Rifaat Al-Assad, l’oncle du président syrien, mis en examen à Paris
L’ancien vice-président de Syrie Rifaat Al-Assad, oncle de Bachar Al-Assad, a été mis en examen à Paris dans une enquête sur des soupçons de détournements de fonds lui ayant permis de bâtir sa fortune immobilière en France, a appris l’AFP mardi 28 juin de sources concordantes.
Frère de l’ancien président Hafez Al-Assad, qui l’avait écarté du pouvoir dans les années 1980, Rifaat Al-Assad, 78 ans, a fait l’objet d’un mandat d’amener et a été mis en examen le 9 juin pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment, ainsi que travail dissimulé pour des salaires d’employés non déclarés et payés en liquide, a précisé une source proche de l’enquête.
Dans un communiqué, l’association Sherpa (créée en 2001 en vue de protégeret défendre les populations victimes de crimes économiques), qui avait porté plainte en 2013 et en 2014, s’est félicitée « de l’avancée des investigations judiciaires s’agissant de l’un des principaux anciens dignitaires du régime syrien ».
En exil depuis les années 1980, partageant sa vie entre la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne, Rifaat Al-Assad est accusé par Sherpa de d’avoir acquis de luxueux biens immobiliers grâce à l’argent issu de la corruption et de détournements de fonds en Syrie. L’instruction, qui fait écho aux affaires de « biens mal acquis » de chefs d’Etat africains, est menée par le juge financier Renaud van Ruymbeke.
Aucune sanction internationale
Certes, Rifaat Al-Assad, contraint à l’exil en 1984 et depuis lors opposant déclaré au pouvoir syrien, ne fait l’objet d’aucune sanction internationale et peut donc disposer librement de son patrimoine. Il ne figure pas dans la liste établie par l’ONU et l’Union européenne des membres ou soutiens du régime syrien dont les avoirs sont considérés comme des « biens mal acquis » et qui doivent donc être gelés.
Mais il est considéré comme l’un des principaux acteurs du massacre de Hama, en représailles à un soulèvement armée des Frères musulmans, qui a fait dix mille à quarante mille morts, selon les estimations. Rifaat Al-Assad a par ailleurs gardé son titre de vice-président de la Syrie jusqu’en 1998.
Pour plusieurs élus parisiens, qui rejoignent en cela l’analyse d’ONG anticorruption, le patrimoine de l’ancien chef des Brigades de défense de Damas, qui furent longtemps l’une des pièces maîtresses du régime, pose la question de son origine. En septembre 2013, ils avaient donc réclamé le gel des avoirs de toute la famille Assad sans exception. Le parquet de Paris avait ouvert peu après une enquête préliminaire sur le patrimoine en France de Rifaat Al-Assad.
Un patrimoine estimé à 90 millions d’euros
Dans un rapport de 2014, les enquêteurs des douanes estimaient à environ 90 millions d’euros la valeur globale du patrimoine immobilier détenu en France par Rifaat Al-Assad et sa famille, au travers notamment de sociétés luxembourgeoises. L’inventaire comprenait un château et un haras dans le Val-d’Oise et plusieurs biens immobiliers dans les quartiers les plus riches de Paris, dont des hôtels particuliers avenue Foch et avenue de Lamballe, deux immeubles avenue du président Kennedy et quai André-Citroën, un terrain rue Jasmin ou encore des bureaux à Lyon. Des biens acquis entre 1984, année de son arrivée en France avec sa suite, et 1988, selon les enquêteurs.
Entendu une première fois en 2015, Rifaat Al-Assad avait répondu que les fonds venaient du prince héritier et futur roi Abdallah d’Arabie saoudite dans les années 1980, tout en assurant n’avoir pas géré lui-même ces acquisitions.
Mais aux yeux du juge, Rifaat Al-Assad ne fournit qu’un justificatif pour un don de dix millions de dollars en 1984, « sans rapport avec sa fortune actuelle et son important train de vie », qui ne peuvent « s’expliquer que par des ressources occultes très importantes », a affirmé une source proche de l’enquête.