Parler de la révolution en Syrie, c’est bien. S’informer sur elle, c’est mieux. Et c’est possible… – par Ignace Leverrier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 26 juin 2013

La publication, mardi 25 juin, sur l’édition électronique du Monde.fr, du « Décryptage » de Bassma Kodmani : « Les Occidentaux doivent enfin armer les démocrates syriens« , a suscité des réactions prévisibles de la part de plusieurs lecteurs. Certains ont exprimé leur intérêt, voire leur préoccupation pour le présent et l’avenir de la Syrie. D’autres se sont montrés plus enclins à plaquer leurs idées sur la situation dans ce pays qu’à comprendre ce qui s’y déroule depuis près de deux ans et demi. Consciemment pour les uns, inconsciemment pour les autres, ils sont encore une fois tombés dans le piège que l’auteur avait pourtant pris soin de signaler dès sa première phrase : « A la tragédie humaine qu’endurent les Syriens s’ajoute la souffrance de voir le récit de la réalité largement déformé« .

Logo d’un site de la révolution dédié à la divulgation des mensonges des médias officiels syriens

Que tous les Syriens ne soient pas favorables à la Révolution, c’est une affaire entendue. Affirmer que les partisans de Bachar al-Assad constituent une majorité ou une majorité silencieuse, y compris au sein des minorités confessionnelles, c’est parler dans le vide : personne n’en sait rien. S’est-on suffisamment demandé ce que le régime cherchait à dissimuler en interdisant les sondages, dans un pays où les libertés fondamentales sont depuis longtemps confisquées et n’ont nullement été restituées aux citoyens par les textes adoptés sous la pression populaire depuis mars 2011 ? Mais ignorer les moyens déployés par la propagande et les agents du régime pour induire en erreur les opinions publiques, en jouant sur les cordes sensibles du terrorisme et de l’islamisme, forcément radical, extrémiste… et cannibale, répéter à l’envie que « les démocrates syriens… (ne représentent qu’) une part infime de l’opposition, qui est en fait noyautée par les islamistes », ou décréter, comme Le Fou prénommé Pierrot, qu' »il n’y a pas d’autres forces qu’islamistes »… puisque « les élections en Egypte et partout ailleurs le montrent », c’est malheureusement faire preuve d’une ignorance crasse.

Ceux qui préfèrent s’instruire avant d’intervenir, au contraire des quidams auxquels la modernité permet désormais de s’exprimer sans rien connaître sous couvert de l’anonymat, auraient tout avantage à se rendre sans tarder sur la page Facebook duMouvement pacifiste syrien. Ils y trouveront le résultat d’un magnifique travail de recensement des groupes qui, adhérant à la Révolution, œuvrent en faveur de la libération de la Syrie de manière non-violente.

Carte des initiatives civiles de la Révolution syrienne

Ils pourront voyager à travers la Syrie au moyen d’une carte interactive qui recense une partie des initiatives civiles et des activités menées au sein de l’insurrection syrienne. En partant de « Groups« , ils pourront découvrir les relations que chacune de ces activités entretient avec les autres et recueillir certaines informations qui leur permettront de parler ensuite en connaissance de cause. Les données figurant dans ce diagramme sont extraites de la page Facebook des organisations ou associations concernées. Elles ont parfois été fournies directement par leurs organisateurs. Plus de 650 associations figurent sur cette carte qui, de l’aveu de ses réalisateurs, est loin d’être achevée. Ce nombre peut paraître ridicule, mais, pour qui connaît la Syrie, il est considérable. D’une part, il s’agit d’initiatives prises en temps de guerre, dans des circonstances humainement et matériellement difficiles. D’autre part, la majorité des hommes et des femmes qui en sont à l’origine n’avaient aucune expérience dans les domaines où ils se sont lancés : nulle activité n’était précédemment autorisée en Syrie, si ce n’est sous l’égide du Parti Baath, « parti dirigeant de l’Etat et de la société », et sous le contrôle des services de renseignements.

