Qui rendra justice à Adnan Qassar, victime de la jalousie de Basel Al Assad ? – par Ignace Leverrier
Le site All4Syria, qui se fait un devoir de fournir à ses lecteurs des éléments d’appréciation sur le régime en place en Syrie depuis 1963, attire l’attention, le 31 octobre, sur la situation scandaleuse d’un sportif ignoré de la majorité de ses compatriotes : le cavalier Adnan Qassar, capitaine de l’équipe syrienne d’équitation, détenu sans jugement depuis 1993.
Lors d’une compétition, en 1992, il avait sauvé son équipe en réalisant un parcours sans faute et dans les temps, alors que le fils aîné du chef de l’Etat, Basel Al Assad, passé avant lui, avait compromis ses chances. Suite à cet exploit, il avait été désigné capitaine de l’équipe syrienne de saut d’obstacle. Cette promotion avait suscité contre lui la jalousie haineuse de celui que personne ne devait surpasser… puisqu’il était le fils de Hafez Al Assad et qu’il était destiné à lui succéder.
Pour apaiser sa rancune, les moukhabarat chargés d’assurer la protection de l’héritier présomptif avaient alors fabriqué de toute pièce une fausse accusation, selon laquelle Adnan Qassar voulait « assassiner » le fils du chef de l’Etat. Il avait été emprisonné à Sadnaya.
Une année plus tard, Basel Al Assad décédait, à proximité de l’aéroport international de Damas, dans un accident de la voiture qu’il conduisait… à tombeau ouvert. Tenant « évidemment » Adnan Qassar responsable de cette catastrophe, dont seuls les évènements en cours en Syrie permettent d’apprécier l’ampleur, les gardiens de la prison ont marqué l’évènement à leur façon. Ayant fait rentrer tous les détenus dans les chambrées, ils ont emmené le cavalier seul dans la cour. Ils l’ont enfermé dans un sac de jute. Puis, en se relayant, ils l’ont battu durant 6 heures, avec toute la férocité dont ils étaient capables. Il a ensuite été transféré au bagne militaire de Palmyre, dont personne ne peut plus ignorer, depuis la publication en français du roman La Coquille de Moustapha Khalifeh, à quels traitements sadiques, dégradants et inhumains, y étaient exposés les prisonniers.
Chaque année, pour exprimer toute la tristesse qu’ils devaient éprouver pour la disparition de Basel, qui était « l’exemple » alors que Bachar n’était que « l’espoir », la direction et les gardiens de la prison de Palmyre châtiaient à nouveau celui qu’ils tenaient responsable de sa mort. Il avait droit à une séance de bastonnade. Une année, les coups lui ont cassé la mâchoire inférieure.
Lorsque le bagne de Palmyre a été fermé, en 2000, Adnan Qassar, qui n’avait toujours pas comparu devant un juge, a été ramené à Sadnaya. Après la levée de l’état d’urgence, au début de la révolution, il a été envoyé à la prison civile d’Adra, qui fait office de prison centrale de Damas. A la date de ce jour, il y croupit toujours, sans avoir jamais été jugé.
Tous ceux qui l’ont connu, avant et durant son emprisonnement, font l’éloge de cet homme, souriant et affable, victime d’un système qui fait de ses dirigeants des idoles, par définition intouchables.
C’est aussi pour mettre fin à ce genre de comportement, répété au détriment de milliers d’Adnan Qassar, que le peuple syrien est descendu et continue de descendre dans les rues…
date : 01/11/2012