Syrie : une crise aux portes de la forteresse Europe – de John Domokos et Alex Rees (traduction par Souria Houria)

Article  •  Publié sur Souria Houria le 23 janvier 2014
Depuis le début de la guerre en Syrie, des milliers de refugiés ont fait le voyage risqué à travers la Turquie pour entrer en Europe à la recherche de la sécurité. Nous suivons les vies de deux familles réfugiées alors qu’elles rencontrent les passeurs, les garde frontières et des conditions choquantes. Elles se trouvent déchirées de part en part – non pas par la guerre depuis chez eux – mais par un nouvel ennemi : « L’Europe forteresse. »
Hristo Stefanov un responsable bulgare de la garde des frontières : Evidemment nous ne pouvons pas vivre sans frontières. L’humanité n’a pas encore atteint ce point. Les frontières divisent différents mondes, différents pays, quelques fois les ennemis. Les frontières sécurisent la paix. Cela, pour moi est la plus importante frontière de l’Union Européenne. L’année dernière, des dizaines de milliers de réfugiés syriens ont tenté le voyage risqué vers l’Europe cherchant asile.
Ceci est l’histoire de 3 d’entre eux :
Un syrien (Tarik) :
– c’est un passeur. Allo Comment est la route ? Est ce que c’est bon ?
– C’est un passage
– On avait dit combien?
– c’était 500.
– Il dit que j’arriverai en sécurité, y a-t-il une route sécurisée? Il n’y a que Dieu qui peut fournir ça. Soit tu le fais, tu te fais attraper, tu te fais battre, ou tu meurs. On dirait qu’on a quitté la guerre pour entrer dans une autre.
Harmanli- Centre d’accueil des refugiés, Bulgarie
Le journaliste: La Bulgarie a vu une croissance énorme de réfugiés, atteignant ses frontières de par la Turquie, depuis toujours voisine de la Grèce, elle a augmenté la sécurité à ses frontières depuis un an. Pour faire face à cette affluence impressionnante, la Bulgarie a ouvert en hâte plusieurs centres d’accueil tels que ces bâtiments désaffectés, à Harmanly
On m’a donné accès juste avant Noel. La plupart du temps, la seule présence officielle que je vois est pour empêcher les gens de partir.
Le commandant du camp fait une rare apparition pour valider d’une signature la dernière arrivée : une femme et ses 4 enfants, à partir de là ils sont laissés à eux mêmes.
– » Elle a peur. Elle est seule avec 4 enfants et il n’y a pas d’espace ici. Puisse Dieu lui venir en aide. »
Sipar lui même un réfugié syrien l’emmène pour trouver quelque part où dormir.
Ils disent qu’il n’y a pas de place. Il y a une, deux, trois, quatre pièces ici. Quatre ou cinq familles se partagent les pièces. Il n’y a pas de place pour eux.
Je ne sais pas ce qu’on va faire. Les tentes sont sur le sol. Les caravanes sont pleines. On a regardé partout. Il n’y a a pas d’espace et elle est encore en bas. C’est une catastrophe.’
Ils doivent essayer un autre bâtiment de l’autre coté du complexe.
‘- Il y a tout le temps des nouveaux réfugiés arrivant ici, et il y a maintenant plus de 1000 personnes malgré le fait que les espaces sont limités.’
Ivan (Ivan Atanassov journaliste Bulgare) est un journaliste local bulgare qui a trouvé comment traiter le noeud syrien :
« Les administrateurs du camp local sont forcés de les loger dans des tentes, dans des conditions inhumaines. Je ne comprends pas quand tout ça va finir. Pourquoi est ce qu’ils continuent à les amener ici quand les conditions de vie ne sont pas décentes?
Au 21è siècle ils doivent se tenir chaud en brulant du bois dans des tentes qui s’effondrent avec de l’eau pas propre pour l’hygiène de base pour leurs enfants. »
Le journaliste : Voici Yasmine , ici depuis 2 mois maintenant, séparée de son mari, lourdement enceinte, seule avec son fils de 4 ans.
-« Je suis toute seule ici. Je dois m’occuper de mon fils par moi même et aussi du bébé dans mon ventre. C’est mon dernier mois et je ne sais pas ce qui va nous arriver. Aujourd’hui nous avons eu seulement de la soupe. Je suis inquiète pour mon bébé, il n’y a pas de vitamine dans mon ventre. »
– Où est votre mari?
– Istanbul, il attend qu’un passage se fasse. Il a essayé de traverser la frontière Turko-bulgare trois fois et ils l’ont renvoyé.
