« Ma seule arme c’est la parole » LOOS,BAUDOUIN; AFP

Article  •  Publié sur Souria Houria le 24 juin 2012

Syrie Yahia Hakoum, un étudiant réfugié en Belgique, veut témoigner

RENCONTRE

Il s’appelle Yahia Hakoum. Il a 26 ans. Il vient d’une petite ville de 70.000 habitants appelée Ennabek, entre Damas et Homs. Après bien des péripéties, il a pu gagner la Belgique en février ; il avait quitté son pays le 1er novembre pour le Liban puis l’Egypte. Ici, l’UCL lui a offert le minerval.

« A Ennabek, cela a commencé en juin 2011, explique-t-il. Des manifestations tout de suite durement réprimées. Dès mars, moi j’avais été arrêté et détenu pendant 27 jours et torturé par tous les moyens imaginables. C’était l’enfer. Pendu par les pieds, torturé à l’électricité. J’ai perdu 30 kilos. Des enfants étaient torturés. Des femmes aussi. Des vieux. Il y avait ce gamin dont le dos était cassé, il était sur une civière dans le couloir de la prison. Il faisait ses besoins sur lui ; chaque fois qu’un bourreau passait près de lui il lui assenait un coup. »

Jusqu’à ce que l’exil apparaisse comme la seule solution. « J’ai refusé de travailler pour les services secrets. J’ai été relâché mais réarrêté pour un jour et à nouveau torturé. Un avocat ami a disparu, on ne l’a jamais revu. Deux de mes amis ont été abattus chez eux, balles dans la tête. J’ai compris que je devais partir. »

« Une balle dans la tête »

Yahia Hakoum sait pourquoi les premiers soldats ont déserté. « Je suis d’un village à l’entrée d’Ennabek d’où le premier soldat tué était originaire. Quand le corps d’un second soldat mort est arrivé au village, on a exigé d’ouvrir le cercueil. Il avait une balle dans la tête. On est alors allé ouvrir le cercueil du premier soldat : il avait subi le même sort. C’était clair : ils avaient refusé d’obéir aux ordres de tirer dans la foule, et on les avait froidement abattus. La grande majorité des soldats proviennent de villes et village sunnites. Ennabek est sunnite à 99 %. »

L’avenir ? Une guerre civile ? « Le régime fait ce qu’il peut pour confessionnaliser le conflit. Il croit qu’il pourra régler la révolte par la violence. Il tuerait un million de personnes s’il le faut. Mais il n’y aura plus de retour en arrière après ces 15.000 morts, après ces massacres. Les gens veulent continuer jusqu’au bout, jusqu’à la chute du régime. »

Malgré tout, Yahia Hakoum croit encore à une issue non violente. « Moi je crois qu’un succès reste possible par des moyens pacifiques : la semaine dernière, 937 manifestations ont été organisées à travers le pays. La majorité des citoyens n’a pas pris les armes. Un départ de Bachar est possible si la communauté internationale met une pression suffisante sur lui, qu’on lui coupe l’approvisionnement en armes. Si on impose des zones protégées, 15 millions de Syriens descendront dans la rue ! La grève générale pendant six jours des commerces du centre de Damas après le massacre de Houla est très importante, elle montre que la classe bourgeoise ne soutient plus les crimes du régime et va se tourner vers la révolution. Damas a basculé ! »

Yahia Hakoum n’a plus peur de dire son nom. Même si sa famille, dont ses dix frères et sœurs, est restée au pays. « Ma seule arme c’est la parole. Je dois parler. Mes amis en Syrie me disent de témoigner. Tous les Syriens sont de toute façon en danger de mort… »

source: http://archives.lesoir.be/syrie-yahia-hakoum-un-etudiant-refugie-en-belgique-_t-20120613-01ZC0C.html