Obama ne se ronge pas les ongles en pensant à la Syrie – par Firas Kontar
Ce weekend Obama a réitéré sa position sur Assad, il souhaite mettre une pression diplomatique au niveau international sur les belligérants pour le départ d’Assad et assure qu’une intervention militaire américaine contre le régime Syrien n’est pas le bon choix. Dire que ces propos rassurent Assad n’est pas un euphémisme, habituellement c’est le secrétaire général de l’OTAN qui par des termes similaires rassurait Assad sur le fait que l’OTAN n’a pas vocation à intervenir en Syrie. Aujourd’hui ces paroles émanant de l’homme le plus puissant au monde auront pour conséquence d’intensifier les combats et les bombardements aériens. Que pouvons-nous espérer d’un régime qui ne comprend que le rapport de force? Faut-il rappeler que les seules fois ou le régime syrien s’est plié aux exigences de la communauté internationale c’était sous la menace de la Force au Liban avec le retrait des troupes syriennes en 2005 exigé par l’ONU, et en 2013 suite à l’attaque chimique de la Ghouta ou Assad a accepté de remettre ses armes chimiques pour éviter une vague de bombardement franco-américain. Faut-il rappeler qu’Assad continue à ignorer les résolutions non contraignantes de l’ONU notamment la résolution 2254 qui est censée obliger l’ensemble des parties « à autoriser immédiatement les organismes humanitaires à accéder rapidement, en toute sécurité et sans entrave, dans l’ensemble de la Syrie, et par les voies les plus directes, à toutes les personnes dans le besoin, en particulier dans toutes les zones assiégées et difficiles d’accès, de libérer toute personne détenue arbitrairement, en particulier les femmes et les enfants », et qu’il ne respectera aucune résolution si elle n’est pas accompagnée de menaces concrètes.
Assad aujourd’hui se voit libre de toute ligne rouge, il doit même interpréter les propos d’Obama comme un feu vert à la continuité de son œuvre de destruction massive.
Les conséquences des paroles d’Obama ne se sont pas faites attendre, une vague de bombardement à Alep Idlib et Daraa a fait déjà plusieurs centaine de morts. A Atareb une localité d’Alep, un centre de la défense civile, les biens nommés casques blancs, a été bombardé, tuant cinq secouristes, et à Alep le bombardement d’un hôpital a tué plusieurs personnes dont l’unique pédiatre de la ville côté rebelle.
Obama par sa position augmente la pression sur les forces de l’opposition syrienne déjà bien affaiblie par le manque de soutien des soi-disant alliés. Le message est clair : n’espérez pas de soutien militaire conséquent. Ainsi il affaiblit la position de l’opposition face à Assad, et surtout il affaiblit le camps des modérés au sein de l’opposition.
Dès le début de la militarisation de la révolution, Assad cherche à s’imposer par la force comme étant la personne incontournable à toute résolution du conflit, le manque de soutien à l’opposition est l’élément déterminant qui permet à Assad d’espérer de s’imposer et faire partie de la solution à un conflit dont il est le responsable.
Ce manque de volontarisme d’Obama sur le départ d’Assad et son faible soutien aux rebelles ne fait qu’augmenter la haine des populations arabes sunnites envers une administration américaine qui semble jouer le jeu d’Assad et fermer les yeux sur 5 ans de massacres. Et les déclarations d’Obama à sa dernière visite à Ryad ou il demande à l’Arabie Saoudite et l’Iran de s’entendre pour régler les problèmes du Moyen-Orient ont eu l’effet d’un coup de tazer sur nombre de syriens irakiens yéménites libanais… Sommes-nous condamnés au Moyen-Orient à vivre sous l’emprise de deux systèmes théologiques barbares? N’est-ce pas le tutorat de l’Iran sur l’Iraq, donné avec la bénédiction américaine via le premier ministre Malki, qui est à l’origine de l’état islamique et au délitement de l’état irakien ? Ces propos ne sont-ils pas à l’opposé du principe du droit aux peuples à disposer d’eux-mêmes ? Le président des Etats Unis sait-il que si les forces de l’opposition syrienne se sont alliées avec les pays du Golf et l’Arabie Saoudite c’est à cause du manque de soutien des forces démocratiques notamment des Etats-Unis et des pays européens. Ou est-ce que Obama espère tout simplement instaurer une guerre froide entre les deux pays prétendant représenter chacun une branche de l’Islam ? Cette guerre froide aurait pour avantage de maintenir bas longtemps les cours du pétrole, de faire tourner l’industrie militaire à plein régime et de récupérer ainsi une bonne partie des pétrodollars des monarchies pétrolières. Lors de sa tournée Obama a d’ailleurs annoncé son accord pour la vente pour plus de 33 milliards de dollars d’équipements militaires aux pays du Golfe, ainsi qu’un projet de défense aérienne et anti-missile commun pour les six monarchies.
