Une radio syrienne libre s’installe à Paris

Article  •  Publié sur Souria Houria le 29 juin 2013

Deux journalistes de la Radio Rozana dans leur bureau à Paris, dont l'adresse est tenue secrète pour raisons de sécurité. DR

MONDE – Radio Rozana («la fenêtre qui laisse entrer la lumière») émet depuis mercredi depuis la capitale française…

Lina Chawaf respire. Menacée de mort en Syrie pour avoir refusé de véhiculer la propagande du régime de Bachar el-Assad, cette journaliste syrienne de 43 ans peut aujourd’hui enfin exercer son métier comme elle l’entend: librement. Deux ans après avoir dû fuir son pays, elle a réussi, avec un groupe de confrères syriens, à mettre sur pied leur projet de radio «libre et indépendante» pour couvrir la guerre.
Radio Rozana, dont elle est la rédactrice en chef, a vu le jour mercredi dernier depuis Paris, à une adresse tenue secrète pour des raisons de sécurité. Elle est accessible sur www.rozana.fm et sur le satellite Arabsat, qui couvre les pays arabes. Pour le moment, elle n’émet que deux heures par jour, avec des programmes en arabe alimentés par une trentaine de correspondants syriens et six journalistes en exil dans la capitale française. «J’ai travaillé pendant vingt ans comme journaliste en Syrie, raconte Lina Chawaf. On ne pouvait rien dire. On avait peur tout le temps. Ici, on travaille en toute liberté», confie-t-elle à 20 Minutes.

L’indépendance, principal défi

A ses yeux, l’indépendance de Radio Rozana est «le plus grand défi» à relever. Cela passe d’abord par le financement: le budget de la radio, qui doit lui permettre de tenir un an, est alimenté par différents médias et organismes européens (Danemark en tête, suivi de la France avec Reporters sans Frontières et le ministère des Affaires étrangères). Le Qatar, soutien financier majeur de la rébellion syrienne, n’a pas proposé son aide. Si c’était le cas, la radio l’accepterait-elle? «Non, nous n’acceptons que de l’argent qui provient d’organisations indépendantes. On estime que ce n’est pas le cas dans les pays arabes, donc on ne veut pas de financement de leur part», répond la rédactrice en chef. Elle espère en revanche pérenniser le fonctionnement de la radio grâce à des fonds de l’Union européenne, où elle a déposé une demande de financement.

L’indépendance passe ensuite par la couverture que font les correspondants sur le terrain. Tous ont suivi une formation en Turquie, organisée par Canal France International, filiale du groupe France Télévisions. Âgés de 20 à 35 ans, ils étaient étudiants, avocats, ingénieurs ou encore artisans avant de travailler pour Radio Rozana. Certains ont participé à la rébellion sur le plan humanitaire ou logistique, «mais pas dans la rébellion armée», insiste Lina Chawaf. Engagés pour bâtir une Syrie «libre et démocratique», ces nouveaux reporters devront éviter toute récupération politique et «transmettre les faits sans prendre parti». Une gageure. «La situation est très difficile en Syrie. Plus de 100.000 victimes civiles ont été tuées. Ce n’est pas facile de ne pas prendre parti, reconnaît Lina Chawaf. Nos correspondants, dont certains ont perdu des proches, voient l’injustice, la souffrance, la mort, la violence… C’est pour ça qu’on a mis l’accent sur la déontologie pendant leur formation et la nécessité de relayer les différents points de vue.»

Raconter la vie des civils

La radio s’est fixée une double mission: informer les Syriens de l’intérieur, et porter leur voix à l’extérieur en racontant la vie quotidienne des civils face à la guerre. «On étudie le moyen de transmettre sur la FM et les ondes moyennes pour avoir accès à la population, frappée par les nombreuses coupures d’électricité», précise la rédactrice en chef. Le site Web de la radio a également anticipé une éventuelle censure.

Un reportage, déjà en boîte, sera bientôt diffusé. Il raconte la file d’attente devant une boulangerie, ces heures entières pendant lesquelles les Syriens patientent, debout, avant de pouvoir acheter du pain, les complicités qui se nouent, les amitiés qui naissent. Et cette bombe venue soudain les écraser.

source : http://www.20minutes.fr/monde/syrie/1181683-20130628-radio-syrienne-libre-sinstalle-a-paris

date : 28/06/2013