Une lettre ouverte au Président de la République

Article  •  Publié sur Souria Houria le 1 août 2013

Pour les signataires de cette lettre, et alors que le nouveau président de la Coalition nationale syrienne est à Paris : il est plus que temps d’agir.

Monsieur le Président de la République,

Vous, Président de la République, alors que vous aviez tracé la perspective d’une Syrie libre que la France aiderait à advenir, vous ne pouvez être insensible aux immenses pertes humaines et souffrances des Syriens, ni aux risques géopolitiques de ce qui est en train de se passer : Qousseir prise, Homs détruite, Alep attaquée ; la perspective que le régime de Bachar al-Assad parvienne à vaincre le peuple syrien en révolte est de jour en jour plus plausible.

Après 28 mois d’une lutte exemplaire et héroïque pour conquérir sa liberté, le peuple syrien est aujourd’hui abandonné par les nations qui se targuent de porter la démocratie et les droits humains comme principes fondateurs de leur gouvernance.

Et pourtant.

Vous, Président de la République, vous savez que plus de 100 000 Syriens sont morts depuis le début du soulèvement, en majorité des civils, dont plus de 5000 enfants de moins de 16 ans. À ce terrible bilan, il faut ajouter des dizaines de milliers de disparus, dont les familles ne savent ce qu’ils sont devenus et qui ne reviendront probablement jamais.

Vous, Président de la République, vous savez que la pratique de la torture est systématique, qu’elle s’est exercée sur des enfants et adolescents, que des jeunes et adultes emprisonnés, femmes et hommes, sont torturés et violés.

Vous, Président de la République, vous savez que le gaz Sarin a été utilisé à plusieurs reprises et que la « ligne rouge » a été franchie, avec pour seules réactions des déclarations offusquées, qui sont comprises par la dictature comme autant de véritables permis de tuer dans l’impunité.

Vous, Président de la République, vous avez connaissance des rapports de la Commission d’enquête du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, des rapports des ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch qui ne laissent aucun doute quant à la réalité des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité commis par le régime.

Vous, Président de la République, vous savez que la Russie, l’Iran approvisionnent massivement en armes et en logistique les forces de Bachar El-Assad et que des milliers de combattants du Hezbollah interviennent directement sur le terrain.

Vous, Président de la République, vous savez que l’aviation et des missiles sont utilisés contre des boulangeries, des hôpitaux, des écoles et des milliers d’habitations.

Vous, Président de la République, vous savez qu’en Syrie, le conflit ne peut s’interpréter comme une confrontation entre un régime dictatorial et des groupes radicaux et confessionnels, ce que beaucoup insinuent pourtant, alors même que ces groupes ne sont qu’une faible minorité et qu’ils ne sont pas intégrés à l’opposition syrienne. Vous savez que de nombreux responsables politiques se justifient ainsi avec lâcheté de ne pas s’engager autrement que par des paroles aux côtés du peuple syrien. Vous savez que le risque de prise en main d’une partie de la rébellion par des extrémistes n’est que la conséquence de l’isolement dans lequel nous avons laissé le soulèvement populaire syrien.

Vous, Président de la République, vous savez que si par malheur Bachar El-Assad devait in fine se maintenir au pouvoir, une vengeance aveugle et destructive ne manquerait pas de s’abattre sur les opposants et que c’en serait fini pour longtemps de tout espoir de paix et de démocratie dans la région.

Vous, Président de la République, vous savez que le régime despotique et mafieux de Bachar El-Assad n’est pas réformable, qu’il ne connaît aucune limite à la répression, qu’il est par essence un état de barbarie.

 

Si à très brève échéance, une zone d’exclusion aérienne n’est pas mise en place, en surmontant les « difficultés techniques » dont, de leur côté, les Israéliens semblent se jouer dans leurs interventions répétées en Syrie ;

Si la mise au ban diplomatique du régime syrien n’est pas décidée, facilitant une action officielle des organisations humanitaires onusiennes et un soutien plus effectif aux administrations civiles et aux organisations sanitaires mises en place par la résistance dans les zones libérées ;

Si une aide substantielle sur le plan militaire aux brigades de l’Armée libre indépendantes des groupes islamistes radicaux n’est pas accordée ;

 

Alors, vous, Président de la République, vous savez qu’en restant passif devant les massacres annoncés, notre pays encourrait le grief de non-assistance à peuple en danger. Dans l’espoir que vous saurez éviter cette terrible défaite morale de notre démocratie, nous vous adressons, Monsieur le Président, l’expression de notre respectueuse considération.

 

Cette lettre ouverte est à l’initiative de :

Wladimir Glasman, Ancien diplomate

Isabelle Hausser, Écrivain, Initiative “ Prix Nobel de la Paix pour le Peuple syrien “

Gérard Lauton, Universitaire, Appel Solidarité Syrie

Michel Morzière, Collectif Urgence Solidarité Syrie

Premiers signataires :

Farouk Mardam Bey, Écrivain

Marcel Bozonnet, Comédien, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien

Jacques Gaillot, Évêque émérite de Partenia

Burhan Ghalioun, Écrivain, universitaire, 1er président du CNS

Basma Kodmani, Directrice de l’Initiative Arabe de Réforme

Ziad Majed, Professeur d’université

Raphael Pitti, Professeur de Médecine d’Urgence. Pdt Comité Aide Hum. Au Peuple syrien

Jack Ralite, ancien ministre

Emmanuel Wallon, Universitaire, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien.

source : http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/20130724.OBS0791/syrie-une-lettre-ouverte-au-president-de-la-republique.html

date : 24/07/2013