L’Iran prend ses distances avec son allié syrien – par Georges Malbrunot
Des émissaires de Téhéran ont pris langue en Europe avec des opposants à Bachar el-Assad.
C’est une mauvaise nouvelle pour le régime syrien: l’Iran, son principal allié au Moyen-Orient, commence à prendre ses distances. Même si, lundi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a rejeté tout changement de régime à Damas, ces derniers jours, plusieurs hauts responsables à Téhéran ont critiqué de manière à peine voilée la politique du «tout répressif» choisie par le président Bachar el-Assad face aux centaines de milliers de manifestants qui réclament son départ. «Quand il y a un problème entre les peuples et les responsables, ils doivent s’asseoir ensemble pour parvenir à une solution, loin de la violence», déclarait mercredi dernier Mahmoud Ahmadinejad, le président de la République.
Damas est accusée par la communauté internationale d’abuser de la force dans l’espoir de mâter une révolte qui a fait plus de 2.200 morts depuis six mois. «L’un ne doit pas tuer l’autre», a ajouté le chef de l’État iranien, qui a appelé «le peuple et le gouvernement syrien» à se «mettre ensemble pour parvenir à une entente». Samedi, Ali Akbar Salehi ajoutait que Damas devait répondre «rapidement» aux «revendications légitimes de son peuple».
Le Hezbollah appelle au calme
Principale alliée de l’Iran dans le monde arabe, la Syrie est sa «fenêtre» sur le conflit israélo-palestinien, via le Hezbollah au Liban. Mais le régime iranien est pragmatique. Après avoir aidé logistiquement les forces de sécurité syriennes à réprimer les «révolutionnaires», Téhéran constate que, par son refus des réformes, Assad se saborde lui-même. Selon nos informations, des officiels iraniens ont rencontré des représentants de l’opposition syrienne dans une capitale européenne. Ces émissaires voudraient en savoir plus sur les dirigeants de cette opposition, condamnée à la clandestinité depuis 40 ans que le Baath, le parti unique, dirige la Syrie. Ils cherchent également à déterminer le poids des islamistes en son sein, les relations qu’une nouvelle direction syrienne nouerait avec leur allié du Hezbollah, et si un compromis avec le régime est encore possible.
À Beyrouth, le parti chiite aurait également cherché à entrer en contact avec des opposants syriens. Vendredi, son chef, Hassan Nasrallah, a paru nettement moins enthousiaste dans l’appui apporté jusque-là à Bachar el-Assad – appui qui a entraîné une érosion du soutien de l’opinion arabe à la milice chiite. Ces perches tendues à l’opposition constituent un message clair au raïs syrien. À plusieurs reprises, l’Iran l’a encouragé à engager les réformes lui permettant de rester au pouvoir. Mais le raïs est resté sourd à ces appels. Or le temps presse: les manifestants syriens et la majorité des dirigeants de l’opposition intérieure refusent désormais tout compromis. Réalistes, ces mêmes opposants ne sont pas prêts, pour autant, à tourner le dos à l’Iran. «Nous rééquilibrerons nos relations avec Téhéran, mais nous n’adopterons pas une politique anti- iranienne», nous disait récemment l’un des ténors de cette opposition.
«La Syrie est un maillon important de la résistance (face à Israël, NDLR) au Proche-Orient et certains veulent supprimer ce maillon», affirme le chef de la diplomatie iranienne, en allusion aux États-Unis et à la France, qui ont réclamé le départ d’Assad. C’est par le territoire syrien que sont acheminées la plupart des armes iraniennes destinées au Hezbollah. Mais aujourd’hui, la milice chiite redoute qu’un nouveau pouvoir à Damas ne rompe ce cordon ombilical. La visite impromptue jeudi soir à Téhéran de l’émir du Qatar, Cheikh Hamad al-Thani, était destinée à encourager les Iraniens à se distancier de Damas, et à rassurer précisément le Hezbollah sur le profil d’une future direction syrienne. Doha entretient des relations cordiales avec l’Iran et le Hezbollah. Déçu par son ancien allié syrien, le Qatar conduit désormais la fronde arabe contre Damas, qui vient de refuser l’envoi d’une mission de la Ligue arabe en Syrie.
Source: http://www.lefigaro.fr/international/2011/08/29/01003-20110829ARTFIG00617-l-iran-prend-ses-distances-avec-son-allie-syrien.php