Résultat quasi nul pour la conférence » Genève 2 «
Genève Envoyé spécial
Les délégations de l’opposition et du régime et syriens ont campé sur leurs positions
Genève 2 est mort, vive Genève 3 ! Alors que le premier round de négociations sur la Syrie s’est achevé vendredi 31 janvier sur un résultat quasi nul, les délégations du régime et de l’opposition campant sur leurs positions, les regards se tournent vers la session suivante, qui est censée s’ouvrir le 10 février.
La délégation de l’opposition viendra à ce rendez-vous dans l’espoir de pousser son avantage. Pendant toute la semaine, ses membres ont maintenu leur unité et leur calme, en dépit de l’épreuve qu’a constituée la confrontation avec leurs bourreaux. » Pour la première fois, le régime syrien a été obligé d’écouter les revendications de son peuple « , se félicite Munzer Akbik, un porte-parole de l’opposition. Conscients de briser ce qui a été longtemps tabou, les opposants ont su trouver les mots pour calmer l’inquiétude de leur base. Du moins pour l’instant.
La délégation gouvernementale a manifesté de son côté une fébrilité inattendue. Ecartelé entre leur naturel jusqu’au-boutiste et les impératifs de la diplomatie onusienne, ses membres ont multiplié les sorties maladroites. A l’image d’Omran Al-Zoabi, le ministre de l’information, proclamant vendredi que » le pouvoir ne fera aucune concession « , quelques heures avant que Walid Mouallem, le chef de la diplomatie, ne déplore » le manque de sérieux et de maturité « de l’opposition. Même si ce dernier s’est refusé à le confirmer, les émissaires de Damas devraient selon toute vraisemblance reprendre les pourparlers le 10 février. » Nous ne nous retirerons pas « , martelaient-ils sur les bords du lac Léman, bien conscients que, dans cette bataille d’image, le premier qui part est perdant.
Et après ? Avant de clore la première manche, Lakhdar Brahimi, l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie, a égrené dix points qui justifient selon lui de ne pas désespérer du processus en cours. Selon l’Algérien, » les deux camps savent qu’ils doivent conclure un accord sur la formation d’une instance de gouvernement transitoire ( » TGB « , » transitional governing body » en anglais) dotée des pleins pouvoirs « , comme le prévoit le communiqué dit de » Genève 1 « , fruit d’un compromis russo-américain scellé en juin 2012.
Certes, sous la pression de l’événement, l’équipe de M. Mouallem a fini par accepter de se référer à ce texte, cité dans la lettre d’invitation de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. Mais les informations qui ont filtré des séances de négociations montrent qu’opposants et loyalistes continuent d’en faire une interprétation diamétralement opposée.
Les premiers, soutenus par les grandes puissances occidentales, voient le TGB comme une entité à part, englobant les pouvoirs d’ordinaire dévolus au gouvernement et à la présidence et impliquant de ce fait la mise à l’écart de Bachar Al-Assad. » Le terme d’instance a été préféré à celui de gouvernement dans cette optique « , explique un diplomate européen.
Les seconds, encouragés par le Kremlin, balayent ces subtilités sémantiques. Pour eux, le TGB ne sera au mieux qu’un gouvernement d’union, élargi à quelques transfuges de l’opposition et placé sous la tutelle de l’actuel raïs, déjà en lice pour la présidentielle prévue cet été.
Pour débloquer la situation, les Européens cherchent à capitaliser sur la bonne prestation de l’opposition. L’une des pistes retenues consiste à étoffer sa délégation, en y incorporant des personnalités restées à l’écart du premier acte.
La disposition de la Russie à faire pression sur son allié syrien devrait être une nouvelle fois testée, mardi 4 février, à l’occasion d’un déplacement à Moscou d’Ahmed Jarba, le président de la délégation de l’opposition. L’agacement manifeste de Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, durant l’interminable tirade de M. Mouallem à Montreux, en ouverture de la conférence de paix, a fait le tour des chancelleries occidentales. » Le régime se désintéresse de sa performance dans les négociations, met en garde un journaliste libanais bien introduit à Damas. Il a fait un cadeau aux Russes en acceptant d’aller à Genève. Mais son seul souci c’est le champ de bataille. Il veut régler la crise par la manière forte. «
Les opposants le savent, et s’y sont préparés. Vendredi, Ahmed Jarba s’est ouvertement félicité d’un accroissement du soutien militaire à la rébellion. » Le conflit va encore s’intensifier, prévient Burhan Ghalioun, un cadre de l’opposition. Le régime va tenter de gagner du terrain pour imposer son point de vue à la prochaine séance de négociations. Et nous aussi. «
Benjamin Barthe