Un « alaouite libre » interpelle les membres de sa communauté – par Ignace Leverrier
De confession alaouite, le scénariste syrien Fouad Hamira vient d’adresser, via sa page Facebook « Alaouites libres dans la révolution du peuple syrien« , une lettre ouverte à quelques membres de sa commauté. Il y invite ceux qui n’ont jamais profité de la captation par la famille Al Assad du pouvoir et de la monopolisation par ses proches des ressources de l’Etat, à faire un double constat. Ils restent, à Damas en particulier, des « pauvres parmi les pauvres ». Et, quand elle en a eu l’occasion, l’Armée Syrienne Libre a démontré, en s’abstenant de bombarder leurs quartiers, qu’ils n’étaient pas pour elle des « ennemis ». Il les invite donc à en tirer les conséquences.
« J’adresse ce message à certains – je dis bien à certains… – des membres de ma communauté d’origine. Ils habitent à Damas, en particulier dans les quartiers de Mezzeh 86, Ouch al Warwar et Hay al Wouroud. Ils ont peur pour leurs maisons. Ils les ont construites à la sueur de leur front, grâce au travail harassant de leurs femmes, qui, enceintes, ont continué de se tuer à la tâche jusqu’à l’heure de leur accouchement, et avec l’aide de leurs enfants contraints de patauger pieds nus dans la boue… Tout cela, je l’ai vu de mes propres yeux. J’ai vu que, pour les protéger des intempéries, certaines de leurs maisons n’avaient que des toiles en guise de couverture, et que d’autres n’avaient pour portes que des sacs de jute…
Je veux leur dire ceci : les maisons que détruisent les avions, que réduisent en miettes les chars et que pillent les chabbiha, appartiennent à des gens qui, eux aussi, ont peiné sang et eau. Ils ont dépensé tout leur avoir et ils ont travaillé dur pour les bâtir. Ce sont des pauvres, comme vous. Ils ont peur pour leurs maisons, comme vous.
C’est pourquoi, ne croyez pas ce que le régime vous raconte quand il vous parle de « sauvages » qui veulent vous égorger pour s’emparer de vos ressources et de vos maisons, et pour vous chasser de vos emplois. Ne croyez pas que ce régime vous protège. C’est vous qui le protégerez au prix de vingt mille morts parmi vos enfants, la chair de votre chair.
Je ne prendrai pas ici la défense de l’Armée Syrienne Libre. Elle a ses avocats et elle n’a pas besoin de moi pour ce faire. Je veux uniquement vous rappeler une vérité qui ne doit pas vous sortir de l’esprit. Si l’ASL avait voulu vous tuer et vous égorger, qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher de bombarder Ouch al Warwar au mortier lorsqu’elle était présente à Barzeh ? Qu’est-ce qui aurait pu lui interdire de bombarder Mezzeh 86 quand elle tenait les vergers de Mezzeh ? Qu’est-ce qui aurait pu la dissuader de procéder de même à Qoudsaya ?
Je ne me ferai pas l’avocat des fautes de la révolution et des révolutionnaires. Je ne justifierai pas leurs agissements injustifiables. D’ailleurs, tous les opposants et un grand nombre d’autres révolutionnaires les condamnent. Cela fera l’objet d’un autre propos. Ce dont je veux vous entretenir ici, c’est de vous et de votre situation, dans votre intérêt.
Que feriez-vous si vos biens, vos maisons et vos emplois étaient garantis par les assurances que vous réclamez ? Je vous le demande. Personne ne réclame de vous que vous rejoigniez la révolution, ni que vous l’appuyiez. Mais vous devez cesser de traiter les révolutionnaires comme vous le faites. Car les assurances sont là, prêtes à vous donner les apaisements et à garantir votre honneur, votre vie, vos biens et vos emplois, quels qu’ils soient. Mais reste posée la question : que ferez-vous alors ? Modifierez-vous votre position ? J’attends votre réponse.
Je souhaite que personne ne tente de vous induire en erreur en prétendant que mes propos sont « confessionnels » et qu’ils cherchent à imputer à notre confession des faits et gestes auxquels elle est étrangère. Ceux qui tiennent de tels discours sont les porte-voix du régime. Or, croyez-moi : ce sont ces gens-là qui vous veulent du mal. Si vous les écoutez, vous ne sacrifierez pas uniquement vos enfants, mais tout ce que vous possédez, au profit d’une famille corrompue qui se cramponne à sa dictature et qui reste convaincue que le pays est sa propriété privée ».
source : http://syrie.blog.lemonde.fr/2012/11/03/un-alaouite-libre-interpelle-les-membres-de-sa-communaute/
date : 03/11/2012