Tariq, le mari de Yasmine, à Istanbul
« – je suis prêt à faire n’importe quoi pour eux. Je vais essayer la frontière autant de fois qu’il faudra. Regardez, c’est ce que je porte quand je me dirige vers la forêt. Des chaussettes de rechange pour quand elles deviennent mouillées. Regardez cela vient de la foret … (de la terre dans ses mains). .. Si vous me regardez, j’ai l’air bien, je suis comme une fusée. Mais intérieurement, je me sens complètement détruit loin de ma famille. »
Le journaliste : Tarik, le mari de Yasmine est un parmi presque un million de syriens qui ont fui vers la Turquie, un chiffre approchant de 200 000 sur Istanbul simplement, vivant à la marge et beaucoup espérant rejoindre l’Europe. Aksaray est le lieu où rencontrer les passeurs à Istanbul.
–  » Tu vas là, descends du bus, et par la station de métro… tu t’assieds là, et ils disent: ‘eh frères! vous voulez aller en Bulgarie, Afghanistan, Grèce? ils vous font un clin d’œil.. ».’ Grèce, Bulgarie?’ « et comme ça on est parti à Edirne. »
Le journaliste : Edirne est un point relais pour les passeurs vers l’Europe. Nous avons réussi à interviewer un passeur au téléphone. Il est aussi syrien.
voix du passeur : Chaque passage a son prix. Cela dépend si les gens veulent aller par route ou par mer. Pour aller en Bulgarie ça coute environ 500 $ (300 £) (370 €).
Le mari de Yasmine : Nous sommes forcés de traiter avec eux et tout ce qui compte pour eux c’est l’argent. Ils se soucient peu de savoir si vous pouvez y arriver ou vous le ferez ou si vous mourrez.
voix du passeur : Nous ne faisons pas ça pour l’argent. Mais parce que ces gens qui sortent, sont ceux là même qui vont revenir et reconstruire leur pays.
Le mari de Yasmine : Et après un de leurs hommes nous a conduit quelque part près de la frontière en dehors d’Edirne. Ils viennent avec vous 15 à 30 minutes et vous laisse tel que.
voix du passeur : Vous pouvez avoir à passer un jour entier dans la forêt. et ce temps n’aide pas. Il fait froid et il y a la rivière.
Le mari de Yasmine : C’est ce que nous sommes forcés à faire. Nous risquons notre vie juste pour retrouver notre famille.
voix du passeur : La route pour la Bulgarie est difficile pour le moment. En fait on peut dire qu’elle est bloquée.
Le commissaire Hristo Stefanov , Centre de contrôle de la frontière bulgare.
« – Personne n’a le droit d’entrer ici librement, même moi. C’est le cerveau de la Direction Régionale. C’est l’endroit où nous collectons toute l’information de surveillance.
Il y a 6 postes informatiques fixes qui sont équipés avec des caméra de nuit et de jour et de système laser à longue portée.
C’est la frontière strictement entre les 2 pays.
Chaque fois que le détecteur de la ligne est traversé, le système déclenche une alarme. Il y deux choix. Si nous détectons un groupe sur le territoire turc, nous les informons. Si c’est sur le territoire bulgare alors mes collègues informent le chef de la patrouille de service ou la police des frontières.
Ce n’est pas si simple de traverser la frontière bulgaro-turque. Beaucoup de gens le découvrent par eux mêmes. C’est pourquoi ils sont dans les centres de transfert, et certains sous arrestation ».
Harmanli- Centre d’accueil des réfugiés, Bulgarie
C’est Aziz, un homme que l’on pourrait demander si vous avez besoin d’une main secourable au camp de réfugiés d’Harmanly. Aziz prend du temps pour trouver un espace pour la nouvelle famille qui parait maintenant désespérée.
 » Regardez, que dites vous d’ici? nous pourrions mettre un rideau ici et 4 d’entre eux dormir ici. Je vous aiderai, je l’aiderai à nettoyer. »
[voix du journaliste bulgare Ivan Atanassov ]: Je crois qu’à la frontière ils ont des technologies super modernes. Ils peuvent voir 14 km à l’intérieur de la Turquie, ils ont des hélicoptères, et toutes sortes de choses.
Ils ont dépensé des montagnes d’argent et encore ils ne peuvent pas dépenser une somme ridicule de disons 1 million de Lev (425 000£)(518 000€) pour construire un camp décent? Ils ne peuvent pas dépenser un million de Lev pour rendre correct un camping ?
Ils ont n’ont pas voyagé 2000 à 3000 km pour arriver ici pour monter des affaires ou pour le loisir.
J’ai vu des mères, des enfants et des vieux avec des vêtements de base , élimés, de petits tas de bagages et j’ai réalisé qu’ils étaient désespérés.
