Le gouvernement soumet, mardi 15 septembre, au Parlement une déclaration suivie d’un débat sur l’engagement des forces aériennes françaises en Syrie. Ce qui ne devrait pas susciter de difficultés politiques majeures. Mais des interrogations demeurent sur la pertinence du changement de cap qui a conduit le président François Hollande, le 7 septembre, à étendre l’intervention militaire française contre l’Etat islamique (EI). Jusque-là, l’opération « Chammal » restait cantonnée à l’Irak : on pensait à Paris que frapper l’EI en Syrie conforterait de facto le président Bachar Al-Assad.
« Nous ne pouvons plus nous permettre que la Syrie, principal repaire de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique], demeure un angle mort de notre action », a déclaré le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, lundi 14 septembre à Strasbourg, lors de l’université d’été de la défense.
Depuis une semaine, des missions de reconnaissance ont été confiées aux Rafale basés à Abou Dhabi. Elles pourront être prochainement suivies de frappes ciblées contre l’EI. Mais ces frappes ne changeront pas la donne sur le terrain syrien en proie au chaos, conviennent tous les experts. Car pour l’heure, le cadre fixé aux militaires est étroit : il s’agit d’être prêt à engager une riposte si, demain, un attentat visant le sol français est ordonné et préparé depuis les bastions de l’EI en Syrie. Les services de renseignement ont acquis la preuve que des jeunes y sont formés, lors de véritables stages, à la préparation d’actions terroristes contre la France.
Récolter du renseignement
Décidé après l’attaque ratée du Thalys en août, l’engagement français a un objectif politique national avant d’être militaire : démontrer aux Français que tout est fait dans la lutte contre la menace terroriste. Paris affirme que la résolution de la crise syrienne relève d’abord d’efforts politiques et diplomatiques.
Huit cents militaires et six avions de chasse, sans moyens nouveaux, sont mobilisés contre « l’armée terroriste », Daech, et « sa dynamique funeste », selon les mots de M. Le Drian. En Syrie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada étaient à ce jour les seuls pays occidentaux engagés dans des frappes contre l’Etat islamique. Les pays sunnites du Golfe et de la région, qui participaient aux opérations aériennes, ne bombardent plus depuis la mi-août ; ils ont déplacé tous leurs moyens au Yémen, assurent les sources militaires.
L’armée française va d’abord récolter du renseignement, dont elle ne dispose pas aujourd’hui sur l’Etat islamique en Syrie, et qu’elle pourra échanger avec son homologue américaine. Ensuite, les frappes viseront des camps de l’EI, sur la base de « dossiers d’objectifs » préparés, et non les mouvements du groupe armé au gré de ses offensives.
Donnée importante : il ne s’agit pas de frapper le Front Al-Nosra, lié à Al-Qaida. En outre, les experts assurent que les forces de Bachar Al-Assad ne sont pas une menace là où la France intervient. « Elles ne sont plus présentes à l’est, y compris à Rakka, et les avions de Bachar n’effectuent même plus de vols d’entraînement, résume une source informée. Nos Rafale n’ont trouvé aucune défense sol-air active.