Une moitié d’homme, et un cœur – قلب ونصف جسد – par Majd Aldik
Activiste syrien de 28 ans, originaire de Douma en banlieue de Damas, Majd Aldik a fui la Syrie fin 2014. Réfugié politique, il publie sur son blog des billets cet été sur Mediapart, dans le cadre de l’opération OpenEurope.
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Caméra au poing, je pénètre les sous-sols que le sang et les lambeaux de chair d’êtres aimés rendent irrespirables. C’est dans ces dispensaires de fortune que travaillent les médecins- ils se comptent sur les doigts de la main- à qui la mort a accordé un sursis. Les rares qui, sur les deux mille qui vivaient à Douma, n’ont pas encore été fauchés par les meurtres, les arrestations et les exils savamment orchestrés par Bachar al Assad.
Je descends, rêvant de voir l’objectif de ma petite caméra ouvrir les yeux d’un monde qui s’est rendu complice de crime, pour avoir préféré la loi de la jungle à celle protégeant la dignité humaine. Ce silence face aux exactions d’un assassin qui, par tous les moyens, s’emploie à anéantir l’Homme, violant la terre et le sacré, a favorisé l’émergence d’une force obscure, hors de contrôle. Dans la jungle, il est vrai, les lions n’ont de compte à rendre à personne…
Je tombe sur une première civière et vois ce que je n’avais jamais vu de ma vie : une moitié d’homme dont le cœur bat encore. Un obus d’al Assad lui a arraché les yeux, les pieds et un bras, avant de l’abandonner à un sort auquel la mort, qui a arrêté son travail à mi-chemin, est préférable.
Lentement, je m’approche pour tenter de le faire parler, dans l’espoir que quelqu’un entende ce que l’on vit et que vienne ce jour où cessera le siège qui asphyxie Douma depuis plus de trois ans. Ce jour, où une personne ayant perdu la moitié de son corps, pourra être soignée dans un pays doté de véritables prothèses, plutôt que ces tuyaux en plastique récupérés sur les installations d’égouts, que l’on est réduits à utiliser ici.
Je lui ai demandé s’il acceptait de parler de lui, tout honteux de moi-même, de mon corps au complet. Il m’a demandé dans quel état étaient ses pieds, qui lui causaient de pénibles lourdeurs. Il ignorait qu’on les lui avait amputés, et les croyait cassés…Le temps s’arrête. Le silence s’impose. Personne n’a osé lui dire qu’il avait tout perdu, espérant le faire sortir du cercle de la mort vers un lieu où l’on pourrait remplacer ce qui lui a été pris, lui restituer un corps entier…
Après cela, j’ai jeté ma caméra, et n’ai plus porté que ma défaite et ma fragilité. Sur cette terre, il y a ce qui ne mérite pas la vie.
Vous trouverez ci-joint la photo de la victime.
حاملا كميرتي .. نازلا الى تلك الأقبية الخانقة بدمائها و وأشلاء من نحب … ما تسمى في الحرب مشافيا ميدانية ,, , بعد ان لم يتردد بشار الأسد قتلا واعتقالا في تهجير وقتل الالفي طبيب في دوما ليصل بالعدد الى ما لا يجاوز اصابع اليد ممن أضلهم الموت ولا زال يبحث عنهم
حالما بتلك العدسة الصغيرة أن نفتح عين العالم على ما جرى …. بعد ان أثبت كل حلفاء القتل استبدال قانون كرامة الانسان بقانون الغاب … ساكتين عن مجرم قاتل , لم يتردد بكل ما يملك من انعدام الانسان لديه الى انتهاك الارض والمقدسات .. مهيئا كل أسباب نمو تلك القوى الظلامية المجنونة … ربما لانه لا يوجد غابة تحاسب أسدها
مع أول سرير يصادفني أرى لاول مرة نصف انسان لا زال يحتفظ بقلبه النابض , بعد أن صادرت قذيفة الاسد عيناه وقدماه ويده , لتجعل منه يتمنى ايجاد ذلك الموت الذي سرق نصفه ولم يكمل
اقترب منه اكثر واكثر محاولا اتاحة الحديث له , علنا نجد من يسمعنا .. املا بذلك اليوم الذي يكسر فيه حصار دوما الذي فرضه الأسد عليها منذ اكثر من ثلاث سنوات والذي حال بين من فقد نصفه وبين وصوله الى دول تملك اطرافا صناعية عوضا عن تلك المواسير البلاستيكية التي كانت في السابق تستخدم للمجاري الصحية والتي تحولت في دوما لأطراف صناعية
أخبرته ان يتكلم عن نفسه , خجلا من نفسي وكمال جسدي … ليطلب مني قبل ان يتكلم أن أخبره عن وضع قدميه اللذين يشعر انهما ثقيلتان … ظانا انهم مكسورتان لا مبتورتان ,, ليتوقف الزمن ويسود الصمت عندها … دون ان يتجرا احد على اخباره انه فقد كل شيئ …. منتظرين محاولة اخراجه من دائرة الموت والحصار الى مكان يعوضه عما فقد ويكمل له جسده
راميا كميرتي بعد كلماته تلك … حاملا هزيمتي وضعفي … فعلى هذه الارض ما لا يستحق الحياة
مرفق صورة المصاب
source : http://blogs.mediapart.fr/blog/majd-aldik/080815/une-moitie-d-homme-et-un-coeur
date : 08/08/2015