L’opposition syrienne est unifiée et pacifique – Mohanad Hage Ali
Par Mohanad Hage Ali – Traduit Par SouriaHouria
Mercredi 19 octobre 2011.
Bashar al-Assad peut clamer que l’opposition est constituée d’islamistes violents, la naissance du Conseil National Syrien prouve le contraire.
La naissance à Istanbul du Conseil National Syrien plus tôt dans le mois remet en cause les affirmations du régime d’Assad selon lesquelles l’opposition est islamiste, rétrograde et violente.
Depuis les débuts du soulèvement il y a sept mois, l’appareil médiatique du régime a diffusé en masse des reportages sur des affrontements avec des bandes d’islamistes extrémistes, pour saper l’image de la révolution au niveau international et pour entretenir une peur du changement à l’intérieur de la Syrie. L’absence relative d’une voix unifiée de l’opposition et de la révolution a fait le jeu des versions des événements avancées par le régime.
Mais l’émergence du SNC démystifie largement la carte de l’opposition syrienne, qui est principalement divisée entre la vieille garde et la jeunesse révolutionnaire organisée en comités de coordination.
La vieille garde est constituée par les groupes d’opposants et de dissidents indépendants, antérieurs à la révolution, laïques ou islamistes (dont les Frères Musulmans). Les nouveaux jeunes groupes, également représentés au sein du SNC, sont les « moteurs » de la révolution, officiellement connus comme les comités de coordination locaux et la Commission générale de la révolution syrienne.
Ces comités remontent à un mois avant la révolution, lorsque des activistes syriens ont organisé des sit-ins de solidarité devant les ambassades tunisienne, lybienne et égyptienne. Les rassemblements qu’ils ont maintenu pour la coordination ont tourné au phénomène national via Facebook et d’autres sites de réseaux sociaux, et ils ont donné naissance à un réseau d’organisations isolées peu organisées.
Alors que les comités de coordination et les groupes d’opposition internes à la Syrie se sont assurés 60% des 230 sièges du SNC, les places restantes ont été réparties parmi les groupes exilés, dont les Frères Musulmans.
Le SNC comprend également divers dissidents communistes, panarables, kurdes, assyriens et indépendants qui incluent Burhan Ghalioun, le plus célèbre leader et porte-parole du conseil.
La récente hausse de la violence, due aux scissions entre les militaires et les services de sécurité, a considérablement augmenté les craintes d’une guerre civile. Toute militarisation de la révolution compromettrait cette rare opportunité de renverser la dictacture en Syrie. Au début des années 1980, les Frères musulmans s’étaient lancés dans une campagne de violence contre le régime d’Hafez Assad, le précédent président syrien et père de l’actuel dirigeant. La révolte islamiste avait connu une issue dramatique avec le massacre de milliers de personnes dans la ville de Hama.
Ghalioun – professeur et dissident populaire résidant à Paris – a souligné l’engagement du SNC dans une révolution pacifique, en dépit de la répression croissante du régime. Il veut que l’intervention extérieure se limite à permettre aux journalistes étrangers et aux observateurs internationaux de venir en Syrie en tant que témoins.
Jusqu’ici, les Frères Musulmans ont été largement absents de la révolution syrienne. L’absence de quelque slogan ou symbole de la confrérie est constatable dans les centaines de vidéos de la révolte. Il y a beaucoup de raisons à cela mais, par dessus tout, la confrérie a été sévèrement réprimée depuis les années 1980.
L’apparente faiblesse de la confrérie en Syrie a également une dimension démographique : les récentes manifestations ont pris naissance dans des régions tribales et rurales, comme la province agricole de Hauran, dans le sud-ouest, où des liens familiaux forts empêchent la montée d’une confrérie des Frères musulmans urbaine panislamiste (l’ancien et l’actuel leaders viennent respectivement des viles d’Alep et de Hama).
En outre, les caractéristiques démographiques ethniques et religieuses de la Syrie ne servent pas l’objectif ultime de ce groupe islamiste : instaurer une république islamique via les urnes électorales de la Syrie post-Assad. Les minorités ethniques et religieuses représentent 40% de la population, tandis que les 60% de la majorité arabe sunnite sont clairement diversifiés dans leurs attaches politiques.
Le SNC s’est déplacé rapidement pour s’affirmer sur la scène régionale et internationale. Il a communiqué avec la Ligue des pays arabes au nom de la révolution, détaillant ses demandes et intensifiant la pression sur le régime.
L’opposition syrienne dispose à présent d’une voix quelque peu unifiée. Ce qui demeure incertain, c’est la manière dont la confrontation va évoluer. Selon les propos d’un dissident syrien : « le sort du régime est connu; les deux seules inconnues sont le temps et le lourd prix que nous aurons à payer. »
Pour lire la version anglaise : http://souriahouria.com/2011/10/19/syrias-opposition-is-unified-and-peaceful/
Source : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/oct/19/syria-opposition-unified-peaceful?INTCMP=SRCH