruauté des sévices et tortures auxquels sont exposés ses pensionnaires.
Profitant, quarante jours plus tard, de la remise en liberté de deux des adolescents arrêtés en même temps que lui, Ahmed a fait parvenir à sa famille un message dans lequel il lui indiquait où il se trouvait. Il qualifiait sa situation de dramatique. Il était soumis à des tortures régulières. Il était forcé d’avouer des crimes qu’il n’avait pas commis. Sa santé s’était fortement dégradée, du fait des sévices et des humiliations, mais également en raison de la malnutrition et du froid intense qui sévissait dans la prison. Alors qu’il était asthmatique, ses geôliers lui refusaient l’accès au moindre traitement.
Comme il est habituel pour la plupart des personnes arrêtées en Syrie, les appareils de sécurité interrogés ont nié détenir le jeune homme. Sa famille a tenté, sans succès, de lui faire parvenir des médicaments. Malgré les efforts déployés par les siens, ils ne sont pas arrivés à le faire sortir et aucun d’entre eux n’a pu même l’approcher.
Ahmed est un adolescent calme et sérieux. Quand il n’était pas au lycée, il s’adonnait à la peinture, le hobby qu’il partageait avec sa soeur aînée, l’artiste Héba Al Aqqad. L’établissement dans lequel il étudiait avait été fermé peu de temps avant son arrestation, pour héberger des familles fuyant les régions en proie aux combats. Il passait donc son temps entre la maison et ses amis du quartier. C’est avec eux qu’il avait été arrêté. A ce jour, aucune accusation précise n’a été formulée à son endroit.
Ses parents et ses amis veulent obtenir sa remise en liberté. Ils veulent que cessent en Syrie les arrestations et la mise en détention d’enfants innocents. Ils appellent donc l’ensemble des organisations de Défense des Droits de l’Homme et celles qui veillent au respect des Droits des Enfants à faire tout leur possible pour obtenir sa libération.
Ils craignent que ses geôliers, auxquels tout est permis et qui n’ont rien à redouter aussi longtemps qu’ils montrent une allégeance sans faille au chef de l’Etat, n’en viennent à le supprimer. Le 20 janvier, le site Shams, organe de liaison des « Jeunes pour l’Avenir de la Syrie », qui diffuse des informations sur les détenus des prisons syriennes, rapportait en quels termes les proches de Khalil Chammout, propriétaire de la librairie Al Adib (le Lettré) dans le même quartier du Midan, avaient appris sa mort. En remettant ses effets personnels à son frère, deux mois après son arrestation, les moukhabarat lui avaient simplement déclaré : « Ton frère était une forte tête… Il était obstiné… On l’a enterré il y a un mois au cimetière de Najha »…
Alors que l’avocat Khalil Maatouq, l’activiste Abdel-Aziz Al Khayyer, les quatre « Mariées de la paix » et des dizaines de milliers d’autres Syriens et Syriennes, n’ayant jamais touché une arme mais aspirant à la liberté et à la dignité, croupissent depuis des mois dans les prisons de leur pays, exposés au sadisme irresponsable de gardiens transformés en bourreaux, le maintien de Bachar Al Assad à la tête de l’Etat justifie-t-il vraiment le déchainement de cruauté que l’on voit à l’œuvre en Syrie de la part de ses partisans ?
A-t-on le droit, quand on ferme les yeux sur cette situation parce que « le régime est victime d’un complot » ou sous prétexte qu’il « est laïc et défend les minorités, aujourd’hui menacées et demain décimées », de se scandaliser que ce genre de comportement suscite le recours aux mêmes expédients de la part de ceux dont l’objectif se limite au renversement du régime en place, et non, comme pour les véritables révolutionnaires, au remplacement du système actuel, corrompu, criminel et prédateur, par un système véritablement démocratique ?
date : 12/02/2013