Syrie : au-delà du mur de peur, un État qui s’effondre au ralenti– par Ian Black

Article  •  Publié sur Souria Houria le 20 janvier 2012

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

Malgré le calme superficiel à Damas, chacun sait que le changement arrive. La seule question est quel en sera le prix ?

En sirotant un thé dans un café enfumé de Damas, Adnan et sa femme, Rima, paraissent assez ordinaires : un couple discret, trentenaire, se relaxant à la fin d’une journée de travail dans l’une des villes les plus tendues au monde.

Mais comme beaucoup d’autres dans la capitale syrienne, ils ne sont pas ce qu’ils semblent être au premier abord : en temps normal, il est ingénieur en informatique et elle est avocate ; à présent, ils sont des activistes clandestins qui aident à organiser le soulèvement contre le président Bachar al-Assad.

C’est un travail dangereux. Durant les 10 derniers mois, des milliers de Syriens ont été tués – peut-être le double du chiffre de 5000 donné par l’ONU – alors qu’Assad a poursuivi une répression impitoyable qui ne montre aucun signe de fin. Mais ses adversaires sont tout aussi déterminés à continuer.

Adnan et Rima ne sont pas en mesure de travailler ou de communiquer avec leur famille. Ils ont de fausses identités. Adnan change son apparence régulièrement. Il vient de se raser la barbe. Et cela fonctionne bien : un ami à une table voisine ne parvient pas à le reconnaître.

La plupart de leurs amis cherchent à échapper à la police secrète des Mukhabarat. «C’était effrayant autrefois mais nous nous y sommes habitués », a déclaré Adnan. « La révolution a détruit le mur de la peur. À l’école, on nous a d’abord enseigné à aimer le président – Hafez -. Et ça ne s’est pas arrangé quand Bachar pris le relais. Maintenant, tout a changé. La photo d’Assad est vandalisée partout et nous sommes certains qu’un jour nous renverserons le régime ».

A première vue, Damas est calme. Les lignes de front les plus sanglantes de la révolution sont peut- être à Homs, Hama, Idlib et Deraa, mais l’apparence de normalité dans la capitale est trompeuse. Intrigue, peur et colère sont juste sous la surface.

« Damas est cruciale pour la survie du régime d’Assad » a déclaré au Guardian une figure de l’opposition. « Ils ne permettront jamais qu’il y ait une place Tahrir ici. Si Damas tombe, tout est fini. » D’importantes manifestations organisées par les Tansiqiyat, les comités de coordination locaux, ont lieu presque tous les soirs dans nombre de banlieues, et toujours le vendredi. Même dans le centre, des manifestations «éclair » dans la journée durent quelques minutes et se dispersent avant qu’elles ne soient arrêtées par les forces de sécurité, les pires d’entre elles étant les brutes de Shabiha en pantalon de l’armée et vestes de cuir, qui rôdent aux carrefours et sur les places.

Les manifestants sont ingénieux : dans un cas, des chauffeurs bénévoles ont provoqué des embouteillages tout autour de l’ancienne gare ferroviaire de Hijaz pour créer un espace dans lequel une manifestation brève mais voyante a pu avoir lieu.

La créativité et le secret sont essentiels. Le premier jour du Ramadan, depuis des haut-parleurs dissimulés dans le quartier commerçant animé de la place Arnous, a retenti le chant exaltant «Irhal ya Bachar» (« Dégage, Bachar »), écrit par Ibrahim Qashoush, qui a été assassiné en juillet après l’avoir chanté à Hama. Ses assassins lui ont ouvert la gorge et arraché les cordes vocales.

« Au début, les gens étaient effrayés », a déclaré un habitant de Damas qui avait entendu la chanson. Mais quand elle a été diffusée pour la deuxième fois, ils se sont détendus. « A la troisième fois, ils riaient », a-t-il dit. Les haut-parleurs étaient placés sur un toît et la zone autour d’eux avait été enduite d’huile pour qu’il soit plus difficile de les réduire au silence.

Les tactiques sont efficaces, mais risquées : un activiste a accidentellement commencé à lire une cassette de la chanson dans un taxi mais le chauffeur s’est avéré être un agent Mukhabarat qui l’a dénoncé. Jawad, un informaticien impliqué dans un de ces groupes, a été détenu pendant deux mois et battu à maintes reprises pour essayer de lui faire révéler les noms de ses amis.

