Lettre Infos Syrie Résistance – N°4
Alep : solidarité !
A Alep se livre une bataille terrible et décisive. De son issue dépend pour une bonne part l’avenir de la Syrie.
Hormis les souffrances immenses de la population, rien n’est assuré. Tant est grande la détermination des opposants au régime.
On n’oubliera pas l’image de ces enfants qui enflamment des pneus, pour tenter par la fumée dégagée d’aveugler les avions porteurs de mort.
Symbole d’une terrible disproportion des forces. D’un côté, une population assiégée, quotidiennement massacrée, menacée de famine. De l’autre, l’armée de Bachar, les troupes du Hezbollah, de l’Iran, et surtout l’aviation russe qui bombarde massivement, et dont il est établi qu’elle détruit systématiquement les hôpitaux.
Preuve aussi de l’incroyable résistance du peuple syrien en révolution, de ces civils qui vivent, s’organisent, luttent dans une ville ravagée et épuisée, de ces combattants qui malgré le manque d’armement poursuivent le combat contre la double barbarie du régime et de Daech.
Enfin révélateur de l’absence d’état d’âme des gouvernements occidentaux, étatsunien au premier chef, et aussi français, face à ce qui se joue à Alep. Ils reconnaissent le caractère scandaleux du chantage du Kremlin : des corridors prétendus « humanitaires », pour contraindre la population à quitter Alep et afin d’amener les rebelles à reddition. Un scénario expérimenté en Tchétchénie, à Grozny ! Le secrétaire des Nations Unies alerte quant aux crimes de guerre qui se multiplient et au massacre en cours,
Mais les grandes puissances privilégient l’écrasement de la révolution syrienne.
- Il faut stopper cette horreur.
- Arrêt immédiat et total de tous les bombardements.
- Levée du siège d’Alep et des autres villes.
- Aide rapide et massive à la population.
- Soutien aux forces rebelles, pour changer le rapport de forces, et imposer la paix dans une Syrie démocratique débarrassée de Bachar et de Daech.
Souria Houria, Collectif « Avec la Révolution syrienne » (Alternative libertaire, CEDETIM, EELV, Émancipation, Ensemble !, NPA, Solidaires, UJFP)
Les articles de la lettre traduisent la diversité des organisations parties prenantes
« Les détenus d’abord »
A Paris a eu lieu le 11 juin dernier une marche pour les détenus en Syrie. Les participants, qui ont répondu à l’appel de l’acteur et opposant syrien Fares Helou et un groupe de militants des droits humains, ont porté les portraits de 1000 détenus (chez le régime surtout, mais aussi chez Daech et différents groupes armés) représentant les 200 000 disparus en Syrie (les organisations des droits de l’homme ne connaissent les lieux de détention que de 60 000 parmi eux).
Le rapport César et les rapports de Human Rights Watch et d’Amnesty, de même que de plusieurs organisations syriennes, montrent l’horreur que vivent les détenus dans les geôles du régime. Selon le dernier rapport d’Amnesty, 10 détenus/prisonniers meurent chaque jour, suite à la torture systématique, à la famine et aux maladies dans les seules prisons de Damas.
Porter les noms et les photos des détenus et rappeler leur disparition pour empêcher le monde de les oublier était le message qu’ont voulu communiquer les organisateurs et les participants.A lire, le rapport d’Amnesty International sur l’enfer des prisons syriennes.
Questions et repères :
Chaque numéro propose des repères sous formes de réponses à quelques questions sur la situation.
Syrie : derniers développements
Depuis juin 2016, les bombardements aériens russes et du régime Assad se sont intensifiés dans les régions d’Alep et d’Idlib, ainsi que dans la Ghouta de Damas, faisant des dizaines de victimes par jour et détruisant 7 hôpitaux, 1 banque de sang et 2 boulangeries.
En juillet, les forces du régime, épaulées par le Hezbollah libanais, les officiers iraniens et l’aviation russe ont réussi à encercler Alep et assiéger plus de 250 000 civils vivant dans les quartiers Est contrôlés par l’opposition. Dans le même temps, l’opposition a repris des localités dans les montagnes de Lattaquié qu’elle avait perdues en janvier 2016 suite à l’intervention russe.
