Syrie, une révolution exilée – par Justine Bo et Hélène Michalak

Article  •  Publié sur Souria Houria le 15 mars 2014
Elle est une Syrienne de la diaspora, il est Damascène, elle est Yéménite… Ce sont trois visages de la révolution qui s’expriment, trois ans jour pour jour après le soulèvement syrien de 2011. Comment vivent-ils la situation depuis Paris ? Quels sont leurs espoirs pour la Syrie de demain ?

Bassma Kodmani est âgée d’à peine 10 ans lorsqu’elle arrive en France. Son père, Nazem Kodmani, diplomate, doit quitter la Syrie avec toute sa famille pour s’être opposé au pouvoir en place, peu après la guerre de Six Jours de 1967.

Vivant depuis lors en exil, la famille Kodmani s’érige en « militante invétérée » contre le régime, et Bassma voit dans le soulèvement de 2011 « une révélation ». Chercheuse en relations internationales, elle s’engage dès 2011 auprès de cette Syrie dont elle elle avait toujours espéré la révolte. Elle participe d’abord à la fondation du Conseil national syrien, dont elle devient la porte-parole. Elle finit par le quitter en août 2012, déplorant les dissensions internes de cet organe politique. Elle se consacre dès lors à la création de l’association Initiative pour une nouvelle Syrie, qui dédie ses forces à l’assistance humanitaire.

Très critique face à l’attitude de la communauté internationale, elle souligne, trois ans après le début de la révolution, que « toutes les options politiques que l’on pouvait envisager ne l’ont pas été », et qu’il faut aujourd’hui « aller dans les enceintes internationales, pour dire que ce régime ne peut plus représenter la Syrie ». Mais c’est avec espoir que Bassma Kodmani évoque les zones syriennes libérées, louant l’incroyable résistance qui s’y est déployée, et l’action des conseils locaux, qui tentent de pallier le déficit d’Etat sur le territoire.

Originaire du Yémen, Maha Asablahani rejoint sa famille installée en Syrie à la fin de l’année 2010. Découvrant peu à peu le pays, elle travaille aux côtés de Mazen Darwich et Razan Zeintouneh, figures de la lutte des droits de l’homme, tous deux détenus aujourd’hui, au sein du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression.

A la suite de l’attaque de cette organisation en mars 2012, elle est dans l’obligation de quitter Damas, où elle n’est plus en sécurité. Après un passage par Beyrouth, elle gagne la France, d’où elle continue d’œuvrer pour la liberté d’expression en Syrie.

Engagé dès 2011 dans la lutte pour les droits de l’homme en Syrie, Rudi Osman participe aux toutes premières manifestations damascènes. Appelant d’abord à une réforme du régime qui permettrait plus de liberté à son peuple, il comprend peu à peu que l’heure n’est pas à la démocratie pour Bachar Al-Assad.

Il lutte alors, caméra au poing, pour montrer au reste du monde les événements en cours en Syrie. Arrêté, emprisonné, puis relâché après quelques semaines, il doit quitter le pays au printemps 2012. Il passe par la Jordanie où il écume les premiers camps de réfugiés, puis parvient à gagner la France. Aujourd’hui, c’est depuis Paris qu’il tente de lutter contre le régime. Travaillant au sein de la radio Rozana, première radio libre de Syrie, il ignore quand il pourra rentrer et se demande comment, après deux ans, il pourra de nouveau vivre dans un pays qui ne cesse de changer…

Justine Bo (Monde Académie) et Hélène Michalak

source : http://www.lemonde.fr/proche-orient/visuel/2014/03/14/syrie-revolutionnaires-en-exil_4383265_3218.html

date : 14/03/2014