Paroles de Syriens, pour le 3ème anniversaire de la révolution en Syrie (7) – par Georges Sabra – présenté par Ignace Leverrier
Dans des conditions humainement et matériellement atroces,
la révolution syrienne entame en ces jours sa quatrième année.
Chacun à sa façon,
des citoyens et des responsables de l’opposition syrienne
ont accepté de résumer en quelques lignes
le message qu’ils souhaitaient à cette occasion
adresser à la population française.
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Georges SABRA
citoyen syrien
et président du Conseil national syrien
La Révolution a trois ans. Ce temps a été partout pour les Syriens un temps de créativité. Créativité d’un peuple répondant à des décennies stériles d’interminable tyrannie. Créativité que le monde entier a observée avec une douloureuse et triste admiration. Créativité exprimée dans l’effort, la fatigue et la sueur. Créativité que n’a épuisée ni le don de soi, ni la mort en martyr. Les Syriens ont affronté leur destin et ils l’affrontent encore debout, à la manière des peupliers de Damas et de sa Ghouta, des saules des rives de l’Euphrate ou des oliviers d’Idlib, avec l’humilité du sol rouge du Hauran ou des pierres noires de Homs, avec la sereine dignité de la citadelle d’Alep et des norias de Hama. La créativité de la Révolution n’a pas fini d’exploser comme une source céleste aux eaux intarissables, porteuses de bienfaits innombrables. Sa créativité n’est pas moins généreuse que les chants du Hauran, les chansons de Samih, les mots de Sarout ou les slogans de Kafrenbel, déjà inscrits au patrimoine de la Révolution.
Les Syriens ont été confrontés à une énorme déception de la part de leurs frères arabes et musulmans, mais aussi de leurs amis dans le monde, des Nations Unies et des organisations politiques et humanitaires internationales. Des fautes et des erreurs ont été commises, nombreuses, sur la terre de la Révolution et en son nom, par certains qui en faisaient partie. Des altérations et des déviations ont affecté la Révolution, certaines du fait des révolutionnaires, mais d’autres attribuées aux contestataires de façon mensongère et calomnieuse par le régime et ses sbires, certains Etats et leurs agents…
Rien, ni tout cela, ni bien d’autres choses, n’a pu ternir l’image de la Révolution, la justice de sa cause et les sacrifices consentis pour la faire aboutir. Dans le même temps, les manigances du régime ne sont pas parvenues à le rendre plus séduisant, à occulter ses crimes, à dissimuler le fait qu’il allait inéluctablement à sa perte, et que, en dépit des multiples formes de soutien destinées à assurer sa perpétuation, son sort était scellé et sa chute déjà inscrite dans l’Histoire.
Les événements et les péripéties des années écoulées – des années de braise ! – ont brassé en profondeur la société et le pouvoir syrien, les individus et les organisations, partout et à tout niveau. Ils ont permis l’apparition au grand jour de ce qui levait au plus profond de nous, de notre histoire, de notre culture et de notre civilisation. Nos valeurs de courage, de sacrifice et d’altruisme, certes. Mais aussi la petitesse de nos égoïsmes, la vigueur de nos haines et l’étendue de notre barbarie individuelle et collective. Tout Syrien a le droit et le devoir de se demander aujourd’hui où se trouvait tapie tant de sauvagerie ? Tout cela est-il vraiment de sa fabrication ? Que faisait entre nous toute cette rancœur ?
En avançant et en se sacrifiant, les Syriens ont malgré tout accédé aux sommets de la liberté. Ils ont définitivement associé ce mot de liberté au nom de la Syrie. La pire erreur des révolutionnaires est d’avoir consenti, pour diverses raisons, à son détournement par des intervenants extérieurs, acteurs régionaux et internationaux. La cause qu’ils défendaient a ainsi été abandonnée à des mains étrangères. Leur mouvement a perdu sa pureté, son élan et son autonomie de décision. La réunification, la solidarité et la coordination entre tous sont donc indispensables.
En ce début de quatrième année, le grand défi de la Révolution et de ceux qui la soutiennent avec sincérité est de lui rendre son éclat, sa cohésion et son unité. Il est aussi de récupérer la Syrie en la retirant des mains de ceux auxquels elle n’appartient pas. Il est enfin de renouveler l’énergie du mouvement, en exigeant des patriotes syriens dont l’apport a jadis été réel mais qui s’est tari de céder la place.
La Révolution n’a pas d’autre alternative que la victoire. C’est par elle uniquement que nous donnerons tout son prix au sang de nos martyrs. Ils ne quitteront jamais notre mémoire. Ni Ghiyath Matar, ni Abdel-Qader al-Saleh, ni Abou Fourat, ni Basel Chehadeh… ni les dizaines de milliers de nos compatriotes que nous connaissons ou que nous ne connaissons pas, mais dont les noms resteront inscrits au grand livre de notre Révolution, le livre de l’Histoire de la Syrie qui s’écrit aujourd’hui en lettres de lumière.
Georges Sabra
date : 23/03/2014