D’autres actes non-violents ont été incroyablement symboliques : au mois d’août, du colorant couleur rouge sang a été versé dans la fontaine située en dehors de la banque centrale, dans Saba’a Bahrat Square, le lieu de rassemblements pro-Assad tapageurs. Des bougies enrubanées de noir ont été distribuées pour commémorer Ghayath Matar, célèbre pour avoir distribué des roses aux soldats, et qui a été torturé et tué en septembre dernier.

« Les gens prennent des risques ici », a déclaré Salma, une travailleuse des droits de l’homme. « Mais à Idlib et Homs, c’est une question de vie ou de mort, ça n’est pas vrai pour Damas ».

Pourtant, certains ont du mal à croire croire à ce qu’ils osent faire. « Regardez-nous », rit Bassam, un fabricant vingtenaire. « Utilisant de faux noms et faisant des détours pour éviter les barrages de police. La première fois que j’ai assisté à une manifestation, c’était effrayant. Maintenant, c’est grisant ».

Cela dit personne ne pense que la révolution connaîtra une fin heureuse dans un avenir proche. Le discours d’Assad la semaine dernière a été perçu comme une déclaration de guerre, conçue pour rassembler ses partisans. Dans la diffusion en direct sur la télévision d’Etat, la foule semblait énorme ; en fait, une photo non-officielle ayant fuité suggère qu’il n’y avait probablement pas plus de quelques milliers de personnes sur la place des Omeyyades.

Damas est encerclée par la 4ème division de l’armée, commandée par Maher, le frère du président. Les édifices gouvernementaux sont protégés par des barrières anti-explosion. Les routes à proximité du palais présidentiel et du ministère de la défense sont fermées. Au QG de sécurité de l’État, à Kafr Sousseh, des gardes armés de mitrailleuses surveillent les alentours depuis des emplacements protégés par des sacs de sable.

C’est là, deux jours avant un triste Noël, qu’un double attentat-suicide a tué 44 personnes et que ( 20 minutes après les explosions ) Al-Qaïda a été désignée comme responsable – un rappel de la version officielle incessante selon laquelle la Syrie ne fait face qu’à « des gangs de terroristes armés », et pas à des manifestations populaires massives qui sont devenues un événement emblématique du Printemps Arabe.

Le 6 Janvier, des terroristes ont frappé à nouveau. Dans la ville voisine d’Al-Midan, bastion de l’opposition, a eu lieu ce qui semblait être, tout du moins au premier abord, un autre attentat-suicide, qui aurait tué 26 personnes. Mais les principaux détails restent confus.

Les habitants ont parlé de la zone comme ayant été mystérieusement bouclée par la police la nuit précédente. Beaucoup ont remarqué la réactivité remarquablement rapide des médias syriens et des services d’urgence. Et une foule de manifestants rapidement assemblés, qui n’étaient pas du quartier, scandaient des slogans pro-Assad pour les journalistes transportés en autobus par le ministère de l’information. Les soupçons selon lesquels l’événement était mis en scène d’une manière ou d’une autre semblent raisonnables, plutôt que le résultat d’une théorie du complot.

Abu Muhammad, un chauffeur de taxi sunnite bavard, n’a eu aucun doute à ce sujet. « C’était du pur théâtre, complètement fabriqué », a-t-il déclaré. « L’idée est d’effrayer les gens à Damas ». Nader, un commerçant, a été encore plus direct : « Le gouvernement sait que les Syriens ne le croient pas. Mais ils comptent sur des gens trop effrayés pour briser le silence ».

Hassan Abdel-Azim, chef du Comité de coordination nationale de l’opposition, qui est souvent critiqué pour sa proximité avec le régime, a déclaré lui aussi avoir « de sérieux doutes » sur la version officielle.

Le 11 Janvier, l’assassinat du correspondant de la télévision française Gilles Jacquier par des tirs de mortier, lors d’un voyage à Homs encadré par le gouvernement, a laissé davantage de questions  troublantes en suspens. Était-ce un message d’avertissement adressé aux médias internationaux ? Ce qui est extraordinaire au sujet de tous ces incidents c’est le fait que tant de Syriens supposent que le régime pourrait agir avec une telle duplicité meurtrière.

