Syrie. Le combat des réfugiés – par Édith Bouvier
Selon l’Onu, plus de 4.000personnes ont déjà été tuées par le régime de Bachar el-Assad en Syrie. Fuyant la répression, des dizaines de milliers d’habitants se sont réfugiés en Turquie, d’où ils continuent leur lutte.
De notre envoyée spéciale à la frontière turque.
Namir a tout juste 22 ans, mais en paraît presque 30. De profonds cernes marquent son visage, ses mains sont crispées. «La guerre et tout ce que j’ai vu. Ça m’a vieilli. J’ai dû mûrir avant l’heure, apprendre à me battre». En juin dernier, recherché par le régime de Bachar el-Assad, le jeune homme a fui son village d’Idlib, au nord de la Syrie. Trois de ses amis sont morts sous ses yeux lors d’une manifestation. Il ne lui reste que son grand frère, emprisonné depuis plusieurs mois.
«Chaque jour ou presque, on nous envoie quelqu’un»
Mais cet exil ne l’empêche pas d’agir. Bien au contraire. De loin, le combat a repris, plus fort encore. «J’aimerais rentrer, agir avec les miens, mais c’est devenu trop dangereux. Pour moi, mais surtout pour mon frère. Je suis connu comme activiste là-bas. Je pourrai le mettre en danger». Quand il n’est pas devant son ordinateur à télécharger des vidéos sur les violences dans son pays, Namir parcourt la région. Toutes les cinq minutes, son téléphone sonne pour lui donner des nouvelles de Syrie, le nombre de morts dans les manifestations et les blessés qui arrivent. «Chaque jour ou presque, on nous envoie quelqu’un. Il faut franchir les barrages et le trouver pour l’emmener dans un hôpital privé. Sinon, s’il est soigné par les autorités turques, on n’est pas certain du résultat». Le portable retentit, un soldat de l’armée d’opposition a été blessé; il faut aller le récupérer à la frontière. À côté de Namir, Abderahman s’emporte. Lui aussi a traversé les mêmes routes, clandestinement, quelques jours plus tôt. Étudiant en économie en Syrie, il vient d’arriver en Turquie après avoir été blessé par l’armée syrienne lors d’une manifestation et a encore une jambe dans le plâtre. «Vous voyez le chemin en bas de la colline, c’est par là que je suis passé. J’avais froid, j’avais peur. C’était très dur.»
Des blessés, des vivres et des médicaments
Côté turc, la frontière serpente sur environ 800kilomètres vers l’est dans un décor de collines en grande partie minées. À quelques centaines de mètres de là, de l’autre côté d’une vallée, un drapeau syrien flotte sur des bâtisses de béton et des soldats surveillent les mouvements du haut des toits. Quand ils ne vont pas chercher des blessés, les deux garçons s’occupent d’envoyer de la nourriture et des médicaments en Syrie. «On a des stocks à la maison. Chaque semaine, on en distribue un peu aux militaires de l’armée syrienne libre qui font le trajet», explique Namir. C’est dans cette province turque d’Hatay que pourraient être mis en place les corridors humanitaires proposés par la France pour protéger les civils. En attendant que les politiques s’entendent pour mettre en place cette aide, Namir, Abderahman et d’autres agissent. Chaque jour, ils continuent de menacer le régime. À leur manière.