Syrie: Un artiste en exil veut illustrer la souffrance – par Marie-Ève Bédard
Une Canado-Syrienne maintenant installée au Liban a voulu offrir un peu de répit à certains de ses concitoyens en mettant sur pied une résidence pour les artistes syriens, histoire de leur permettre de se détacher un peu de l’horreur qu’ils vivent et se consacrer à leur art.
Perchée dans les montagnes qui surplombent Beyrouth, la petite ville libanaise de Aley est une oasis de paix. « Il y a du calme ici, comme si les gens vivaient normalement. Je ne suis pas habitué à ça. C’est troublant, mais l’endroit est très joli. C’est une belle ambiance pour travailler », dit Mahmoud Majdal, qui a quitté la Syrie pour la première fois de sa vie pour venir ici.
« Quand les artistes arrivent de la Syrie, ils sont très épuisés, très fatigués », explique la Canado-Syrienne Raghad Mardini, ingénieure en génie civil au Art Residence Aley.
Raghad Mardini avait d’abord restauré le bâtiment, une ancienne écurie deux fois centenaire. Puis, le conflit en Syrie est venu donner une raison d’être à l’endroit.
« C’est symbolique aussi; cette place était détruite. Et quand je suis venue, j’ai fait la restauration et j’ai donné beaucoup de passion. Et comme ça, je pense qu’on peut reconstruire notre pays », souligne-t-elle.
Chaque mois, le programme qu’elle a mis sur pied permet à deux jeunes artistes de la Syrie d’échapper temporairement à l’enfer d’un pays plongé dans la violence des combats, pour se consacrer à leurs oeuvres.
L’un des artistes, Mohamned Labash, est originaire de Dara, la toute première ville à s’être soulevée contre le régime du président Bachar Al-Assad. La toile sur laquelle il travaille représente sa vision, non seulement des Syriens, mais de tous les peuples arabes plongés dans un immense broyeur.
« Je ne cherche pas à envoyer un message, mais à documenter. J’illustre des histoires pour pouvoir les faire voir aux autres. Je peux illustrer la souffrance pour que, peut-être, quelqu’un d’autre puisse la ressentir », dit-il.
Il croit aussi que l’art peut aider à panser les plaies d’une société meurtrie, pour autant qu’elle puisse être partagée.
Et c’est la mission que s’est donnée Raghad Mardini. Chaque artiste laisse une oeuvre après son séjour à la résidence, qui s’ajoute à une collection permanente de témoignages d’âmes blessées.
« La seule chose qui nous unit tous, les Syriens, c’est la douleur, la grande douleur. On est maintenant tous malades psychologiquement par ce qu’on voit et ce qu’on vit. Quand ils viennent ici pour un seul mois, c’est [comme] guérir. Comme dans un hôpital », estime Raghad Mardini.
Raghad rêve d’un musée où seront réunies les oeuvres de ces artistes d’une époque noire de la Syrie, une époque qui appartiendrait alors au passé.