Syrie: le choc des témoignages, le poids du soutien aux journalistes otages – par Michel Puech
« C’est une crise sans précédent » pour Human Rights Watch. Une trentaine de journalistes, sans compter les journalistes syriens, sont otages en Syrie comme de nombreux humanitaires dont cinq de Médecins sans frontières.
«Toutes les nuits j’ai fait le rêve que j’étais libéré. Je n’arrive pas à croire que je suis libre désormais.» a déclaré à l’AFP Bünyamin Aygün, le journaliste turc libéré dimanche après avoir été détenu quarante jours en Syrie.
« Les quatre journalistes sont entre les mains de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) », a déclaré Peter Bouckaert, directeur des urgences de Human Rights Watch dans une interview diffusée le lundi 6 janvier 2014 à la Maison de Radio France à Paris où s’est déroulée une soirée de soutien aux journalistes français Didier François, Edouard Elias, Pierre Torres et Nicolas Hénin, en présence de plusieurs ex-otages.
Il y avait foule devant la porte du studio de France Culture. « Nous avons vu trop juste pour la salle » devait avouerFlorence Aubenas, animatrice de la soirée au nom du comité de soutien. De fait, de nombreux journalistes et lecteurs de presse n’ont pu assister à la soirée qui était heureusement retransmise sur le web par France Culture,Mediapart, Rue89 et WGR, la radio des grands reporters.
De cette soirée particulièrement émouvante pour tous, et éprouvante pour les nombreux membres des familles des journalistes détenus, on retiendra tout particulièrement les témoignages des journalistes récemment libérés.
« Les seules gardiens qui s’occupaient de moi, les premiers mois ne parlaient même pas l’arabe. Il communiquait en français. C’était des français, des belges et l’un d’eux était sûrement néerlandais » !
Si les témoignages du photographe franco-américain Jonathan Alpeyrie de l’agence Polaris et de Domenico Quirico, journaliste à La Stampa – il a passé cinq mois en captivité-, étaient connus (voir Mediapart et Paris Match pour l’un et Le Monde pour l’autre, celui du photographe polonais Marcin Suder était inédit et choc.
« Je pense qu’une certaine forme de business des enlèvements s’est mis en place en Syrie » ont constaté tous les anciens otages « mais je crois que ce ne sont pas des syriens qui en tirent profit, mais des étrangers » devait préciser Martin Suder qui a ajouté « Les seuls gardiens qui s’occupaient de moi les premiers mois ne parlaient même pas l’arabe. Ils communiquaient en français. C’était des français, des belges et l’un d’eux était sûrement néerlandais » !
Martin Suder, comme Domenico Quirico devaient relativiser leur détention. « Nous courons des risques bien plus grands quand nous sommes au front » devaient-ils déclarer chacun de leur côté, ajoutant dans un parallélisme saisissant que les vrais otages « ce sont les familles des journalistes ». « Tout à coup j’ai été emprisonné » raconte Martin Suder « et pour la première fois, j’ai pu vivre ce que ma famille vit quand je ne suis pas là. »
Retourner en Syrie ? « Demain matin ! »
Le témoignage de , qui a déjà été enlevé quatre fois au cours de sa carrière, a résonné particulièrement aux oreilles des journalistes. Une vraie leçon de journalisme : « Mon travail de journaliste c’est d’être sur le terrain, de vivre avec les gens qui souffrent. Ce n’est pas d’écrire sur la Syrie. Soit je suis sur le terrain et j’écris, soit je n’y suis pas et alors je ne fais pas de journalisme. Notre devoir s’est d’y être. » Interrogé sur le fait de savoir s’il retournerait en Syrie, le reporter italien a lâché un laconique « Demain matin ! »
En réalité, ni sa rédaction ni celle des autres otages, ne vont envoyer qui que ce soit en Syrie. Sauf si, comme l’a souligné avec optimisme Hala Kodmani, journaliste freelance franco-syrienne(Libération, l’Express) la bataille de Raqqa (Nord Syrie) met en déroute l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, dans la mouvance d’Al-Qaïda).« Avant l’émission, au vu des dernières nouvelles nous étions tous en train de nous dire : on va pouvoir repartir » lâche Hala Kodmani en regardant Garance Le Caisne, journaliste freelance (Le JDD, Le Nouvel Obs), Valérie Crova, journaliste à Radio France et Domenico Quirico, journaliste à La Stampa.
Et il est exact qu’il y a actuellement des projets de reportage sur les bureaux d’une ou deux rédactions en chef. « On astique nos objectifs » confiait, à ses confrères, Patrick Baz directeur de la photo à l’AFP pour le Proche-Orient, en liaison depuis Nicosie (Chypre) avec la salle à Radio France.Et il est exact qu’il y a actuellement des projets de reportage sur les bureaux d’une ou deux rédactions en chef. « On astique nos objectifs » confiait, à ses confrères, Patrick Baz directeur de la photo à l’AFP pour le Proche-Orient, en liaison depuis Nicosie (Chypre) avec la salle à Radio France. (Correctif 7/01/14 17h30: ..qui dément le propos rapporté et a dit pour l’instant la syrie c’est la roulette Alepine c’est a dire 5 balles dans le barilet et qu’il ne fallait y aller.)
«Je dis aux journalistes de ne pas aller dans le nord de la Syrie. Si vous êtes pris par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) votre avenir est très incertain», a lancé dans un message vidéo enregistré Peter Bouckaert, directeur de Human Rights Watch.
Certes, mais comme l’a dit avec force, presqu’avec violence, Domenico Quirico de La Stampa : « le vrai drame, la vraie tragédie, ce sont les syriens qui la vivent maintenant, en ce moment… »
Michel Puech
Lire le blog de Sophie Dufau sur la soirée
date : 07/01/2014