Pourquoi il faut armer les rebelles syriens – Par Editorial du Monde

Article  •  Publié sur Souria Houria le 24 février 2013

Un combattant de l'Armée syrienne libre à Alep, le 19 février.

Près de 100 morts à Damas dans les attentats perpétrés jeudi 21 février, les plus sanglants dans la capitale syrienne depuis le début du soulèvement, il y aura bientôt deux ans. Qui s’en soucie encore ? Qui prête encore attention à cette guerre civile qui ne cesse pourtant de gagner en férocité ? Qui n’est pas atteint par le sentiment d’impuissance face à deux meules – le régime et l’opposition – qui s’usent inexorablement sans pour autant se briser ?

Il faut pourtant s’arracher à ce fatalisme pour écouter Lakhdar Brahimi, médiateur trop isolé et trop impuissant des Nations unies. Pour ce dernier, qui s’exprimait, jeudi 21 février, sur une chaîne de télévision arabe, « le régime en Syrie est convaincu que la solution militaire est possible et qu’elle pourrait être proche ».

Autrement dit, selon M. Brahimi, Bachar Al-Assad estime que ce que la force n’a pas permis d’obtenir jusqu’à présent – à savoir l’écrasement de la rébellion -, une force plus importante pourrait permettre d’y parvenir, en dépit de ses pertes continues enregistrées ici et là sur le terrain. Cette conviction suicidaire n’étonnera personne. Pas ceux, en tout cas, qui se souviennent que le président syrien s’était publiquement félicité, en août 2012, des défections, qui laisseraient le pays « nettoyé ».

Depuis que l’impasse diplomatique créée à l’ONU par l’alignement russe sur les positions du régime syrien a été constatée, les Etats-Unis et les Européens ont baissé les bras. Même s’ils peuvent s’en défendre, ils ont abandonné les révolutionnaires syriens à une guerre asymétrique – face à une armée qui continue de recevoir un soutien logistique et matériel iranien et russe.

Leur principal argument est connu : approvisionner une Armée syrienne libre en armes susceptibles de soutenir la comparaison avec la puissance de feu du régime, c’est prendre le risque de voir ces armes retournées contre eux, le jour venu, par les groupes djihadistes qu’aimante la nouvelle zone grise du Proche- Orient. Cet argument serait convaincant si la paralysie actuelle ne produisait pas ce qu’ils veulent éviter : le développement continu de groupes armés fondamentalistes financés par certains pays du Golfe.

Les experts qui suivent de près la situation syrienne doutent aujourd’hui de la capacité d’un camp à prendre l’ascendant sur l’autre. Mais chacun ne peut que constater que sa supériorité militaire maintenue malgré tout entretient le régime de Bachar Al-Assad dans cette posture jusqu’au-boutiste.

C’est pour cette raison que la question d’un soutien militaire aux groupes armés les plus représentatifs de la Syrie, qui est descendue dans la rue à partir du 17 mars 2011 pour demander des réformes, puis obtenir la chute du régime de Bachar Al-Assad, doit être à nouveau soulevée par les pays occidentaux. Seul un nouveau rapport de forces pourra fissurer les liens d’allégeance au sein du régime.

L’armement de l’opposition n’est donc pas incompatible avec une solution négociée pour parvenir à l’éviction du clan dirigé par Bachar Al-Assad et éviter un chaos destructeur pour toute la région. C’est au contraire un outil au service de la diplomatie. S’en priver est un choix. C’est la politique par défaut adoptée jusqu’à présent à Washington comme en Europe. Mais il faut en assumer le prix et les conséquences : la destruction d’un pays et d’un peuple.

source: http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/02/23/pourquoi-il-faut-armer-les-rebelles-syriens_1837790_3218.html#xtor=AL-32280515