Les « casques blancs », ces Syriens qui défient la guerre pour sauver des vie

Article  •  Publié sur Souria Houria le 23 novembre 2014

En Syrie, ils sont connus sous le nom de Défense civile syrienne. Ailleurs, on les appelle les « casques blancs », couleur de la protection qu’ils portent sur la tête pendant leurs opérations de secours. Depuis près de deux ans, ils interviennent sans relâche nuit et jour pour sauver des vies dans les zones soumises aux bombardements du régime syrien.

Financée en partie par la coalition nationale syrienne, principale instance de l’opposition à Bachar al-Assad, la défense civile syrienne insiste sur le fait qu’elle est une organisation neutre et impartiale. Ces casques blancs sont présents dans l’ensemble des zones qui ne sont plus sous le contrôle des forces armées syriennes et où les services d’aide médicale d’urgence sont absents.

Dans le gouvernorat d’Idlib, en grande partie contrôlé par des groupes islamistes opposés au régime syrien, notamment Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda, ils sont 385, dont 70 femmes, à porter secours aux victimes des bombardements du régime syrien et depuis peu de la coalition internationale.

Opération de secours des casques blancs à Alep après la chute d’un obus. Trois personnes ont été retrouvées mortes. Source.

Des casques blancs accourent sur les lieux de l’incident après des bombardements aériens à Idlib. Plusieurs blessés ont pu être sauvés ce jour-là dont deux enfants. Source.

« Agir me protège de la peur »

Notre observatrice, Fatima, 30 ans, mère au foyer a choisi de rejoindre les casques blancs d’Idlib il y a un an et demi.

 Au départ, beaucoup étaient sceptiques. Comment des femmes peuvent-elles retirer et extraire les corps des décombres ? Aujourd’hui nous travaillons tous ensemble, hommes et femmes, dans les opérations de secours. Nous sommes devenues indispensables. Mes collègues et moi-même avons suivi des formations. La première, il y a un an et demi à Istanbul. La seconde, à Adana il y a six mois. Là-bas, nous avons beaucoup appris : retirer les blessés des décombres, assurer les premiers soins d’urgence, réaliser un massage cardiaque par exemple, préparer les blessés au transport par ambulance.

En ce moment, il y a des frappes aériennes toutes les deux heures, parfois même toutes les heures, de la part des forces du régime syrien ou de la coalition internationale. Dès qu’il y a un bombardement, le centre nous appelle et nous nous rendons sur place. Beaucoup de victimes sont des femmes et des enfants. Elles apprécient de pouvoir être soignées par des femmes. Les premiers hôpitaux accessibles sont à deux voire trois heures de route. Notre travail est indispensable à leur survie. Et nous prenons soin d’enterrer ceux qui malheureusement décèdent.

Moi j’habite près du centre, donc c’est pratique. Dès qu’ils ont besoin de moi, je peux m’y rendre. Je me tiens prête à tout moment. À Idlib, par chance, à certains endroits, on capte le réseau de téléphonie turque. Cela nous permet de communiquer entre nous et d’échapper à la surveillance du régime qui a placé les téléphones syriens sur écoute. En plus, nous n’avons pas souvent d’électricité. Difficile donc de communiquer par Skype. Nous travaillons dans des conditions très compliquées.
Pour autant, je n’ai pas peur d’intervenir dans les zones qui viennent de subir les tirs de mortiers ou des barils bourrés d’explosifs. En fait, je réalise qu’agir me protège de la peur. Aider les autres me donne de la force, du courage. Parfois, il est vrai que j’ai peur quand je suis sur le terrain pour mes enfants restés à la maison. Les bombardements peuvent frapper n’importe où.

« Nous ne faisons pas de distinction sur le terrain »

Notre Observateur, Raed Saleh, fondateur et directeur du centre de la défense civile syrienne dans le gouvernorat d’Idlib, témoigne.

Nous recevons une aide matérielle et financière de plusieurs ONG internationales et de gouvernements. L’Italie, par exemple, nous fournit une aide en matériel et équipement médical. La coalition nationale syrienne nous apporte un soutien financier, ce qui nous permet de rétribuer nos volontaires. Recevoir des financements de la coalition syrienne n’affecte en rien notre neutralité et notre impartialité. Nous ne faisons pas de distinction sur le terrain. Nous sauvons toutes les vies, même si de fait, nous intervenons essentiellement dans les zones libérées ou sous contrôle de l’État islamique. C’est dans ces zones qu’il y a des bombardements.
À Idlib, il nous est arrivé que les combattants du groupe Jabhat al-Nosra nous viennent en aide. Ils portent les blessés jusqu’aux ambulances. Nous constatons avec regret que le régime syrien, cependant, lui, ne respecte pas notre neutralité. Ils bombardent à proximité de nos centres. Ils nous prennent pour cible. Plusieurs volontaires ont d’ailleurs perdu la vie. Mais nous continuerons à intervenir, nous n’avons pas le choix. La situation est grave et elle risque même d’empirer. Nous voulons former plus de volontaires, des jeunes notamment. Nous avons besoin de moyens, de matériels pour prodiguer les soins et surtout d’ambulances. Et d’argent liquide notamment pour acheter de l’essence pour nos ambulances.
date : 20/11/2014