« Personne ne se fait d’illusion », a déclaré une autre personnalité anti-Assad. « Les gens pensent que [le régime] est capable de tout. Il n’y a pas de ligne rouge ».

Les partisans du président voient les choses très différemment. La version du régime d’un grand complot, dans lequel les Etats-Unis, l’Ouest, Israël et les «agents» réactionnaires arabes, dirigés par le Qatar, intriguent contre la Syrie, est déversée quotidiennement par les médias d’Etat. Son représentant le plus agressif est Addounia TV, une chaîne satellite détenue par le riche beau-frère de Maher al-Assad. Par dessus tout Addounia déteste l’opérateur Al-Jazira, propriété qatarienne, un meneur pour les révolutions arabes, qu’elle a accusé d’organiser de fausses manifestations en studio dans des maquettes de villes syriennes. Dans son discours, le Président a fait référence à 60 chaînes de télévision comme faisant partie de ce vaste « complot ».

Les gros mensonges semblent fonctionner. « L’émir du Qatar est un Juif, pire que les Juifs » a enragé un chauffeur de taxi alaouite. « Il n’y a pas de manifestations en Syrie, ou seulement avec des gens qui ont été payés, et des bandes de terroristes.» Pas étonnant que tant de Syriens réprimandent les quelques journalistes étrangers qui sont admis dans le pays et les incitent à «dire la vérité telle qu’elle est réellement ».

Les fidèles du régime qui parlent aux médias internationaux affirment soutenir les réformes politiques et le dialogue avec l’opposition pacifique : ce sont des gens comme le conseiller d’Assad, Buthaina Shaaban, et Jihad Makdissi, directeur de l’information du ministère des Affaires étrangères, qui prennent part à des débats sur Twitter avec des partisans du soulèvement. Renverser le président, prévient Makdissi, «ouvrira une boîte de Pandore ».

Mais les puissants chefs de la sécurité de Syrie, qui ne sont pas disponibles pour des briefings ou des interviews, soulignent le grave danger posé par les extrémistes salafistes ou al-Qaïda – ces mêmes « combattants étrangers » que les Mukhabarat aidaient à passer en Irak pour combattre les Américains. Des photographies révulsantes montrant des corps décapités ou des cadavres aux yeux arrachés sont produites comme preuve de la sauvagerie de ces terroristes. Les partisans de l’opposition ne prétendent pas que de telles horreurs sont truquées, mais ils insistent sur le fait que le régime porte une responsabilité écrasante dans la violence actuelle.

« Pour les gens de la sécurité syrienne, la solution actuelle est désormais de tuer jusqu’à ce que tout soit terminé et d’attendre qu’il y ait un changement dans la position de l’Ouest », a déclaré un homme d’affaires bien introduit, mais désespéré.

Les partisans d’Assad accusent également l’opposition de naïveté et d’oublier le début des années 1980, quand une vague d’assassinats et d’attentats à la bombe perpétrés par les Frères musulmans a culminé lors du soulèvement de Hama, dans lequel les forces gouvernementales ont tué au moins 20.000 personnes. Mais c’était il y a 30 ans: une telle « solution de sécurité » draconienne serait difficile à réitérer à l’ère de YouTube – et peu susceptible de mettre fin au soulèvement.

Le sectarisme dresse aussi son visage empli de laideur, avec l’opposition accusant le régime de fomenter des tensions entre les Alaouites, qui dominent les forces de sécurité, et la majorité sunnite.

Dans le climat actuel, c’est facile à faire. Mudar, un jeune alaouite ayant des liens étroits avec l’establishment, raconte l’histoire du cousin d’un soldat qui a été tué et mutilé, puis clique sur le clip vidéo de haute qualité d’un homme à la barbe brousailleuse sciant la tête de sa victime hurlante.

Dans une zone près de la mosquée des Omeyyades, une femme alaouite en visite chez un ami sunnite a déclaré qu’elle n’osait pas prendre de taxi pour rentrer parce qu’un chauffeur sunnite pourrait la kidnapper et la vendre pour qu’elle soit tuée.