Aziz : « – c’est comme un film d’horreur » (montrant le nouvel espace plein de détritus sans ouverture dédié à la famille)
– » j’ai réalisé qu’à la fois moi et mes amis étions capables de les aider par divers moyens tels que l’habillement, le change des monnaies et la fourniture des choses les plus élémentaires. »
Le journaliste : un repas par jour est maintenant fourni par l’UA. Même si Aziz aide tout le monde, il n’est pas épargné de difficultés pour lui même. Voyageant depuis la Syrie vers l’Allemagne il a eu des ennuis avec les passeurs qu’ils a pris. « Les passeurs nous ont trompés. Ils ont dit que toute la famille pouvait venir. A la frontière il y a eu une bagarre. Ils ont commencé à nous donner des ordres. Ils ont pris quelques uns de ma famille. Mais ils m’ont laissé, avec deux de mes filles et fils derrière. Ils voulaient plus d’argent. « 
Comme beaucoup de réfugiés ici les biens les plus précieux d’Aziz sont ses papiers et en particulier certains en allemand qu’il croit susceptibles de lui donner l’accord pour se réunir avec le reste de sa famille en Allemagne.
Aziz:  » Ces papiers viennent de l’avocat allemand. Oui, il y a neuf papiers pour réunir légalement notre famille. Mais ils ne m’entendent pas ici. Ce sont des papier de rassemblement familiaux. C’est un accord reçu par l’Ambassade Allemande ici. Ils ont renvoyé les papiers en Allemagne parce qu’ils ne pouvaient pas me trouver. Je suis ici en prison? Comment vont ils me trouver? Comment l’Ambassade va me trouver ?
Le journaliste : Beaucoup de réfugiés sont coincés ici dans ce piège familier. Bien que les pays Européens sont attachés à une loi pour offrir l’asile aux réfugiés fuyant la guerre, la politique des frontières européenne rend impossible d’y arriver.
Elhovo Centre de contrôle des frontières, Bulgarie
Le capitaine Hristo Stefanov nous montre une interpellation récente de passages de frontière illégale.
« – habituellement il y a moins de branches en hiver. Naturellement au printemps et en été il y en a plus. Et ils pensent que le brouillard rend plus difficile pour nous une détection, mais nos détecteurs ne sont pas dérangés. Maintenant les chiffres. Officiellement, il y a plus que 600 000 immigrants illégaux en Turquie. Officieusement ils sont autour de 1,2 million. Ces gens ne se déplacent pas seuls, ils bougent avec des passeurs. Les passeurs de ces gens en Turquie sont vraiment une industrie, ce n’est pas juste un business, mais une véritable industrie. Donc nos principaux adversaires sont les chefs de réseau de ces passeurs, non pas les gens qui physiquement les font passer.
La Bulgarie a reçu à la fois la pression, les financements, et l’aide de l’Europe pour augmenter la sécurité pour un système à la frontière.
Cela , pour moi, est une des plus importantes frontières de l’Union Européenne. Parce qu’à travers cette frontière, passe le plus important flux de migrants, en incluant ceux d’Afrique Centrale et du Nord, d’Asie, des anciens pays soviétiques, l’Afghanistan, l’Iraq, l’Iran et les citoyens syriens. C’est presque le monde entier. »
Dans un Café d’Istanbul Tarik et ses amis syriens discutent des options limitées pour atteindre l’Europe.
Un des hommes « – je connais quelqu’un qui a passé 3 jours dans la forêt en visant la Suède. »
Tarik »- Il y avait un bébé avec nous la dernière fois. Il est tombé sur le sol et est presque mort de froid.
– il n’y a pas de pitié
Pas si vous êtes syriens.
Un des hommes – Les syriens sont comme les palestiniens à Beyrouth. Nous sommes comme les palestiniens maintenant.
Un autre homme- Si les arabes ne nous accueillent pas pourquoi l’Europe le ferait ?
Le journaliste : Tarik et Yasmine voulait aller en Europe parce qu’on lui attribuait une plus grande facilité et des droits pour les réfugiés syriens.
Tarik »- Si tu (travailles) en Turquie, tu te demandes est ce que le bonhomme va me payer à la fin du mois? est ce qu’il va me renvoyer? est ce qu’il va me renvoyer à la guerre que j’ai quittée ?
Yasmine :- » La situation s’est vraiment détériorée en Syrie. Nous étions confortablement installés. J’étais mère au foyer et mon mari travaillait, merci Dieu. Nous avons dû aller au village parce que les villages étaient saufs. Et puis la guerre est venue aux villages.
Des islamistes sont venus et l’ont kidnappé pendant un mois. Ils lui ont cassé la mâchoire. »
Tarik: » – je lui ai dit pars devant, sauve toi. Elle ne voulait pas, mais j’ai insisté pour qu’ils y aillent.
J’ai dit, « Je suivrai ».
Le journaliste: Tarik s’est demandé si rester en Turquie n’aurait pas été mieux.
