Les Syriens méritent qu’on ne les oublie pas
Est-ce une manière de lassitude ? Ou bien l’habitude déjà ? Ou encore la résignation ? Une certaine forme d’impuissance peut-être ? La révolte du peuple syrien contre la dictature de Bachar Al-Assad est entrée dans son cinquième mois. Presque dans l’indifférence.
L’admirable leçon de courage souvent donnée par ces femmes et ces hommes manque de soutien international – politique, médiatique et autre.
Ce n’est plus seulement le vendredi que les Syriens manifestent au péril de leur vie : ce 22 juillet, ils étaient encore des centaines de milliers à être descendus dans la rue. Tous les jours de la semaine connaissent des protestations. Et tout aussi régulièrement, s’allonge le bilan des morts – sûrement pas loin de 2 000 ; celui des emprisonnés et autres « disparus » dépasse la dizaine de milliers.
Armée, chars, milices, bandes de nervis au service du régime sont déployés dans toutes les villes. Les rares témoignages qui nous parviennent décrivent un pays, une population sous occupation militaire.
On sait la difficulté d’exercer des pressions sur ce régime-là. Une ingérence militaire extérieure est exclue – à juste titre. La Syrie n’est pas la Libye. Elle est soutenue à l’ONU par la Russie et la Chine ; elle dispose d’une armée bien équipée par Moscou.
Le régime n’est pas aussi isolé que celui de Mouammar Al-Kadhafi. L’Iran lui accorde une aide économique massive, sans laquelle il aurait bien du mal àsurvivre. La région est plus stratégique que le Maghreb ; la guerre y ajouterait un élément de déstabilisation supplémentaire, dont le Machrek n’a pas besoin.
Et, pourtant, la chute de la maison Assad est sans doute l’une des clés d’une vraie démocratisation du Proche-Orient.
Que faire, alors ? Les Etats-Unis et l’Europe ont pris des sanctions économiques. Mais, longtemps, ils ont donné le sentiment de craindre – non sans quelque raison – le chaos et la guerre civile si le régime devait s’effondrer. Ils ont espéré que Bachar Al-Assad serait sincère dans ses appels à un dialogue avec les diverses forces qui s’opposent à lui. Ils ont cru que le parti Baas, qui monopolise le pouvoir depuis plus de quarante ans, pouvait se réformer.
Ce temps n’est plus. Les Etats-Unis ont été déçus. Ils ont vu comment le régime faisait tirer sur les rassemblements de l’opposition, y compris les plus pacifiques, ceux au cours desquels les opposants entendaient examiner les offres de dialogue du pouvoir.
A la mi-juillet, la secrétaire d’Etat est sortie de la réserve observée jusqu’alors par Washington. « De notre point de vue, a dit Hillary Clinton, (Bachar Al-Assad) a perdu toute légitimité (…) il n’est pas indispensable. » Le président Barack Obama dit sensiblement la même chose.
Encore faut-il tirer les conséquences de ce discours nouveau. Les Etats-Unis et l’Europe devraient aider une opposition syrienne disparate et divisée à s’organiser. Ils devraient lui assurer un soutien politique et économique.
Les Syriens le méritent plus que jamais.
Date : 24/7/2011