SOS Chrétiens d’Orient, inattendu «partenaire de la défense nationale» – Pierre Alonso , Dominique Albertini

Article  •  Publié sur Souria Houria le 23 mai 2017
Les ruines de la cathédrale arménienne des Quarante-Martyrs, à Alep, le 9 décembre 2016.

Les ruines de la cathédrale arménienne des Quarante-Martyrs, à Alep, le 9 décembre 2016. Photo George Ourfalian. AFP

Par Pierre Alonso et Dominique Albertini — 16 mars 2017 à 14:40

L’association proche du régime syrien et de l’extrême droite a obtenu ce statut par un décret publié le 10 mars et signé par le ministre Jean-Yves Le Drian.

Le nom est niché dans une longue liste d’entreprises : Geos, une entreprise de sécurité privée, Renault Trucks Defense, un industriel qui fabrique des véhicules militaires, et bien d’autres, de toutes tailles, dans de nombreux secteurs. Toutes se voient attribuer la qualité de «partenaire de la défense nationale» par un arrêté signé de la main du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, paru vendredi 10 mars au Journal officiel. Parmi ces heureux élus figure un nom inattendu, l’association SOS Chrétiens d’Orient.

L’objet officiel de cette ONG créée en 2013 est des plus respectables : œuvrer à la «réalisation de projets concrets» en faveur des minorités chrétiennes du Moyen-Orient, principalement en Syrie et en Irak. Colis alimentaires, aide médicale, éducation… Dotée d’un budget de plus d’un million d’euros, l’association multiplie les opérations et les envois de volontaires sur place. En quatre ans à peine, cet activisme a fait de la jeune ONG un acteur important du secteur, à côté d’organisations plus traditionnelles telles que l’Œuvre d’Orient.

Consensus à l’extrême droite

Mais SOS Chrétiens d’Orient présente aussi un visage plus controversé, où la politique se mêle à l’action caritative. Fondée et dirigée par deux proches du député d’extrême droite Jacques Bompard – l’un son assistant parlementaire, l’autre ancien titulaire du poste – l’organisation ne cache pas son parti pris en faveur de Bachar al-Assad, présenté en évident rempart des chrétiens syriens. «L’alternative qui s’impose aujourd’hui est triviale : c’est soit al-Assad, soit le djihadisme international, intolérant et ultra-violent», expliquait en 2014 l’actuel président de «SOS», Charles de Meyer à l’édition francophone du site russe Sputnik.

Une position qui reflète le consensus en vigueur à l’extrême droite et dans une partie de la droite, et à laquelle s’ajoute un solide appui à l’irruption russe sur le terrain syrien, à partir de l’automne 2015. Ce tropisme politique a poussé l’Œuvre d’Orient à se démarquer explicitement de la jeune ONG, mettant ses donateurs en garde contre toute récupération de la cause des chrétiens d’Orient «à des fins de politique intérieure française». D’autant que SOS Chrétiens d’Orient n’hésite pas à jouer les intermédiaires au profit de personnalités politiques françaises en déplacement en Syrie. Par exemple début 2016 pour les députés Thierry Mariani (LR), Nicolas Dhuicq (LR) et Jean Lassalle (non inscrit), dont la visite s’était conclue par une rencontre avec Bachar al-Assad.

Quête de respectabilité

L’attribution de ce statut couronne une stratégie de séduction dirigée vers la défense. En juin l’association avait organisé un grand raout son et lumière dans la cour des Invalides. La voici aujourd’hui «partenaire de la défense nationale». Contacté par Libération, Charles de Meyer relativise néanmoins la portée du dispositif : «C’est une jolie trouvaille militaire : on met deux employés à disposition de la réserve un jour par semaine, et on reçoit le label en échange. Il me semble qu’on s’engage à les laisser être mobilisés en cas de besoin. Pour nous, les avantages sont inexistants, je crois, si ce n’est l’utilisation du logo « partenaire de la défense nationale »». Ce qui n’est pas rien pour une association en quête de respectabilité pour ses opérations de lobbying.

Hormis l’utilisation de cette pastille, la qualité de partenaire de la défense nationale n’ouvre formellement aucun droit. Elle «permet de matérialiser la démarche citoyenne, l’adhésion à la politique des réserves militaires, à l’esprit de défense» des structures qui l’obtiennent, indique le service de communication du ministère de la défense. Les partenaires de la défense s’engagent à faciliter les activités de réservistes de leurs salariés en leur accordant des journées, voire en maintenant les salaires lors de leurs absences. Avant de décrocher le statut, les entreprises et associations signent une convention avec le ministère de la Défense, que pilote le Conseil supérieur de la réserve militaire.

La députée PS Edith Gueugneau est l’une des quatre parlementaires membres de cet organisme, où les élus prennent part aux réflexions. Elle tombe des nues en apprenant que l’association SOS Chrétiens d’Orient a obtenu ce statut. «Cette décision m’interroge, il s’agit d’un arrêté pris par le ministère !» commente-t-elle, assurant avoir interpellé le cabinet du ministre de la Défense sur le sujet mercredi matin.