Syrie, le Rwanda d’Obama
Traduit de l’anglais par Jamila Waadala
Qusai Zakarya, 27 ans, s’est réveillé vers 04h30 le 21 Août 2013. Il déroula son tapis de prière à l’intérieur de l’ appartement familial à deux chambres dans la petite ville de Moadamiya en Syrie, et a commencé ses prières du matin .
Des sirènes d’alarmes provenant de la proximité de Damas ont interrompu son rituel quotidien. Après deux années de révolution, Qusai avait pris l’habitude des bombardements constant à proximité, mais quelque chose de différent se passait ce matin-là en plein été. Les alarmes étaient du genre qu’on « entend habituellement dans les films sur la Seconde Guerre mondiale, quand il ya un grand raid aérien, » me dit-il.
« En quelques secondes, j’ai commencé à entendre des fusées tombées sur le sol » a raconté Qusai. Ils ont frappé la ville tenue par les rebelles à une distance d’environ 500 mètres.
«Avant de me rendre compte de ce qui se passait, je n’arrivais plus à respirer. Ma poitrine était brûlante. Mes yeux aussi brûlaient terriblement et je n’étais même pas capable de crier pour alerter mes amis » a-t-il dit . « Alors j’ai commencé à me frapper la poitrine à plusieurs reprises jusqu’à ce que j’ai réussi à respirer de nouveau. »
Pendant que Qusai se remettait à l’intérieur de sa maison, il entendit des gens crier dans les rues. Un voisin frappait à sa porte et demandait de l’aide. Ses deux enfants étouffaient et vomissaient » une “substance blanche, très bizarre » a expliqué Qusai. Ils se sont précipités dans la rue pour demander de l’aide et ont trouvé une scène « terrifiante.” Hommes, femmes, enfants, et personnes âgées « couraient dans toutes directions et tombaient par terre, étouffés, sans voir une seule goutte de sang, et sans savoir ce qui se passait réellement, » m’a dit Qusai m’a dit.
Qusai a repéré un garçon de 13 ans tout seul, suffocant et vomissant. Qusai courut vers lui et lui a appliqué la RCR. « Il avait de très grands yeux bleus et regardait ailleurs, comme dans un autre monde. Il ne pouvait plus respirer, et il me semblait bien innocent pour mourir de cette façon ou de n’importe quelle autre,” a déclaré Qusai .
Un ami dans l’Armée syrienne libre (FSA) a amené sa voiture pour transporter les blessés à l’hôpital de fortune – un centre local mal équipé, qui n’avait que huit médecins pour près de 14.000 habitants. Ils ont réussi à mettre dans la voiture six enfants et trois femmes. Qusai et le garçon de 13 ans, les yeux écarquillés, assis dans le coffre ensemble en route pour l’hôpital .
Des centaines de personnes, toutes exposées au gaz Sarin, étaient déjà arrivées pour chercher de l’aide. Plus de 550 personnes ont été exposées dans Moadamiya ce jour-là, selon Qusai. Au moment où Qusai sortait du véhicule, il se sentait comme il était en train de disparaître. Il est tombé au sol et a perdu connaissance. Puis son coeur s’est arrêté .
Qusai a appris plus tard que ses amis avaient amené son corps inerte à l’intérieur de l’hôpital. Les médecins lui ont appliqué la RCR mais n’ont pas pu le ramener à la vie. Ils ont mis son corps dans un tas d’autres Syriens tués dans l’attaque.
Cela aurait pu être la fin de Qusai . Heureusement, 45 minutes plus tard un ami a vu son corps. En larmes, l’ami est venu et a commencé à secouer le corps immobile de Qusai, qui a ensuite fait de légers mouvements. Ainsi les médecins ont travaillé à ressusciter Qusai en lui donnant des doses supplémentaires d’atropine. Ils ont lavé son corps avec de l’eau froide à plusieurs reprises, essayant d’enlever les restes des produits chimiques. Une demi-heure plus tard, Qusai s’est réveillé.
«Je me trouvais dans la rue près de l’hôpital de fortune ne portant rien que mes sous-vêtements. J’étais presque gelé parce que mon corps était couvert d’eau. J’ai essayé de comprendre ce qui se passait, parce que tout semblait aller au ralenti devant moi,” a déclaré Qusai.