Yasmine: »-Est ce qu’il y a un chemin retour? Je le prendrai si je pouvais. Je me sens comme une criminelle ici. Nous sommes emprisonnés, nous ne pouvons pas sortir. »
Le journaliste : Je lui ai demandé comment elle parvenait à continuer à sourire.
Yasmine: »-Oui, je suis comme ça. Je ne peux pas montrer ce qui est vraiment dans mon cœur. »
Tarik :- » Je sais qu’ils souffrent chaque jour. Nous étions heureux et dans le confort. Nous avions l’habitude de remercier Dieu. Maintenant nous ne pouvons plus rien dire. »
Le journaliste: j’ai montré à Tarik quelques vidéos de sa femme et son enfant en Bulgarie.
– » Regardez, il est toujours le plus beau de tous, le chef « 
Le journaliste : C’est presque Noel, pour élever le moral Yvan et ses amis décorent un arbre.
Joyeux Noel ! très bien! c’est bienvenu, très heureux (des gestes marquant un sourire)
Yvan : -« Nous faisons la même chose, comme nos frères chrétiens pendant Noël
Nous avons aussi l’habitude d’aller au marché et d’acheter un arbre de Noël et de le décorer de mettre les saints et des petits bibelots dessus, décorer les pièces, et d’avoir une fête.
Yasmine: »- Depuis 2 ans il n’y a pas eu de célébrations en Syrie. Ils ont oublié comment sourire en Syrie. »
Le journaliste : Nous avons fait traduire les papiers de supposée rassemblement familial d’Aziz mais ils s’avéra qu’ils étaient plus des formulaires en provenance de l’Ambassade que ceux espérés et attendus par Aziz.
Aziz: »- Je souhaiterais mourir. Je souhaiterais que le diable prennent nos âmes. J’ai quitté ma patrie, ma terre, mon peuple. Nos familles ont été séparées de moi. Bien sûr que je suis bouleversé. J’ai tout perdu, le travail de ma vie. »
Une femme :  » Nous sommes sortis de la guerre là bas et nous sommes entrés dans une nouvelle. Dis leur. »
Aziz: »- Ils savent, bien assez. »
Le capitaine Hristo Stefanov : »- je suis vraiment désolé pour ceux qui vraiment fuient la guerre mais tous ne tombent pas dans ce cas. Je peux seulement sentir l’orgueil de servir à la frontière Bulgaro-Turque, une des plus difficiles. Nous sommes sur la ligne de front pour sécuriser notre pays. »
Istanbul, veillée de nouvel an, 2013
Le journaliste: c’est la veillée de nouvel an à Istanbul, Tarik réfléchit à sa dernière tentative pour rejoindre sa femme et son enfant en Bulgarie. Et il devient désespéré.
Aziz: »- Nous avons été pris par un policier bulgare. Nous avons eu de bon coups avec des bâtons sur les mains. Je ne pouvais pas parler la langue, j’ai essayé d’expliquer, en utilisant le langage des signes pour dire que ma femme était enceinte et en Bulgarie. Ils n’ont pas compris et on commencé à nous battre avec des bâtons en disant  » retournez en Syrie ». Elle est à la fin de sa grossesse. Je ne sais pas ce qui va lui arriver.
Je ne mange ou bois. Tout ce que je peux prendre c’est du café et des cigarettes. Tout ce à quoi je peux penser est la mort et la souffrance.
Allo! allo fils comment ça va?
Son fils : Bonne année!
-« Bonne année à toi aussi mon fils, mon cœur.
Yasmin, je sens vraiment le fardeau. »
Yasmin: »-Non, non ne dis pas ça. »
Aziz: »-Si c’était avec ma famille chaque jour serait une fête, mais sans eux, rien ne peut me rendre heureux. A chaque fois que je regarde une femme je vois ma femme. Quand je regarde un garçon je vois mon fils. Tout ce que je peux dire c’est que j’aurais souhaité que nous soyons restés là bas et soyons morts, ensemble. Mais vous ne pouvez jamais savoir ce que le destin vous réserve. Que vous aimiez ou pas, je vais continuer à essayer. Je m’en fou de leur précieuses frontières et orgueil national.
Est ce que tu ne ferais pas tout, John? Même si je meurs sur la route. Et si je meurs, dites à ma femme « Tarik a tout essayé pour te rejoindre ». C’est tout ce que je demande, de lui dire ça. »
—–
La naissance du bébé de Yasmin est proche.
Yasmin est encore à Harmanli. Son mari Tarik prépare une autre tentative pour la rejoindre cette semaine.
Aziz est finalement sorti d’Harmanli et travaille avec l’Ambassade allemande à son rassemblement familial.
date : 13/01/2014