Ne pas réagir aux ingérences iraniennes en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban a crispé le monde sunnite notamment les monarchies du Golfe. Ces monarchies qui se sont toujours considérées comme vivant sous la protection de l’oncle Sam se sentent aujourd’hui orphelines et voient arriver l’ingérence iranienne jusqu’aux portes du royaume Wahhabite et ce dans l’indifférence de l’administration américaine, voire même avec le soutien de cette administration à travers la mainmise de l’Irak par l’Iran en parallèle du retrait progressif des troupes américaines d’Irak.
La passivité américaine face à l’ingérence iranienne est une des raisons de l’échec de la transition démocratique au Yémen torpillée par les Houtistes et les anciens cadres du président Saleh ainsi que le maintien au pouvoir d’Assad en Syrie. Obama considère peut-être qu’il est nécessaire de contenir le wahabisme depuis le 11 septembre et que la république islamique d’Iran semble être un allié de circonstance dans le cadre de cet objectif. Obama a pensé limiter l’influence du wahhâbisme en lui opposant la république islamique d’Iran comme si il ne pouvait exister que ces deux modèles dans le monde musulman, oubliant la république de Turquie. La Turquie de 2011 était une référence pour l’ensemble des peuples du Moyen-Orient :un état central fort, une pluralité politique, un développement économique important, une réconciliation nationale en marche avec les kurdes et surtout un état de droit ou le système judiciaire apparaissait comme le plus égalitaire du Moyen-Orient. Alors pourquoi Obama a si peu écouté l’allié turc durant ces cinq dernières années sur la crise syrienne? Au lieu de cela et par son inaction il a favorisé l’ingérence iranienne et la réaction Saoudienne à cette ingérence, opposant deux systèmes théologiques, loin des inspirations des peuples et surtout des syriens. Ce qui est sûr c’est qu’Obama a tourné le dos aux peuples du Moyen-Orient et à leurs souffrances.
La position d’Obama répétée ce weekend ne rassure pas quant à la fin du conflit syrien, son souhait de mettre une pression diplomatique sur les différents belligérants notamment sur les russes et les iraniens est confronté à l’impossibilité d’avancer de manière constructive avec les responsables politiques de ces deux pays à l’heure actuel, surtout si cette action diplomatique n’est pas accompagné d’une pression militaire sur le terrain. L’Ukraine en est le parfait exemple pour la Russie de Poutine, l’Irak le Yémen pour l’Iran des Mollahs. L’accord sur le nucléaire iranien a peut-être apaisé les relations américano-iranienne, mais le lancement récemment d’un programme balistique par les mollahs montre que la confrontation régionale avec les monarchies du Golfe est à son apogée et que la Syrie continue à en faire les frais. Et même si les alliés d’Assad montraient une volonté ou acceptaient l’idée d’une transition politique en Syrie, il n’est pas dit qu’Assad ne voudra pas se battre jusqu’au dernier souffle. L’organisation d’une parodie d’élection législative récemment par Assad, malgré les réticences russes, est un message à ses partenaires : il reste seul maître des décisions.