Des grondements d’inquiétude sont audibles. Au printemps dernier, un groupe d’Alaouites influents  a exhorté Assad à s’excuser pour la répression et à poursuivre de réformes véritables plutôt que de façade. « Les Alaouites sentent que leur sort est lié à celui d’Assad », a averti un leader vétéran de l’opposition, « et c’est très dangereux ».

La pression est clairement en augmentation. Des hommes d’affaires alaouites auraient soudoyé les mukhabarat afin d’éviter la libération de leurs employés pour qu’ils assistent à des rassemblements pro-régime. Fadwa Suleiman, une actrice alaouite, a gagné une immense admiration quand elle est sortie en soutien à l’insurrection, mais elle a été ostracisée et dénoncée à la télévision par son frère.

Les Chrétiens, traditionnellement loyalistes, sont inquiets, aussi, en particulier sur l’aspect salafiste du soulèvement, et les églises manifestent fortement leur soutien public à Assad. Pour certains, cependant, cela est apparu comme une bénédiction très mitigiée lorsque Daoud Rajha, un chrétien grec orthodoxe, a été nommé chef d’état-major de l’armée, peut-être dans une tentative de garantir le soutien de la communauté.

Un autre signe de crise profonde de la Syrie est que l’Etat ne fonctionne plus correctement. Il est en train de «s’effondrer au ralenti», selon les mots d’un expert. Les chefs de la sécurité sont préoccupés à propos de pots de vin exigés pour libérer les détenus. La moitié des armes acquises par les rebelles auraient été vendues par le personnel de l’armée tandis que les agents des douanes regardent de l’autre côté lorsque des livraisons arrivent du Liban. Des rumeurs persistent sur différentes branches de la police secrète se tirant dessus lors d’opérations clandestines. Et on dit que des responsables auraient détruit des documents ayant enregistré des paiements occultes autorisés par un appel téléphonique en provenance du palais du président.

La situation économique critique de la Syrie s’est également aggravée au cours des dernières semaines.

Les coupures de courant pendant plusieurs heures par jour sont maintenant courantes. Les boutiques   situées dans les plus rues les plus chères de Damas dépendent de générateurs sur les trottoirs. L’essence est une denrée rare, en partie en raison de son utilisation massive par les forces de sécurité, et les prix du chauffage et de l’huile ont fortement augmenté.

Cette blague illustre l’impact : Abou Fulan – homme de la rue – achète un poulet pour le dîner. Il demande à sa femme de faire rôtir, mais elle dit: « Désolé, il n’y a pas de gaz ». Maaleish (pas grave), répond-il : Plumons-le et mettons-le  dans le micro-ondes. « Désolée ,» répond sa femme « Il n’y a pas d’électricité non plus ». À moment-là, le poulet revient miraculeusement à la vie et crie : Allah, Syrie, Bachar, wa bas! (« Et c’est tout ce dont vous avez besoin! »)

La chute est emprunté à la Libye, où l’axe de propagande était que la seule chose dont les gens avaient besoin en dehors de Dieu et du pays était Mouammar Kadhafi – jusqu’à son renversement et son assassinat. Cela peut difficilement être un bon présage pour Assad.

Le président a été ridiculisé pour avoir loué la qualité de l’huile d’olive du pays et du blé – une allusion à l’autonomie. Pourtant, même si les gens ordinaires bougonnent et font avec, les perspectives macroéconomiques sont sombres. Les investissements étrangers et le tourisme se sont effondrés. Les hôtels sont vides. Les sanctions américaines bloquent la plupart des transactions financières internationales. L’UE a arrêté ses achats de pétrole. Les cartes de crédit ne peuvent plus être utilisées. Et la valeur de la livre syrienne a chuté brusquement.

Le régime comprend les dangers, mais sa marge de manœuvre diminue: quand il a interdit les importations de luxe, en novembre, les hommes d’affaires sunnites ont protesté. La mesure a été annulée quelques jours plus tard.

Il n’est guère surprenant, dès lors, que tout cela fasse des ravages: les médecins signalent une augmentation des crises cardiaques, d’hypertensions artérielles et d’autres symptômes liés au stress. Les pharmaciens font un commerce florissant d’anti-dépresseurs. Il y a deux ans le gouvernement a introduit une interdiction de fumer, mais les bureaux gouvernementaux, les cafés et les restaurants sont toujours enveloppés de nuages ​​de fumée. Les gens boivent davantage également. « Les médecins vous disent d’aller voir n’importe quel film égyptien stupide – tout sauf les informations », plaisante un ami.