La coalition internationale dirigée par les États Unis a continué à bombarder les positions de Daech dans le nord du pays, appuyant les forces kurdes qui avançaient vers Manbij sur la route de Raqqa. Lors d’un de ces bombardements, le 19 juillet, plus de 100 civils syriens ont été tués. Ce que la coalition a considéré comme une « bavure » !
Le 28 juillet, le Front Annosra a annoncé sa « rupture » avec Al-Qaeda, et s’est baptisé « Fateh Al-Cham ». Plusieurs facteurs expliquent cette décision. Parmi eux, la volonté de rapprochement avec l’opposition syrienne, la stratégie à long terme de consolider la présence dans les zones qu’il contrôle et la concurrence avec Daech qui serait encore plus importante avec le recul territorial de ce dernier. Cette rupture est aussi le fruit de pressions exercées par des acteurs régionaux (tels la Turquie et le Qatar) et des formations islamistes syriennes qui coopéraient sur le terrain avec Annosra au sein de « l’armée de la conquête » formée fin 2014, afin de permettre un meilleur armement à cette armée et éviter des frappes américaines (dans le cadre d’une possible coordination des frappes entre Russes et Américains).
En août, trois développements majeurs se sont produits en Syrie.
Le premier : la réussite militaire des forces de l’opposition à Alep, qui ont brisé le siège du régime et qui ont même progressé sur certains fronts vers les positions de ce dernier. La contre-offensive qu’a menée l’opposition a montré ses importantes capacités militaires malgré 10 mois de bombardements russes. Elle a été précédée par une mobilisation populaire dans les quartiers Est assiégés qui ont connu de grandes manifestations anti régime rappelant les débuts de la révolution syrienne. Des centaines d’activistes et d’enfants ont brûlé des pneus dans toutes les rues et places de leurs quartiers pour créer un écran de fumée au-dessus de la ville, brouillant la visibilité de l’aviation militaire russe et assadienne et limitant son activité contre leurs maisons et contre les combattants de l’opposition qui se battaient pour briser le siège.
Le second est la prise de Jarablus par l’opposition syrienne (l’Armée syrienne libre) soutenue par l’aviation, les chars et l’artillerie turcs. Daech contrôlait cette ville depuis 2014, et l’opération militaire qui a chassé ses troupes de la ville frontalière avec la Turquie visait à afficher la volonté d’Ankara de mettre fin à l’expansion du contrôle kurde soutenue militairement par Washington au nord de la Syrie. Elle visait également à permettre à l’opposition syrienne de progresser contre Daech et de contrôler le territoire duquel sont chassés les djihadistes. Elle visait enfin à montrer aux Américains (avec lesquels les relations sont tendues depuis leur refus des plans d’Ankara d’établir des zones tampons dans le nord syrien et, surtout depuis leur position ambiguë par rapport à la tentative du coup d’état militaire contre le gouvernement d’Erdogan), l’efficacité incontournable du rôle turc en Syrie. La normalisation d’Ankara avec Moscou et avec Téhéran a probablement fait que « l’opération turque » soit moins contestée sur le plan international.
Le troisième développement a eu lieu les 25 et 26 août. Le régime syrien, soutenu par le Hezbollah et les milices chiites irakiennes, a réussi après 4 ans de combats, de massacres, de siège et après le largage de plus de 2000 barils explosifs, à prendre la ville de Darayya, dans les faubourgs de Damas. L’accord conclu entre le régime et les combattants défendant leur ville, emblématique de la révolution dans ses deux phases, pacifique et militaire, a stipulé l’évacuation des centaines de combattants vers le nord syrien et les milliers de civils vers des zones à l’ouest de la capitale. Ainsi, après Homs et Zabadani, Darayya rejoint la liste des villes dont les populations ont été déplacées vers d’autres régions du pays. Leurs positions géographiques (sur la route entre Damas et le littoral syrien ou à proximité de la frontière libanaise) sont significatives de la politique de nettoyage confessionnel voulue par le régime et le Hezbollah.
Enfin, Américains et Russes se réunissent de nouveau à Genève pour évoquer un cessez le feu dans certaines régions et une coordination militaire contre ce qu’ils appellent « terrorisme ».
Ziad Majed
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