Autre information, à l’intention de ceux qui, par faiblesse d’esprit ou par perversité, se focalisent sur l’arbre et se refusent à apercevoir la forêt, ceux qui répètent en boucle et généralisent les crimes individuels de certains fanatiques pour dissimuler les massacres de masse commis par les sicaires du régime, ceux qui assimilent a priori tous les révolutionnaires à des islamistes, tous les islamistes à des jihadistes et tous les jihadistes à des assassins assoiffés de sang… Le 25 juin, le Front Islamique de Libération de la Syrie a diffusé un communiqué pour se féliciter de l’atelier de travail organisé, les 22 et 23 juin, avec la collaboration de l’Appel de Genève, sur le droit des conflits armés et le droit humanitaire international. Il s’agissait de sensibiliser et d’entraîner au respect de ces droits une vingtaine de cadres, combattants et juristes appartenant aux différentes factions du Front, afin qu’ils diffusent ultérieurement eux-mêmes ces principes autour d’eux. Les exercices d’application ont été centrés sur les règles de définition des objectifs militaires, de traitement des prisonniers, de neutralité des civils et de protection des personnes et des biens. Une première session avait été organisée quelques semaines plus tôt. Une réunion d’évaluation, au terme de la présente session, devait permettre d’envisager la suite à donner à cette formation.

Logo du Front Islamique de Libération de la Syrie

Interrogé sur le jugement qu’il portait sur le Front, souvent qualifié d’organisation terroriste, le Dr Abou al-Hasan, conseiller à l’Appel de Genève et animateur de la session, a déclaré : « Le Front a coopéré d’une manière inattendue. Il a écarté de ce fait nombre de doutes et de rumeurs qui faisaient de ses éléments – vous m’excuserez des termes – un groupe d’assassins et de sauvages. Nous avons découvert au contraire des jeunes Syriens remarquables, attachés à leur pays et entièrement dévoués au bien de leur peuple ». Pour le Dr Ahmed Abou al-Mou’tasem, directeur du bureau juridique du Front Islamique de Libération de la Syrie, « c’est la volonté du Front de respecter les principes du droit international humanitaire qui est à l’origine de ces sessions. Elles permettent aux révolutionnaires de connaître les règles régissant les conflits armées. Elles ne leur étaient pas inconnues auparavant, puisqu’elles découlent pour la plupart des intentions de la législation (chari’a) islamique qui constitue notre référence et notre identité. La preuve en est que le Front a adopté le « Pacte de la résistance syrienne » qui encadre un certain nombre de comportements et d’opérations de combat dans la révolution syrienne ».

Nul ne niera que participer à de telles sessions est une chose, et que mettre en application dans l’ardeur des combats les principes acquis à ces occasions en est une autre. Mais on relèvera, au crédit du Front Islamique de Libération de la Syrie, qu’en diffusant lui-même ce genre d’information, il prend à témoin l’opinion publique – ou du moins ceux qui veulent bien l’entendre – de ses intentions. Il s’expose par le fait-même au risque d’être vivement critiqué si ses combattants ne s’y conforment pas. On relèvera aussi que, en acceptant d’apprendre et en exprimant sa volonté d’améliorer son comportement, le Front se place aux antipodes des forces du régime, militaires, moukhabarat et chabbiha, pour ne pas mentionner ses supplétifs libanais, iraniens, irakiens et autres, dont nul n’a jamais entendu dire qu’ils s’interrogeaient sur la légitimité des moyens employés, sur ordre de Bachar al-Assad et de ceux qui lui prodiguent leurs conseils, pour réduire la rébellion, anéantir toute résistance et détruire sur leurs habitants les villes que le régime ne parvient pas à reprendre.

 source : http://syrie.blog.lemonde.fr/2013/06/26/parler-de-la-revolution-en-syrie-cest-bien-sinformer-sur-elle-cest-mieux-et-cest-possible/
date : 26/06/2013