Témoignage de Karam al-Masri, rescapé des prisons de l’Etat islamique
Le témoignage qui figure ci-dessous est celui d’un jeune activiste syrien répondant au nom de Karam al-Masri, qui a eu la malchance d’être arrêté comme nombre d’autres citoyens-journalistes par l’Etat islamique lorsque celui-ci faisait régner la terreur dans certains quartiers et à la périphérie de la ville d’Alep. Originaire du quartier de Bustan al-Qasr, d’où provenait une partie de la centaine de cadavres repêchés en janvier 2013 dans le Qoueïq, la rivière qui traverse une partie de la grande ville du nord, il s’est empressé, dès sa libération, de reprendre sur sa page facebook ses activités médiatiques au service de la révolution.
Six semaines en enfer
« Abu Ghraib », « Prison de haute sécurité », « Centre de liquidation »… bien des noms ont été donnés à l’enfer où j’ai passé 45 jours entre les mains de l’Etat islamique (Da’ech). Cette prison se trouvait dans les environs d’Alep, à Cheikh Najjar, la plus grande zone industrielle de Syrie. Elle avait été installée dans une ancienne usine de bois occupée par le groupe parce que son propriétaire était chrétien. Comme toutes les usines, elle possédait un sous-sol. Il avait été divisé en 29 cellules individuelles contigües, où la lumière du jour ne parvenait pas. Chacune avait deux mètres de long sur un mètre de largeur.
Dans ce lieu redoutable, j’ai passé 45 jours de confinement, avant d’être transféré vers d’autres centres de détention, lorsque les hommes de Da’ech ont été chassés de Cheikh Najjar par les habitants d’Alep, excédés par leurs agissements.
Cette prison était réservée aux commandants et aux combattants de l’Armée syrienne libre capturés par le groupe. Elle abritait également des journalistes européens et américains.
Notre ration alimentaire quotidienne se réduisait à une galette de pain, à quelques olives et, parfois, à une cuillerée de riz ou un œuf dur.
Les lieux étaient d’une saleté extrême et les poux y avaient élu domicile. Pour faire ses besoins, chaque détenu disposait d’une bouteille vide et d’un sac en plastique.
On nous autorisait à sortir 2 minutes toutes les 24 heures, pour vider la bouteille et le sac en plastique. Il n’était évidemment pas question de nous autoriser à faire les ablutions requises pour la prière
Le traitement réservé aux détenus était très dur. Les médicaments dont nous pouvions avoir besoin ne nous étaient donnés que lorsque nos geôliers nous sentaient à l’article de la mort.
Si nous parlions entre nous, nous étions immédiatement sanctionnés par une privation d’eau et de nourriture pendant trois jours.
Nous étions soumis à des tortures. Pour nous faire perdre la raison, nos geôliers utilisaient l’électricité. Ils tiraient parfois à balles réelles sur des prisonniers et les abandonnaient baignant dans leur sang jusqu’à ce qu’ils meurent. Ils leur entaillaient la peau en utilisant des lames de rasoir. Ils les frappaient avec des barres de fer, pour leur briser les os des pieds, du bassin et du dos.
A mon sens, une telle prison est une honte absolue pour ceux qui prétendent vouloir imposer les règles de l’islam.
Traduit en français
par Mohamed Mahmoud
activiste alépin