Les militaires du président syrien Bachar Al Assad profitaient de la panique. Ils ont attaqué la ville sur le terrain avec les forces spéciales, tous portant des vêtements conçus pour les protéger contre la toxicité des produits chimiques. Les unités d’artillerie ont tiré sur la ville. Les forces de l’air du régime ont largué des bombes sur la ville. «La terre tremblait, littéralement, sous mes pieds quand je me suis réveillé,” a déclaré Qusai. « Ils ont déployé une immense quantité de puissance, incroyablement lourde. »
L’attaque chimique faisait partie d’un effort concerté pour reprendre la ville de la FSA. Située à moins de 15 km. du centre-ville de Damas,Moadamiya, tenue par les rebelles, est une porte d’entrée stratégique au sud-ouest de la capitale. Elle est également située à proximité d’importants centres moyens militaires – la caserne de la Garde présidentielle, l’aéroport militaire Al Mazzeh , le siège de la Direction des Renseignements de la force aérienne, et la base principale de la quatrième division blindée, dirigée par le frère d’Assad, Maher .
Malgré tous leurs efforts , le régime n’a pas réussi à reprendre la ville du contrôle des rebelles ce jour-là. Quatre-vingt- cinq personnes dans Moadamiya sont morts après avoir été exposé au gaz Sarin. 50 autres personnes ont été tuées par le bombardement d’artillerie qui a suivi, et par l’offensive terrestre, selon Qusai. “Il n’y a pas de mots pour décrire l’horreur de ce jour,” Qusai a déclaré.
Les bombes du régime remplies du gaz toxique Sarin ont blessé des milliers et ont tué environ 1.400 Syriens dans les environs de Damas ce jour-là. Les images graphiques des tas d’enfants syriens tués par les armes chimiques ont été tout de suite à la une des infos. Ce n’était pas la première attaque aux armes chimiques, mais les images visuelles et les nombres massifs de victimes ont déclenché des appels internationaux pour des représailles.
A Washington, le président Barack Obama a menacé la Syrie d’une frappe militaire. Quelques mois auparavant, la Maison Blanche a conclu que le régime d’Assad avait utilisé des armes chimiques qui avaient résulté entre 100 et 150 morts dans plusieurs attaques précédentes .
« Le président a été clair, que l’utilisation d’armes chimiques ou le transfert d’armes chimiques à des groupes terroristes, est une ligne rouge pour les Etats-Unis, puisqu’il y a longtemps que la norme a été établie, dans la communauté internationale, contre l’utilisation d’armes chimiques, » la Maison Blanche a annoncé le 13 Juin 2013. Les Syriens ont célébré, en pensant que même avec les horreurs des attaques chimiques, l’Occident était enfin prêt à descendre Assad.
J’étais en Turquie quand les armes chimiques sont tombées sur Moadamiya. Via Skype, j’ai parlé à des Syriens de Damas qui avaient survécu à l’attaque chimique. Le jour suivant, je marchais à pied la courte distance jusqu’à la frontière de la Syrie et là, j’ai rencontré des réfugiés fuyant le pays. Ils craignaient de nouvelles attaques d’armes chimiques et ont demandé une intervention américaine.
Pendant ce temps, les inspecteurs du désarmement des Nations Unies sont venus à Moadamiya pour examiner les patients et recueillir des preuves de l’attaque. Qusai les a accompagnés à l’hôpital, a traduit et a expliqué ce qui s’était passé. Les soldats d’Assad ont tiré sur les véhicules de l’ONU et ont bombardé la ville, mais les inspecteurs ont pu quand même examiner les survivants, prendre des échantillons de sang et de tissu, et analyser ce qui restaient des roquettes.
La preuve était claire . Mais les sondages ont montré que 75 pour cent des Américains sont opposés à une attaque militaire contre la Syrie. Obama a changé de cap. « Je suis prêt à agir face à ce scandale,” a-t-il annoncé le 31 Août 2013, seulement dix jours après l’attaque. L’acte d’Obama était de rapporter la décision au Congrès.
version orginale : Syria is Obama’s Rwanda – By Zack Baddorf