Il y a deux ans jour pour jour, le 29 juillet 2013, le prêtre italien Paolo Dall’Oglio allait à la rencontre des cadres de l’Etat islamique (EI), qui occupait déjà une partie de Rakka, dans le nord-est de la Syrie, pour obtenir la libération de plusieurs otages détenus par le groupe djihadiste – des activistes locaux syriens mais aussi des journalistes occidentaux dont les quatre Français libérés en avril 2014. Le père jésuite, qui parle couramment arabe, n’est jamais réapparu depuis. Des rumeurs l’ont donné pour mort à plusieurs reprises, mais jamais aucune preuve n’en a été apportée. Aucune preuve de vie non plus n’a été transmise aux autorités italiennes ou au Vatican. Du moins, personne ne les a rendues publiques si elles existent. Jamais, l’Etat islamique non plus n’a communiqué sur son sort. Un silence d’autant plus troublant que le père Paolo Dall’Oglio est extrêmement célèbre en Syrie.
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Agé de 60 ans, Paolo Dall’Oglio est une figure atypique de l’Eglise catholique. Installé depuis les années 1980 en Syrie, il a restauré et rouvert le monastère de Mar Moussa, datant du XIe siècle. Il a fondé une petite communauté (Al-Khalil) dans ce lieu retiré et désertique situé à quelques dizaines de kilomètres au nord de Damas, la capitale du pays. Très engagé dans le dialogue islamo-chrétien, le père Paolo Dall’Oglio prend rapidement position en faveur de réformes et de la démocratie peu après l’éclatement de la révolution syrienne en mars 2011. Il dénonce notamment la répression aveugle et sanglante du régime de Bachar Al-Assad. Le 27 juillet de la même année, il avait publié un texte intitulé « La démocratie consensuelle pour l’unité nationale », qui lui avait valu les foudres du pouvoir syrien, qui le déclarait persona non grata, mais aussi celles, plus feutrées, de sa hiérarchie. En juin 2012, il quittait finalement la Syrie après la publication d’une lettre ouverte à l’envoyé spécial des Nations unies, Kofi Annan.
Dialogue avec les islamistes radicaux
Le prêtre italien avait continué, depuis le Kurdistan d’Irak, où il avait trouvé refuge, de s’investir dans le sort de la révolution syrienne, menant des médiations entre factions rebelles rivales et cherchant à engager le dialogue avec les islamistes radicaux, dont le Front Al-Nosra. Jusqu’au 29 juillet 2013, où le père jésuite disparaissait, très probablement enlevé par ce qui était encore l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Depuis, le groupe a renforcé sa mainmise sur Rakka, dont il a fait sa « capitale » en Syrie et étendu sa zone d’influence à tout l’est syrien, ainsi que l’ouest de l’Irak.
Seule lueur d’espoir pour les proches du prêtre : le pape François a lancé, dimanche 26 juillet, « un appel affecté et pressant pour la libération de ce religieux estimé ». C’est la première fois que le pape s’exprime ainsi en public sur le sort de Paolo Dall’Oglio, lui aussi issu de la Compagnie de Jésus. Cela signifie-t-il que le souverain pontife a la preuve que le prêtre est bien vivant et en captivité ? La famille du père Paolo ainsi que ses amis, qui ont diffusé une chanson à l’occasion de ce deuxième anniversaire, veulent y voir un motif d’espoir. Si le caractère très charismatique de Paolo Dall’Oglio suscite l’attachement indéfectible de ceux qui l’ont côtoyé, ses prises de position politiques et son militantisme en faveur d’un dialogue ouvert avec les musulmans – voire les islamistes – lui ont valu méfiance et agacement dans la haute hiérarchie catholique.