Beaucoup ont maintenant une expérience de première main de l’appareil de répression de l’État, et décrivent en détails les cellules souterraines, les coups et la torture. Il est de notoriété publique que les conseillers de la sécurité iranienne sont à portée de main grâce à leur expertise sinistre de la surveillance des communications et du maintien de l’ordre anti-émeutes. Damas se sent, et apparaît, comme Téhéran en 2009 lors de manifestations contre le trucage des élections présidentielles.

« Les gens qui sont arrêtés aujourd’hui n’ont pas de pages Facebook », a déclaré l’économiste Raja Abdel-Karim avec ironie. «Ils ne se soucient pas des acteurs, des journalistes et des écrivains. L’effet d’une séquence de manifestations et de meurtres est bien supérieur à n’importe quelle déclaration qu’une personne comme moi peut fournir. »

Abou Ahmad, un homme d’âge moyen qui a été limogé de son poste au gouvernement, pleurait tandis qu’il se décrivait allant à un enterrement à Midan, scène du dernier attentat-suicide douteux, avec sa femme et ses enfants, lorsque les Shabiha ont commencé à tirer.

Les médias d’Etat rendent compte uniquement des martyrs parmi le personnel de sécurité ou les partisans du régime. Les corps sont rendus aux familles, portant des signes évidents de torture.

« Peut-être la pire violation des droits de l’Homme commise par le régime contre le peuple syrien est-elle le manque de temps pour pleurer chaque martyr, le manque de temps pour faire son deuil », a tweeté le blogueur Razan Ghazzawi. Des éléments de l’opposition anti-Assad sont mal à l’aise avec la «militarisation» de ce qui a commencé comme un soulèvement pacifique inspirée par les révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye.

On s’attend à ce que la violence s’intensifie à mesure que l’armée syrienne libre, composée en grande partie de déserteurs, continue de croître. « Si vous tirez sur des gens pendant des mois, vous ne devriez pas être surpris quand ils commencent à tirer à leur tour », a observé un diplomate occidental.

Globalement, les divisions de la Syrie semble s’aggraver. « Pendant les 10 derniers mois, des millions de personnes ont occupé le terrain de l’entente », a déclaré Badr, un conférencier. « Mais Assad ne nous laisse pas le choix ». Une autre blague résume bien la situation : on a dit aux citoyens qu’ils ne doivent plus porter de vêtements gris – seuls le noir ou le blanc sont autorisés.

Personne ne peut prédire avec précision combien de temps l’insurrection va se poursuivre. Du côté de l’opposition, l’optimisme de la volonté est tempéré par la conscience qu’à court terme, l’équilibre des forces je joue pas en leur faveur et est peu susceptible de changer rapidement – à moins d’une intervention militaire étrangère dans le style libyen, que peu veulent ou attendent. « Notre avenir est entre nos mains, » a tweeté un partisan de la révolution, «ou nous n’aurons pas de demain. »

Louay Hussein, un intellectuel et écrivain alaouite indépendant, a déclaré que seule une solution politique pourrait faire tomber le régime. « La crise est dans l’impasse », a-t-il soutenu. «Tous les signes montrent que nous nous dirigeons vers une guerre civile ouverte. Assad a encore beaucoup de soutien. Ce n’est pas seulement une question de répression ».

L’économiste Abdel-Karim retient une vision à long terme. « Je n’ai aucun doute sur le renversement du régime. Le problème est que plus cela prendra de temps, plus les islamistes deviendront puissants. Ceux qui prônent la violence vont gagner du terrain. C’est une question de temps et de prix : le temps raccourcit mais le prix est en train de monter ».

Mouna Ghanem, du Syrian State-Building Movement, l’une des très rares organisations non gouvernementales indépendantes, est entièrement d’accord avec cette analyse sombre. « Nous sommes heureux qu’il y ait du changement », dit-elle. «Nous pensions que le changement n’arriverait jamais en Syrie. Mais nous avons peur de ce que cela coûtera ».

 

Source: http://www.guardian.co.uk/world/2012/jan/16/syria-collapse-damascus-change