Syrie : l’internationalisation du conflit est-elle inévitable ? – Par Armin Arefi
Manifestants syriens et organes de l’opposition appellent la communauté internationale à agir pour régler le cas syrien.
« Nous demandons l’internationalisation du conflit. » Le message est on ne peut plus clair. En intitulant ainsi leur 43e vendredi de manifestations depuis le 15 mars 2011, les militants pro-démocratie syriens réclament sur Facebook une intervention de la communauté internationale pour les arracher à une répression qui n’en finit plus depuis dix mois. Par là même, ils affirment l’échec de la mission de la Ligue arabe, dont les 70 observateurs voyagent toujours à travers la Syrie, malgré la mort d’au moins 390 personnes depuis leur arrivée dans le pays le 26 décembre dernier. Le 28 décembre, le chef de la mission arabe, Mustapha Dabi, ex-général soudanais au Darfour, avait marqué les esprits en jugeant « rassurante » la situation à Homs.
« Longtemps, les manifestants se sont opposés à une intervention étrangère », indique Ignace Leverrier, ancien diplomate spécialiste de la Syrie. « Mais livrés à eux-mêmes, face à l’inefficacité de la Ligue arabe, quand ils voient que la violence est la seule réponse apportée par le régime, ils n’ont d’autre choix que de réclamer à la communauté internationale d’agir. »
Incapacité arabe
Mais il n’y a pas que dans les rues syriennes ou sur Internet que les opposants syriens se font entendre. Depuis la Turquie, le chef militaire de l’armée dissidente (Armée syrienne libre) a qualifié, jeudi, d' »échec » la mission des observateurs arabes en Syrie en raison de la poursuite de la répression par le régime. Le général Riad Assaad, qui dit avoir sous son contrôle quelque 40 000 soldats ayant fait défection, a en outre appelé la Ligue arabe à se désister du dossier, au profit de l’ONU. « Nous et le peuple syrien sommes pour le transfert du dossier à l’ONU, car les Arabes ne sont pas capables de prendre une décision réelle sur la Syrie », a-t-il déclaré.
Autre organe à soutenir les manifestants, le Conseil national syrien (CNS), principal mouvement d’opposition au régime. S’il juge pour sa part que la mission des observateurs arabes n’aboutira pas à l’application du plan arabe (celui-ci prévoit entre autres l’arrêt des violences, la libération des détenus et le retrait de l’armée des villes), le CNS admet néanmoins qu’elle reste « utile politiquement, moralement et psychologiquement ». « À la différence de l’Armée syrienne libre, le CNS souhaite avant tout arriver à un consensus entre les différents pays de la Ligue arabe, toujours divisés sur la question syrienne », relève Barah Mikaïl*, directeur de recherche sur le Moyen-Orient à la Fondation pour les relations internationales et le dialogue externe (Fride). « Une posture forte de l’organisation panarabe pourrait alors être plus facilement reprise par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui pourrait dès lors adopter des dispositions. »
Scénario libyen
Officiellement hostile à une intervention occidentale, le Conseil national syrien insiste toutefois sur la nécessité de protéger les civils « par tous les moyens ». « À la différence de la rue, le CNS syrien n’appelle pas de ses voeux une intervention militaire étrangère. Ainsi, si celle-ci s’avère inévitable, il en imputera la responsabilité au comportement du régime syrien », explique Ignace Leverrier. S’il n’appelle pas pour l’instant à une telle issue, le CNS y réfléchirait toutefois fortement. C’est en tout cas ce que révèle un rapport intitulé « Une zone de sécurité pour la Syrie », publié sur le site du Conseil, comme le rapporte vendredi Le Figaro.
Le texte, rédigé par le politologue Michael Weiss et validé par le conseiller militaire du CNS, suggère l’instauration d’une « zone tampon », grâce à une campagne de frappes aériennes internationales préventives contre le système de défense aérienne syrien. Soit à peu de choses près ce qui s’est produit en Libye, un scénario brandi à souhait par la Russie pour justifier ainsi son veto au Conseil de sécurité concernant le dossier syrien.
Pourtant, Bachar el-Assad, qui accuse depuis le début de la révolte les manifestants d’être soutenus par l’Occident, n’hésite pas, lui, à faire appel à l’étranger. Jeudi, l’inspecteur financier auprès du chef du gouvernement syrien, également en charge du ministère de la Défense, Mahmoud Souleimane Haj Hamad, a accusé le régime de recevoir des « aides financières d’Irak et d’Iran ». Au cours de l’annonce au Caire de sa défection, l’ancien membre du régime syrien a indiqué que Damas avait dépensé 40 millions de dollars pour payer les miliciens aidant les troupes à réprimer les manifestants. Un soutien en provenance d’Orient, mais aussi de Russie, principal fournisseur d’armes de la Syrie. Une flotte russe menée par le porte-avions Amiral Kouznetsov devrait d’ailleurs accoster à la base navale de Tartous, en territoire syrien, dans les prochains jours.