Salam Kawakibi  » Qu’el Assad accepte le plan de l’ONU ne va pas dire qu’il l’appliquera »

Article  •  Publié sur Souria Houria le 31 mars 2012

Le chercheur syrien se montre dubitatif sur la volonté du régime de Damas d’appliquer le plan
de paix de Kofi Annan et pèse les chances de la charte signée par les opposants réunis à Istanbul

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE PRIER
Salam Kawakibi, directeur par intérim de l’Initiative arabe de réforme et professeur associé à Paris-I, décrypte les évolutions politiques et diplomatiques de la crise syrienne.

LE FIGARO. – L’opposition a signé à Istanbul une charte d’unification. Est-ce réellement la fin de ses divisions ?Salam KAWAKIBI. – Retrouver des objectifs communs et des plans d’action cohérents me semble une mission plus cruciale que l’unité symbolique de l’opposition, malheureusement trop exigée par la diplomatie internationale. Mais satisfaire tous les acteurs est une mission impossible dans un pays qui a connu la désertification politique durant cinq décennies. La restructuration du CNS et de ses bureaux me paraît la priorité. La charte est un premier pas sur un long chemin.

Les mouvements et les personnalités de l’intérieur absents à Istanbul ont-ils eu tort?
L’absence de la Coordination nationale, du Courant de la construction de l’État et d’autres personnes indépendantes les écarte encore plus du champ de l’action. Ils auraient pu enrichir la réflexion
et l’action au sein du CNS. Cependant, il vaudrait mieux les appeler à mettre en évidence leur stratégie
et leurs objectifs, sans tomber dans les attaques et la déstabilisation de l’ensemble de l’opposition. Les règlements de comptes, les petites phrases et les accusations ne font que nuire à la cause nationale.
Les mouvements kurdes étaient, eux aussi, absents… Ils ont été associés à toutes les discussions et il semble que la formulation finale ne les a pas satisfaits. Les négociations avec cette composante importante
du tissu social syrien doivent continuer, en préservant le principe de l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale. La charte parle explicitement du respect des droits de l’homme et des conventions internationales, sans consacrer un article détaillé lié à la question kurde. C’est plus que normal dans une charte qui relance l’action politique au sein de l’opposition.

Une solution diplomatique est-elle en vue avec l’acceptation par le régime du plan de Kofi Annan, envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe?
Même si les bombardements des villes n’ont pas cessé, il est important de souligner que cette «acceptation» provient juste après un «ultimatum» explicite du président russe, qui qualifie ce plan de «dernière chance». Mais accepter un plan ne veut pas dire l’appliquer.
Les interprétations vont se multiplier et cela risque de rendre le plan peu opérationnel. C’est une nouvelle démonstration de la capacité du pouvoir syrien de manoeuvrer. Un talent que
l’opposition politique syrienne n’a toujours pas acquis.

La visite du premier ministre turc en Iran peut-elle aussi contribuer à une solution?
Cette visite est très importante. 85% des sources d’énergie de la Turquie provenant de la Russie et de l’Iran, les Turcs pourront jouer un rôle politique important dans le rapprochement des visions régionales et internationales sur une solution politique pour la Syrie. Le régime syrien régnait par la peur. Elle a
disparu en Syrie, où le peuple ne craint plus le pouvoir.

Mais la peur de l’instabilité, du radicalisme, de l’embrasement persiste du côté de la communauté internationale, et les Syriens n’y sont pour rien. 

Publier 29/3/2012 Le Figaro