Un an après… par une Citoyenne française
Un an après…
Le spectacle est effrayant et d’une brutalité clinique. Une ville en ruine. Des hommes armes au poing. Ils débarquent sans prévenir, en grand nombre, arrogants et brutaux, la volonté de tuer visible dans le moindre de leurs gestes, le plaisir de faire souffrir gravé sur leurs visages qui s’autorisent même à sourire au milieu du carnage. Ils ont l’attitude caractéristique de ces tortionnaires déshumanisés qui agissent avec l’assurance de leur totale impunité, parce qu’ils savent que leur barbarie ne sera pas condamnée, pire, qu’elle est cautionnée et encouragée par le régime.
Les cris de douleur et de détresse se font entendre partout où ils passent. Le bruit des balles et des canons explose dans le moindre recoin de chaque quartier. Ici, plus de chants d’oiseaux, plus de places paisibles réchauffées par les rayons du soleil. Plus de rires insouciants d’enfants non plus, puisque là-bas les enfants sont pris pour cible dans les manifestations, enlevés, torturés, exécutés. L’insouciance est morte. La vie est écrasée par une chape de barbarie qui ne connaît plus aucune limite.
Lorsque les armes se taisent, un silence de mort s’installe. Pas âme qui vive dans les rues, grises et dévastées, où les seules notes de couleur attirant regard sont les flaques de sang des victimes de la répression, quand il ne s’agit pas des corps eux-mêmes, que les survivants peinent à arracher à la rue, parce qu’ils pourraient à leur tour être abattus, juste pour avoir voulu offrir une sépulture décente à l’un de leurs si nombreux martyrs…
Ils ont fui en masse les zones les plus durement frappées pour tenter de se mettre à l’abri, ailleurs en Syrie, mais à l’abri pour combien de temps ? Beaucoup d’entre eux sont contraints à l’exil pour sauver leur vie et celle de leur famille. Ils s’entassent dans des camps de réfugiés par dizaines de milliers. D’autres trouvent asile dans des pays étrangers, dans des conditions souvent tout aussi difficiles. Pour eux, au déracinement brutal s’ajoute un dénuement complet. Ils ont tout perdu et le régime sadique, non content de détruire leur vie et de s’accrocher au pouvoir, pourchasse ceux qui tentent de fuir, menace et emprisonne ceux qui restent, et bien sûr rend impossible tout retour au pays…
Tous ces hommes, ces femmes, ces enfants pour qui le cauchemar est une réalité quotidienne, que va-t-il advenir d’eux ? Pour tous en tout cas le même constat brutal : leur vie n’a pas la moindre valeur aux yeux du pouvoir en place.
Dans cette atmosphère de chaos, des cris de colère, des larmes, comme une incrédulité aussi, face à la possibilité qu’une telle violence, un tel acharnement puissent réellement exister. Et rester impunis. Comment une telle chose est-elle possible ? Comment explique-t-on à un enfant que son père est mort pour avoir seulement osé manifester pacifiquement sa soif de dignité ? Que dit-on à une mère dont l’enfant a été torturé à mort pour avoir écrit sur un mur un message de liberté ?
Je ne suis pas syrienne, je n’ai rien vécu de tout cela. Ces images terribles me viennent des vidéos et des articles que j’ai eu l’occasion de voir et de lire, elles se sont imprimées profondément dans mon esprit et dans mon cœur. Je n’aurais jamais la prétention de dire que je comprends les douleurs du peuple syrien. C’est impossible. On ne peut pas comprendre l’horreur de l’aliénation et du massacre d’un peuple sans l’avoir vécue. Mais malgré cela je ressens une immense tristesse pour le peuple syrien et pour les souffrances qu’il subit. De la colère et une si grande impuissance aussi, face l’impunité dont jouit le régime assassin de Bachar al-Assad.
Et pourtant, face à tout cela, c’est le peuple syrien lui-même qui donne à qui veut bien la recevoir une leçon magistrale de résistance à l’oppression et à la barbarie.
Parce que parmi ces images de désolation qui nous parviennent quotidiennement, d’autres images viennent déchirer l’écran de violence et de mort qu’érigent al-Assad et les siens : des images du peuple syrien, drapeaux au vent, brisant le mur de peur et de silence par ses cris et ses chants. Ce peuple martyrisé est toujours debout. Après tant d’horreurs et de barbarie, il est toujours là. Il affronte toujours ses bourreaux. Il crie toujours son désir de liberté et de dignité.
Un an après, les manifestations n’ont pas cessé et, s’il se trouve des hommes, responsables politiques et autres, pour clamer avec arrogance et cynisme que le régime ne s’effondrera pas, il se trouve aussi des syriens pour continuer le combat, plus soudés que jamais, et pour hurler à la face du dictateur et de ses sbires que le peuple syrien ne cèdera pas non plus.
Bashar al-Assad devrait tirer les conséquences de cette leçon magistrale et partir, immédiatement. Il a déjà perdu. Le combat du peuple syrien est admirable. Son courage et sa détermination sont admirables. Et face à la volonté d’un peuple, l’histoire a montré que le dictateur finit toujours par tomber. Cela peut prendre plus ou moins de temps, mais il finit toujours par tomber. Et Bashar al-Assad tombera, comme les autres.
Un jour viendra où le peuple syrien, fier et uni, chantera et fêtera sa liberté si durement conquise.
Puisse ce jour advenir le plus vite possible.
Citoyenne française