Syrie : « À Alep, le cauchemar ce sont les missiles, pas la charia », assure l’historien Jean-Pierre Filiu

Article  •  Publié sur Souria Houria le 1 octobre 2013

INVITÉ RTL – Le professeur Jean-Pierre Filiu a passé une partie de l’été en Syrie, dans la région d’Alep, sous autorité révolutionnaire depuis plus d’un an. Il témoigne du quotidien de la révolution.

Il est entré clandestinement en Syrie pour y passer l’été. Quelques semaines courant juillet, aux côtés de la résistance civile « pour ne dépendre d’aucune faction armée ou politique », précise-t-il. Jean-Pierre Filiu, universitaire spécialiste de l’Islam contemporain, est l’invité d’un colloque parlementaire à l’Assemblée nationale, à l’initiative du député (PS) Philippe Baumel (et non pas par Élisabeth Guiguou, contrairement à ce que nous avons annoncé), aux côtés du chef de la rébellion syrienne de la région d’Alep et l’un des plus proches conseillers du leader de l’Armée syrienne libre.

L’historien compte profiter de cette occasion pour « faire entendre en France les voix de l’intérieur et montrer que pendant que l’on discute à Paris, à Genève, à New York, la révolution continue, des gens continuent de mourir et surtout, la révolution s’organise », a-t-il expliqué surRTL.

Passer outre la propagande du régime syrien

Le professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain, à Sciences Po depuis 2006, estime que l’Occident souffre de la désinformation menée par le régime syrien. « Il faut regarder la réalité en face. Bachar al-Assad fait tout pour qu’on ne la voit plus. Je pense avoir été l’un des derniers Occidentaux à être entré dans le pays. On a la propagande du régime syrien qui s’exerce à plein. D’où l’intérêt de faire entendre les voix de l’intérieur », a indiqué le spécialiste.

Ces dernières semaines, l’Occident s’est ému des vidéos dans lesquelles on pouvait voir des rebelles syriens se livrer à d’innommables exactions à l’encontre de soldats pro-Assad. Pour Jean-Pierre Filiu, la réalité de la révolution est plus modérée. « À Alep, il y a un million de personnes qui sont sous l’autorité révolutionnaire depuis un an. Ce n’est pas le chaos, ce n’est pas l’idéal mais c’est déjà l’après Assad« , assure-t-il. Un témoignage qui « ne vaut que pour la région d’Alep où j’ai pu me rendre compte de ce qu’était cette révolution au quotidien », a-t-il tenu à préciser.

Pas de péril islamiste

Jean-Pierre Filiu estime par ailleurs que l’écueil islamiste n’est pas aussi important que les opposants à la livraison d’armes aux rebelles le laissent entendre. « Il y a déjà l’exemple d’al-Qaïda au Mali. On n’a pas trouvé une seule arme du côté d’Aqmi, qui avait été livrée aux insurgés libyens« , a-t-il expliqué. « D’autre part, depuis 30 mois on n’a pas offert la moindre aide aux rebelles syriens et les djihadistes progressent. Ça signifie que si on ne fait rien, ces derniers progressent », a-t-il souligné.

Et d’ajouter : « La terreur de tous les instants que la dizaine de polices politiques faisaient peser sur la population est incomparable avec ce qui se passe aujourd’hui à Alep. Le pire cauchemar ce sont les missiles, les scuds. Ce n’est pas la charia (loi islamique, NDLR) ou les islamistes. »

source : http://www.rtl.fr/actualites/info/international/article/syrie-alep-le-cauchemar-ce-sont-les-missiles-pas-la-charia-assure-un-historien-7764978952

date : 01/10/2013