Les Syriens ne veulent pas des djihadistes ! – Par collectif

Article  •  Publié sur Souria Houria le 2 août 2014

 

La question des centaines de jeunes Français qui partent faire le Djihad en Syrie polarise l’attention politique et médiatique. L’inquiétude fondée que ces individus soient tentés à leur retour par des actions telles que celles conduites par Mohamed Merah ou Mehdi Nemmouche est suffisamment grave pour ne pas être prétexte à polémiques et surenchères, amalgames et simplifications. En Démocrates Franco-Syriens, nous sommes tout aussi soucieux de la sécurité de la France et des Français que du sort de la population syrienne, victime des exactions quotidiennes des djihadistes et du régime de Bachar El-Assad.

Très inquiets des risques d’autres attentats comme ceux de Lyon ou de Bruxelles, nous considérons que tout doit être fait pour en réduire le risque. Les mesures récentes – mise en place d’un numéro Vert pour que les familles puissent prévenir des départs, plan de lutte contre les filières djihadistes vers la Syrie, privation de passeport, création d’un dispositif de réinsertion individualisé – sont nécessaires et bienvenues. De même la coordination du renseignement à l’échelle européenne. Des mesures parallèles autres que sécuritaires – d’ordre social, économique, culturel, législatif –  sont indispensables également pour remédier au fond du problème. De telles mesures politiques et pratiques responsables ne doivent être confondues avec une surenchère de propositions à l’emporte-pièce, telle l’idée de retirer la nationalité française aux apprentis djihadistes. Non seulement parce qu’elle constituerait une violation de principes fondamentaux inscrits dans la constitution et qu’elle serait difficilement applicable, mais surtout parce qu’elle serait sans conséquence réelle sur les personnes tentées par le fait d’aller combattre ou de commettre des attentats. En effet, qui pense sérieusement qu’un Mohammed Merah ou un  Mehdi Nemmouche aurait arrêté ses plans criminels de peur de perdre la nationalité française?  

Engagés aux côtés de la Révolution syrienne, bons connaisseurs de la Syrie, des événements qui s’y déroulent et des forces de tous bords agissant sur le terrain, nous sommeschoqués par un oubli majeur dans le débat en France. La menace en provenance de Syrie ne peut être réduite aux risques d’attentats en Europe. Ces djihadistes sont d’abord une plaie pour les Syriens, premières victimes de leur barbarie. Nombre de ces jeunes qui partent en Syrie n’y vont pas simplement en vacances-option « entrainement militaire ». Ils y commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, coupent les têtes et les plantent sur des piques à l’entrée des villages pour terroriser les populations et imposer leur loi. A ceux qui partent parce qu’ils croient sincèrement qu’ils vont aider les Syriens, nous leur disons que les Syriens sont en butte aux exactions des djihadistes, lesquels se fichent de renverser le régime syrien, et que leur révolte légitime contre la dictature est souillée par les crimes des djihadistes.

Le premier message à l’intention de ceux qui partent en pensant aider les Syriens, est de leur dire « les Syriens ne veulent pas de vous ! »Qu’ils sachent que les terroristes – notamment de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL) qui accueille la majorité de ces apprentis étrangers – sont rejetés par la population qui souffre déjà du régime dictatorial syrien. Qu’ils sachent qu’ils ne vont pas combattre le régime syrien qui ne s’attaque d’ailleurs pas à eux- sauf ces derniers jours où il a voulu donner le change en ordonnant des bombardements de peu d’importance sur leurs positions, entamant à peine leurs matériels. Il ne s’attaque pas à eux car ces groupes sont pour lui un allié objectif. EIIL fait la guerre aux groupes qui combattent réellement la dictature de Damas, faisant à ce jour environ 2000 morts dans le camp des rebelles. Ils servent aussi d’épouvantail commode pour effrayer les occidentaux afin qu’ils n’aident pas la Révolution. Le régime a donc tout intérêt à ménager ce précieux allié. Les jeunes Français – et d’autres nationalités – qui vont rejoindre les groupes djihadistes favorisent de fait les manipulations du dictateur de Damas. Or, de cette réalité-là, il n’est jamais fait mention en France, ni dans le débat sur la dite menace djihadiste ni dans les propositions gouvernementales avancées à ce jour.

La France qui a toujours soutenu les aspirations des Syriens à la démocratie et l’état de droit, est à même de mettre en œuvre une politique qui répond tout à la fois à son souci de sécurité et à son engagement en faveur du droit des peuples contre la barbarie et la domination. L’arbre des djihadistes ne doit pas cacher la forêt de la tragédie syrienne.

Cette tribune a été signée par un collectif de démocrates franco-syriens dont Bicher Haj Ibrahim (ingénieur, chercher), Bassma Kodmani (politologue), Salam Kawakibi (politologue), Frédéric Farid Sarkis (universitaire), Marie-Claude Slick (journaliste), Manon-Nour Tannous (chercheuse en relations internationales), Lamis Zolhof (porte-parole du collectif Codssy).

source : http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/07/28/les-syriens-ne-veulent-pas-des-djihadistes-francais_4463966_3232.html

date : 28/07/2014