Syrie: pour la libération de Razan, Samira, Wael et Nazem – par Nadia Aissaoui

Article  •  Publié sur Souria Houria le 30 mai 2014

Razan Zaitouneh, Samira Alkhalil, Weal Hamadeh et Nazem Hamadi, défenseurs des Droits de l’Homme, ont été enlevés il y a cinq mois en Syrie.

Cela fait plus de cinq mois que Razan Zaitouneh, Samira Alkhalil, Weal Hamadeh et Nazem Hamadi ont été enlevés de leur domicile dans la ville de Douma (à l’interieur de la Ghouta de Damas assiégée par le régime) où ils travaillaient au sein du  » Centre de documentation des violations en Syrie « .

Plus de cinq mois se sont écoulés alors qu’un silence coupable plane sur plusieurs factions de l’opposition syrienne concernant cet acte odieux et bien d’autres similaires auparavant dans les zones libérées.

Les communiqués émanant de « l’Armée Islamique » (force militaire dirigé par Zahran Allouch qui contrôle Douma et ses alentours et qui est supposée assurer la sécurité de ses habitants), nient toute implication et prétendent avoir ouvert une enquête. Toutefois, l’enquête n’a pas eu lieu, et aucun élément satisfaisant ou rassurant n’a été avancé pour les familles et les proches de kidnappés.

Si tous les enlèvements ciblés de civils et le comportement des auteurs exigent d’être fermement condamnés, l’indicent dont il est question ici l’exige doublement en raison de l’identité des kidnappés et la spécificité de la région qui est contrôlée dans sa totalité.

Douma, au coeur de la révolution

Les forces armés et non armées de Douma sont au coeur de la révolution toutes tendances politiques et idéologiques confondues. Elles sont proches de la ligne de front avec le régime, à l’endroit le plus sensible et stratégique pour lui, à savoir la capitale Damas.

Le rôle des quatre personnes kidnappés dans la révolution est inestimable: Razan Zaitouneh est une avocate qui depuis plus d’une dizaine d’années est totalement dédiée à la défense des droits des prisonniers d’opinion et politiques islamistes et laïcs. Depuis le début de la révolution, elle s’est investie dans les « comités de coordination locaux », puis dans le « Centre de Documentation des violations » et a publié de nombreux rapports et témoignages qui constituent une véritable base de données juridique pour la Syrie.

Samira Alkhalil a participé de ce même effort de documentation en consignant quotidiennement les « Mémoires d’un siège » pour raconter le vécu dans la Ghouta. Ancienne prisonnière politique durant quatre années sous le règne de Assad père, elle a fait preuve d’un courage singulier et d’un engagement sans faille à une époque où très peu auraient osé afficher ouvertement leur opposition au régime.

Wael Hamadeh (époux de Razan) est lui aussi un opposant de la première heure, arrêté à deux reprises par le régime en 2011 et 2012, tandis que Nazem est avocat, défenseur des droits de l’homme, poète et très actif politiquement depuis le déclenchement de la révolution.

Le croisement de deux barbaries

Le timing de cet enlèvement se situe dans la phase la plus difficile que traverse la révolution syrienne. Il est au croisement de deux barbaries: Celle du régime, ses alliés avec ses barils de TNT, et celle des forces obscurantistes (comme L’Etat Islamique en Iraq et au Levant).

Dans cette phase tragique, il suffit de constater la consternation et la stupeur parmi la communauté révolutionnaire syrienne (et à contrario, la réjouissance des pro-régime), pour saisir l’ampleur de la douleur causée par l’enlèvement des quatre. C’est un moment où nombre de syriens s’accrochent au moindre signe pour retrouver de l’optimisme. En ce sens, la libération de Razan, Samira, Wael et Nazem (et d’autres détenus) apportera sans conteste un souffle nouveau d’espoir pour cette révolution.

En attendant, les propos de Yassine Al-Haj Saleh (mari de Samira Alkhalil, qui a vécu quelques mois avec les quatre avant leur enlèvement) décrivent précisément la phase actuelle que traversent les syriens:

« … Nous sommes en lutte contre la tyrannie depuis des décennies. Il ne fait aucun doute que la situation actuelle est terrible, et que l’émergence de forces fascisantes criminelles [comme l’EIIL] qui contrôlent certaines régions dans le pays complique la tâche. Mais l’avenir de notre pays est écrit dans notre capacité à continuer à renouveler les formes de résistance et de lutte contre le régime et ses semblables, et à accorder une plus grande attention aux valeurs de la liberté et la justice et à la pensée « …

 

Syrie: pour la libération de Razan, Samira, Wael et Nazem

Razan Zaitouneh, l’un des membres fondateurs du « Violations Documentation Center » a été enlevée en compagnie de trois autres personnes, Waël Hamada, son mari, Samira Al-Khali et Nazem Al-Hamadi, à Douma en décembre 2013.

Nadia Aissaoui, sociologue et chercheuse, est également secrétaire du Fonds pour les Femmes en Méditterranée.

source : http://www.lexpress.fr/actualite/syrie-pour-razan-samira-wael-et-nazem_1547110.html

date : 28/05/2014